Actualité
2 novembre 2005  


MBO terminé pour A.T. Kearney


Attendu depuis le début de l’année le Management Buy Out d’A.T. Kearney est enfin réalisé. Avec cette manoeuvre de retournement le cabinet conseil en stratégie détenu depuis 1995 par le géant de l’informatique EDS voit 100% de ses parts atterrir entre les mains d’environ 200 Partners. Un retour aux sources que la profession conseil accueille positivement et la concurrence à sa juste valeur


Petit rappel d’histoire : on ne le sait peut-être pas assez mais le cabinet conseil McKinsey a été créé en 1926 à Chicago en tant que société d’ingénierie et de comptabilité. Parmi les associés de départ deux personnages allaient marquer le conseil en stratégie américain : James O. McKinsey et son confrère A.T. Kearney. Après le décès prématuré de James McKinsey d’une pneumonie en 1937, une divergence dans la conduite des affaires est rapidement apparue entre A.T. Keraney et un nouvel Associé entré en 1937, Marvin Bower qui devait jusqu'à son décès récent conduire les affaires de McKinsey. De là une séparation inéluctable:  à A.T. Kearney le bureau de Chicago, rebaptisé A.T. Kearney & Co, à Marvin Bower la direction du bureau de New York, nommé McKinsey & Co.  Depuis les deux firmes, composantes incontournables du très select Top-Ten de la stratégie mondiale,  ont entretenu une saine concurrence teintée d’une légitime rivalité. McKinsey sous la direction de Marvin Bower puis plus récemment avec ses successeurs n’a jamais souhaité entrer en Bourse et conservera jusqu'à maintenant sa structure de Partnership, classique dans le monde du conseil. Pour A.T. Kearney il en ira différement, notamment en 1995 lorsque le géant de l’informatique EDS (Electronic Data Systems) en prendra le contrôle. Un achat salué à l'époque par les marchés mais qui restera toujours un sujet de discussion quand ce n’est pas de gausserie de la part du reste de la profession, très attachée à la notion de neutralité du conseil et de prise de risque commune avec le client, intrinsèques à la notion de Partnership. L’accolement d’un cabinet conseil en stratégie à une SSII était pourtant pertinante et avait l’avantage de permettre à la société informatique de pouvoir accéder directement aux Directions Générales via l’entremise des stratèges, tandis que le cabinet en stratégie pouvait développer des activités plus opérationnelles en aval de la stratégie, lesquelles s’appuieraient sur l’informatique, en plein développement et qui impactait fortement l’organisation des entreprises. En devenant plus généraliste et en se dotant d’une dimension informatique A.T. Kearney a certainement été dans le sens d’un vent qui soufflait vers plus d’opérationnel et plus de technologies. Mais à ce jeu le cabinet américain s’est mis en concurrence directe avec plus gros que lui et notamment avec les grands cabinets généralistes qui avaient des département stratégie solides et des reins opérationnels encore plus solides. Côté stratégie pure l’arrivée de nouveaux entrants, la concurrence des cabinets conseil en marketing et en intelligence économique auront achevé le durcissement d’un marché qui ne cessait de s’affaiblir (comme les chiffres de la FEACO le montrent très bien sur 4 années consécutives après l’an 2000) alors même que la demande en études et conseil stratégique ne cessait de se réduire, ce type d’approche ayant moins la faveur des clients dans un monde devenu par trop chaotique. Moins de stratégie, une concurrence plus directe avec les grands généralistes, et des petits nouveaux que l'on n'avait pas vu venir, trois raisons qui devaient avoir au bout du compte un effet majeur sur le dynamisme du cabinet américain, d’autant que l’image même du cabinet subissait les conséquences des difficultés de la maison mère, EDS, qui accumulait comme beaucoup d’autres SSII quelques déboires après l’éclatement de la bulle en l’an 2000 et l'événement du 11/9 en 2001. Dés le printemps 2003 nos confrères de Kennedy Information s’interrogeaient sur la stratégie d’EDS et pronostiquaient une séparation possible d’avec A.T. Kearney. Avec des concurrents qui ne manquaient pas de souligner un possible manque de neutralité en raison de l'appartenance à une société technologique, et une maison mère visiblement en déliquescence on imagine que la situation devenait rapidement instable pour le marketing du cabinet dont chacun pouvait s'attendre dés lors à la séparation d'avec EDS. Pour corser le tout en décembre 2003 EDS et un de ses partenaires perdaient le «marché du siècle» de l’Inland Revenue en Grande Bretagne contre Cap Gemini Esnst & Young. A ce moment, le monde du conseil était porté légitimement à se demander ce que faisait encore A .T. Kearney au sein d’EDS. Selon notre confrère l’Expension, AT Kearney aurait ainsi vu son CA monde passer de 1400 M$ à 806 entre l’an 2000 et 2004, celui du bureau français de 99 à 60 pour un Staff passant de 240 à 140 consultants. Si la concurrence a pu se frotter les mains et récupérer au passage quelques troupes talentueuses, et si la grande presse n’a pas manqué de s’interroger sur la "stratégie des conseils en stratégie",  l’accolement à une SSII pendant toute la phase de croissance des services informatiques devra toutefois certainement être considéré comme un choix qui présentait de nombreux avantages, d’autant que la présence d’une structure dédiée, Kearney Interactive, évitait une interférence directe avec l’activité purement informatique d’EDS. En tous cas, certainement un choix de nature à permettre un développement international pour ce cabinet qui affichait ouvertement dans sa publicité son ambition à «devenir le leader mondial du conseil en stratégie». Las, les événements en auront décidé autrement. Lorsque la conjoncture s’est retournée les deux vaisseaux ont certainement trop tardé à se désolidariser avant leur rentrée dans une atmosphère turbulente. L’atterrissage aujourd’hui de 100% du capital entre les mains de 200 Partners est donc plutôt une bonne nouvelle que la profession conseil accueille positivement et la concurrence à sa juste valeur.


Bertrand Villeret
Rédacteur en Chef, ConsultingNewsLine




Pour Info:
www.atkearney.com/



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