Le pOint 4 Octobre 2004
Interview
de Claude-Emmanuel Boisson Chief Technology Officer France d’Altran Technologies Alors qu’Altran est une fois de plus la cible de la justice et des média, le Directeur de l’Innovation et des Technologies (CTO) du leader européen du Conseil en Innovation nous reçoit pour faire le point sur cette société de conseil dont peu de gens connaissent vraiment les spécialités et les spécificités. Un exercice difficile et courageux. Claude-Emmanuel Boisson, la presse ces derniers mois a particulièrement décrit Altran sous l’aspect d’une SSII. Qu’en est-il? Claude-Emmanuel Boisson: Nous sommes une fédération de 200 sociétés européennes et internationales spécialisées dans les technologies. Nous sommes présents aux USA, de manière plus récente à Hong-Kong et à Shanghai. Aujourd’hui la notion de fédération est une réalité mais chaque entreprise porte sa marque propre. Le groupe n’a jamais eu la volonté d’imposer le nom d’Altran pour ses activités commerciales. Nous avons par contre en commun le Marketing, la Communication et le Recrutement qui sont au service des nombreux métiers. Peut-on les passer en revue ? Claude-Emmanuel Boisson: Il existe au sein du groupe 4 Business Lines: la Stratégie, l'Organisation - Management (15%), les Systèmes d’Information (25%) et l’Externalisation de la Recherche et Développement (60%), ce qui inclut l'activité des laboratoires et l'ingénierie. Nous sommes présents sur 3 grandes régions: La France, comptant pour moins de 50% du CA ; le Nord, dont la Suisse, les USA et la Chine ; enfin le Sud, dont l’Amérique latine et l’Europe du Sud. Donc une fédération d’entreprises allant du conseil à la recherche en passant par l'ingénierie. Peut-on dés lors parler d’un modèle Altran? Claude-Emmanuel Boisson: Oui car il s'agit d'une fédération de sociétés fortement positionnées sur des marchés locaux. Avoir un groupe avec un nom et des sociétés sans ce nom ajoute des opportunités intéressantes. Le "Modèle Altran" est basé sur l’initiative et l’entrepreneuriat: “se développer sous son nom propre et bénéficier des ressources d’un grand groupe, dont le recrutement est commun". Je ne suis pas sûr que beaucoup de groupes industriels l’aient fait. Le modèle de départ consistait à ne pas avoir de laboratoires. Comment a-t-il été modifié par le rachat d’Arthur D. Little (ADL) qui possédait les labo de Cambridge Consultants? Claude-Emmanuel Boisson: CCL (Cambridge Consultants Limited) est une société à part entière. Elle vend ses produits et ses services à ses propres clients et crée des liens commerciaux avec d’autres entités du groupe pour se développer : CCL se porte elle même et les autres sociétés ne sont pas là pour lui abonder du business. Pour une activité High Tech dans laquelle les consultants travaillent, avoir des laboratoires est naturel. Nous en avons maintenant plusieurs : à Boston (Altran Corp), en Allemagne (Eurospace) et à Cambridge (CCL). Toutefois il n’y a pas eu rachat des labo américains d’ADL [Akron Park].Le rachat a concerné la partie hors Etats-Unis, purement conseil en stratégie d’ADL . Altran est par contre propriétaire Worldwide de la marque. Les laboratoires représentent moins de 5% du CA du groupe Altran. Ils apportent une légitimité en terme de compétences mais ce sont des Business Units à part entière qui doivent se développer en activité. Donc un modèle qui évolue avec une plus grande implication dans les activités de recherche. On dit que vous êtes présents à Harvard ? Claude-Emmanuel Boisson: Nous avons en effet des liens avec des écoles d'ingénieur, de Management et des Universités dans le monde entier, notamment avec Harvard où nous avons signé un contrat pour 5 ans. Au delà du modèle de fédération et son évolution récente l’approche Altran semble reposer essentiellement sur la gestion des talents. Quels changements de ce côté-ci? Claude-Emmanuel Boisson: La gestion des talents pose un problème de durée. La durée requiert de pouvoir proposer des projets et pas seulement sur un seul secteur. De plus les chercheurs ne font pas toujours que de la R&D. Il aspirent à changer. Donc il faut pouvoir leur proposer de la R&d, de la R&D, de la r&D ... et du management, et de la stratégie. On est donc loin de la notion d’informaticiens en régie dont vous affublent les média. Vous parliez de 60% de R&D pour 25 % d’informatique. Alors pourquoi cette couleur SSII et pourquoi tant d’activité de R&D? Claude-Emmanuel Boisson: C’est une image qui nous a été donnée lors de notre cotation en bourse. Je n’en connais pas l’origine. Par contre les 60% de R&D externalisée ne sont possibles que parce que l’on aide les entreprises sur leur cœur de métier: chimie, mécanique, électronique... Nos talents sont sur les métiers des clients et les font bénéficier d’expériences acquises dans d’autres secteurs. Par exemple: l’application au ferroviaire des technologies embarquées du spatial. Nos experts ont ainsi proposé au client un modèle de moteur à explosion après avoir peaufiné leur métier sur le comportement thermique des satellites. C’est bien le physicien qui est derrière, pas le développeur informatique Mais on parle ici de Sciences et de Technologies, pas d’Innovation ? Claude-Emmanuel Boisson: L’innovation est un état d’esprit. La société a développé des méthodologies et des techniques d’innovation. On a aujourd’hui une véritable offre en Management de l’Innovation. Par exemple Synectics, une des sociétés du groupe Altran, offre des services de créativité, d’organisation du processus créatif, de Problem Solving, de processus sélectif, et de communication dans l’entreprise. Autre offre: la méthodologie d’accompagnement jusqu'à la réalisation des produits et la mise sur le marché. Comment ces nouvelles offres se traduisent-elles en terme de recrutement? Claude-Emmanuel Boisson: Notre légitimité s’acquiert lorsque le client voit la valeur ajoutée de ce que l’on produit pour lui. Mais le métier de conseil est un métier éminemment humain. Là, on doit être au top niveau. Pour toutes nos interventions, nos consultants se doivent d’abord d’être “fréquentables”, c’est à dire qu’il doivent donner envie aux équipes clientes de travailler avec eux, sinon on ne peut déployer. Il faut être à l’écoute, savoir restituer de manière analytique et pédagogique, transmettre jusqu'à ce que le client s’approprie ce que l’on fait. Il faut avoir un “savoir être” inattaquable. D’où un double profil pour les recrutements: savoir faire et savoir être. Bien que le groupe anime l’activité de recrutement pour l’ensemble des filiales, in fine chaque société de conseil assure son propre Sourcing, en fonction de ses besoins et de ses équipes. Il ne faut pas laisser à d’autres le soin de choisir, car une petite société équivaut à une grande proximité. Une société de conseil ne fonctionne bien que si il y a synergie. Donc les gens doivent s’approprier le recrutement. C’est un des principes historiques du groupe. Peut-on dés lors parler d’un style Altran? Claude-Emmanuel Boisson: Oui, nous avons un style générique mais chaque entité du groupe le décline suivant sa propre culture. On recrute à Bac+ 5 minimum ou équivalent, beaucoup d’Ingénieurs, d'universitaires de haut niveau et de diplômés d'Ecoles de Management. Des débutants et de plus en plus d’expérimentés. Assiste-t-on comme partout ailleurs à une dérive vers les Seniors au détriment du recrutement de Juniors? Claude-Emmanuel Boisson: Tout dépend ce que l’on appelle Seniors: 5-10 ou 30 ans d’expérience? A l’échelle de nos activités technologiques l'ancienneté est la plupart du temps inférieure à 10 ans, donc la notion de "séniorité" doit s'adapter , notamment dans les Télécom et Internet. Par contre, on peut dire que l’on recrute de plus en plus de gens expérimentés dans le conseil. Dire que l’on n’aurait plus besoin de jeunes? Non, car nous avons une stratégie sur le long terme, et l’avenir c’est eux. Vos concurrents parlent souvent d’un fort Turn Over des ressources humaines? Qu’en est-il? Claude-Emmanuel Boisson: Nous cherchons à donner aux meilleurs profils l’envie de rester, mais sur 200 entreprises de natures différentes et présentes sur plus de 16 pays, la signification du Turn Over est difficile à interpréter. Le Turn Inside par contre, je ne sais si le mot existe déjà, c’est que les gens ont la possibilité de gérer leur carrière dans d’autres entités du groupe, notamment à l’étranger. On peut être consultant, devenir manager ou expert et développer sa propre activité. Il existe des filières de consultants et des filières de managers. Il n’y a pas de directives de circulation fonctionnelle: l’important c’est que les talents prennent en main leur carrière et la fasse évoluer vers où ils se sentent le mieux. Bien sûr il y a des épreuves de sélection. Il existe ainsi l’IMA, l’Institut du Management d’Altran qui forme l’ensemble des cadres aux métiers du management. Le Management semble donc primordial mais les managers que vous formez savent-ils aussi manager la motivation des équipes chez le client? Claude-Emmanuel Boisson: C’est toujours un exercice difficile quand les équipes sont dispersées. Chaque société développe ses propres outils: extranets, réunions régulières, Conferences call du matin plus la présence des managers sur le site du client. Pour maintenir la motivation le manager doit être à l’écoute, être un conseiller pour aiguiller les équipes sur le bon chemin. Ceux qui réussissent le font avec talent. On veut des talents donc des gens hors du commun. La mode est au Coaching. Qu'en est-il pour Altran ? Claude-Emmanuel Boisson: Il se développe chez nous mais il ne s’applique pas de la même manière avec un consultant ou un manager. Je vois cela un peu comme pour un sport de haut niveau, le Coach n’est pas là pour expliquer à Zidane comment manier le ballon mais plus pour renvoyer une image, faire le point sur ce que les talents savent faire et les aider à s’améliorer. Vous avez, Claude-Emmanuel Boisson, la charge du contrat avec Renault F1 Team. Quelle place la F1 assure-t-elle dans la motivation des troupes ? Claude-Emmanuel Boisson: La F1 réalise la synthèse de trois objectifs : un plus en recrutement, une motivation pour les équipes et une référence technologique majeure pour le client. Aujourd’hui on couvre dans le partenariat à peu près l’ensemble des types d’activités proposées par Altran: Sciences & Technologies, Organisation et Management et ce, dans les mêmes proportions que pour l'ensemble de l'activité de notre groupe. Donc ce partenariat responsable est un véritable démonstrateur des savoir-faire du groupe. Mais la pression juridico-médiatique et le repli du titre cet été n’ont-ils pas eu quelques conséquences sur la motivation des équipes et la perception du groupe par vos clients ? Claude-Emmanuel Boisson: Aujourd’hui d’un point de vue opérationnel je ne perçois pas d’echos qui traduiraient de telles conséquences. Rappelez-vous que les sociétés du groupe recrutent et développent de l’activité sous leur propre marque, sans forcément faire référence au nom Altran. D’autre part la qualité pour le client est celle du contact opérationnel au quotidien et là tout va bien. D’ailleurs nous avons des chiffres sur le sujet. Une enquête récente du Figaro plaçait Altran à la 25ème position des 40 sociétés du panel et en faisait la 2ème meilleure société de conseil derrière Capgemini et devant Accenture. Donc selon vous, derrière le bruit un signal de réussite. Qu'est-ce qui vaut à Altran cette entrée dans la cour des grandes sociétés de conseil? Claude-Emmanuel Boisson : Si je devais en conclusion ne retenir qu'une idée pour nous décrire, je dirai que pour moi la vraie valeur ajoutée qu'apporte Altran en tant que groupe, c’est d’être présent sur tous les secteurs d’activités, qu'ils soient technologiques ou tertiaires, à la fois sur les coeurs de métier client et sur les activités de support. Car pour réduire les cycles de R&D il faut aujourd’hui pouvoir aller puiser aux sources les plus diverses. Et ça, seul un groupe comme Altran Technologies sait le faire. Propos recueillis par Bertrand Villeret Pour Info: www.altran.net Copyright Quantorg 2004 pour ConsultingNewsLine All rights reserved Reproduction interdite |
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