L'invité
de la rédaction
>> Juin 2004
« le type en chaussures
bizarres (croco) c’était Henry Ford !
Là, Le Mans est
entré dans ma vie... »
Interview de Francis
Reste, DirCom des 24 Heures du Mans
A
la recherche d’une notoriété globalisée les
cabinets conseil ont
investi massivement la Formule1. Mais à côté de
cette formule se
tient une course qui a elle seule détient une renommée
qui surpasse
toutes les épreuves automobiles à ce jour : Les 24 Heures
du Mans.
C’est
en 1906 que se déroule pour la première fois au Mans le
Grand Prix de l’Automobile Club de l’Ouest (ACO), il y a donc
près d’un siècle. Dés lors chaque année les
bolides pétaradant se retrouveront en Sarthe pour concourir,
faisant du Mans la plus vielle épreuve au Monde. Ce n’est
toutefois qu’en 1923 que la course prend sa forme actuelle d’une
durée de 24 heures. Alors que les routes goudronnées sont
encore rares et les éclairages fragiles, la compétition
mancelle en mettant les accessoires à rude épreuve
contribuera à fiabiliser l’automobile dont le succès sera
dés lors assuré. L’après-guerre verra les grands
constructeurs tels Ford investir cette épreuve afin de
réaliser des opérations de communication
planétaires. A l’orée du 21ème siècle les
24 Heures du Mans sont devenues une vitrine technologique où le
Big Business fait son Show devant 200 000 spectateurs à deux pas
de Londres par avion et à Paris en TGV. Certains cabinets comme
Deloitte & Touche en 2001 avec les véloces Lola à
moteur MG ont su saisir l’intérêt de l’épreuve
mancelle pour afficher leurs couleurs. Francis Reste, Directeur de la
Communication des 24 Heures du Mans nous explique pourquoi il est
important d’apparaître sur le museau effilé de ces
Formules 1 « en habit » qui chaque année font rugir
leurs moteurs sur les célèbres Hunaudières.
Francis Reste, Le Mans
représente une opportunité en terme de communication pour
les entreprises. Que peut-on en dire à l’occasion de ces 24
Heures 2004, 72ème du nom ?
Francis Reste : On l’a
suffisamment répété et entendu avec satisfaction,
notamment lors de la conférence de presse de cette année
: Le Mans est l’une des 3 grandes courses mondiales avec
Indianapolis et Monaco. Donc terrain formidable pour croiser
entreprises, sport automobile et presse : il y a unité de lieu !
La présence journalistique a atteint ces dernières
années des records. Nous enregistrons
régulièrement entre 3500 et 3800 demandes
d’accréditation dont j’ai satisfait cette année 1613 *
titres pour 27 nationalités...
On imagine une organisation
bien rôdée, une logistique monstrueuse, mais au bout du
compte le point fort du Mans n’est il pas un produit bien ciblé
?
Francis Reste : La
couverture est dans le monde entier, notamment grâce à nos
partenaires France Télévision et Eurosport. Au bout
du compte l’événement est couvert par 133 chaînes
dans 141 pays et suivi par 230 millions de
téléspectateurs [et 23 millions de pages lues sur le site
internet] .Mais c’est vrai le produit est extraordinaire. Et il a de la
bouteille. Comme on le dit chez Michelin, qui nous a supporté
pendant 20 ans, les vraies performances sont celles qui durent ! On est
aujourd’hui de la même veine que le Tour de France ou les Jeux
Olympiques ! La formule 24 Heures a été
déclinée de toutes les manières possibles: auto,
moto, camion... et même 24 Heures du livre et skateboard. Il n’en
reste pas moins que jusqu’au Japon 24 Heures est synonyme du Mans...
auto! Ce n’est pas la course de côte de Mazamet. - ville tout
à fait respectable au demeurant qui était celle de mon
oncle.
Aujourd’hui plus que jamais
les entreprises cherchent à communiquer de manière
globale. En quoi Les 24 heures du Mans peuvent-elles apporter un
tremplin aux entrepreneurs ?
Francis Reste : Le
Mans, c’est un pays de cocagne ! Avoir une loge au Mans, c’est
plus que de l’Incentive, c’est
entrer dans la légende ! Le nom
de votre société va figurer sur une auto et là, il
y a identification, motivation... et de plus un formidable week-end
pour vos invités. A 50 minutes de Paris par TGV et un
aéroport qui jouxte le circuit c’est une remarquable plate-forme
pour le business.
On imagine aisément
qu’il doit en coûter quelques Euros pour qui souhaite briller le
temps d’un week end. Qu’est-ce qui coûte le plus cher, le logo
sur la voiture ou l’accueil de ses invités.?
Francis Reste :
D’abord si Le Mans est une course qui dure un week-end c’est surtout
une fête qui dure une semaine, si l’on tient compte des
vérifications et des séances d’essais. Vos clients et vos
collaborateurs peuvent venir tout au long de cette semaine. Qu’est-ce
qu’il en coûte ? C’est plus à notre Direction Marketing de
répondre mais je peux vous citer quelques chiffres. Mis
à part les constructeurs officiels qui peuvent investir des
sommes fabuleuses comme en Formule 1, on peut dire que le coût
d’un prototype d’une petite écurie privée
prétendant concourir dans le top du classement est au bas mot de
500 000 Euros par voiture. [NDLT : Au Mans les écuries
officielles rémunèrent leurs pilotes tandis que pour la
plupart des privées il faut acheter son volant. Une partie du
budget est levé par l’écurie et le reste par le 3 pilotes
qui se relaierons comme le veut le règlement, d’où des
volants qui se négocieront en fonction des mérites du
pilote, du potentiel du véhicule et des accords de
dernière minute entre 80 000 et 120 000 Euros. C’est donc une
fraction de ce prix qu’il faudra acquitter si vous êtes sponsor.
Le ticket d’entrée pour apparaître sur la voiture est au
minimum de 20 000 Euros] Bien sûr tout cela ne vaut que si vous
accueillez vos invités. Là ce qu’il y a de mieux c’est
une loge au dessus des stands de ravitaillement. Il vous en
coûtera entre 30 000 à 45 000 Euros, mais des accords sont
possibles avec d’autres entreprises.
Et alors là
l’entreprise engrange un vrai retour sur investissement ?
Francis Reste : C’est
toujours pareil, c’est le vieux dicton : savoir faire et faire savoir.
Pour certains le retour ce ne sera pas d’avoir des invités mais
d’être dans le journal le lendemain. C’est le cas pour Michelin
qui le fait savoir dés le lundi. Il n’y a pas de démarche
de partenaire sans exploitation publicitaire. S’agissant de retour, le
calcul n’est pas simple. Que ce soit pour un constructeur ou une
entreprise sponsor il y a un investissement annuel mais sur le retour
il est difficile de faire la part entre la techno, l’aspect sportif, le
marketing. La seule chose que l’on sait c’est qu’entre les
écuries officielles et les privées c’est le jour et la
nuit.
Hormis la durée,
qu’est-ce qui forme la spécificité du Mans par rapport
à une course de F1 pour l’investisseur ?
Francis Reste : Au
Mans il y a plusieurs courses dans la course : Gros prototypes ( LMP1,
ex LMP 900), petits protos (LMP2, ex LMP675), Grosses GT (GTS) et
petites GT (GT). Les premières sont de vrais prototypes, les
dernières des voitures que l’on peut presque acheter dans un
magasin. Pour le spectateur il y a donc 4 duels absolus. En gros protos
où l’on trouve des constructeurs comme Audi et des
écuries privées telles Dome, Dallara .... ;
Duel en petits protos où l’on trouve des artisans comme WR,
Reynard, Courage, Lola ... ; Duel en GTS avec à nouveau des
constructeurs qui s’affrontent comme Ferrari, Chevrolet et enfin duel
en GT entre marques telles que Porsche et Ferrari sur des machines
à prix plus raisonnable. Il y a donc une alchimie de l’ambiance
avec plusieurs courses dans la course et autour une vrai vie qui
s’étire, un village dont l’accueil va du populaire au techno en
passant par les boutiques et les clubs privés. Donc un spectacle
plus complet, un public plus captif, plus de Marchandizing.
Un spectacle sur lequel il est
possible de capitaliser dans le monde entier ou bien cela reste-t-il
« centro centré » sur Le Mans ?
Francis Reste : Il
existe une « Formule Le Mans » si l’on veut comparer cela
à la Formule 1. C’est l’ALMS aux USA (American Le Mans Series)
que l’on décline aussi cette année en Europe avec la mise
en place des LMES (Le Mans Endurance Series). Aux USA c’est une
dizaine de courses qui vérifient le règlement de l’ACO
sur des circuits prestigieux tels que Road Atlanta (Petit Le Mans),
Sebring (12 Heures), Sears Point... En Europe dés cette
année il va y avoir 4 courses de 1000 Km à Monza, au
Nürburgring, à Silverstone et à Spa Francorchamp.
Avec les LMES on a fabriqué un championnat qui représente
une sécurité pour l’investissement des constructeurs. Un
constructeur qui pourrait hésiter à venir au Mans sait
qu’il va pouvoir disputer 5 courses en Europe et plus s’il va aux
USA. Même chose pour les sponsors.
Les cabinets conseil ont
investi la Formule 1 : Accenture, Altran Technologies, Celerant
Consulting,... En 2001 Deloitte & Touche était
présent au Mans sur les carrosseries des MG Lola. Va-t-on voir
les consultants investir aussi l’endurance ?
Francis Reste : Tout
dépend de ce qu’ils viendront chercher et de ce qu’ils auront
à offrir. Si on laisse de côté la simple
publicité de marque, où la situation est alors la
même pour un cabinet que pour un annonceur, il faut bien
comprendre qu’il y 3 domaines du fonctionnement des écuries dans
lesquels les consultants peuvent se rendre utiles : un aspect
Business, un aspect Techno et un aspect Sport, [voir managerial]. Pour
le Business les consultants sont en général
présents en communication et en levée de fonds, ce qui a
été mon cas avec KDLG. Pour les aspects Techno et Sport
où l’on trouve en Formule 1 les entités que vous m’avez
cité, il faut bien reconnaître qu’en endurance ils sont
moins présents. C’est même l’inverse. Ainsi pour l’aspect
sportif ce sont les équipes de compétition elles
même ou encore certains maître de la
spécialité qui prêtent conseil. C’est le cas par
exemple de Dereck Bell [5 fois vainqueur au Mans ] lequel a
conseillé Bentley, vainqueur en 2003, ou encore Jacky Ickx [6
fois vainqueur] qui a apporté son soutien à Mazda,
vainqueur en 91 ou plus récemment Joest, ancien pilote au Mans
sur Porsche d’usine, puis patron
d’écurie de Porsche privées ayant gagné en 84 et
85 et enfin comme
grand organisateur des victoires Audi de 2000, 2001 et 2002 [ainsi que
2004 mais lors de l’interview nous n’en sommes qu’à 5 H 30 de
course NDLT]grâce à une organisation sans faille,
le Joest
Racing, qu’il met au service d’Audi Sport.
Idem pour la Techno je suppose
?
Francis Reste :
Idem pour la Techno avec par exemple Judd, un motoriste anglo-saxon. Il
faut bien comprendre qu’en endurance, à part quelques grands
constructeurs, Audi, Chevrolet etc... qui ont leurs propres moteurs,
les candidats à la victoire font tous reposer leurs espoirs sur
un motoriste quasi unique : Judd, [comme ce fut le cas il y a longtemps
en F1 avec Cosworth]. Les moteurs Judd sont alors livrés
accompagnés de spécialistes qui ont un rôle de
consultant auprès des écuries avant et pendant la course.
Difficile de l’extérieur de les remplacer. Ceci dit les
ingénieurs en tous genres qui conseillent de plus en plus les
Team sont par définition des consultants. C’est le cas pour les
pneumatiques et les systèmes de gestion électronique.
On a vu que les entreprises
pouvaient s’engager sur une écurie, un pilote ou encore s’offrir
un espace dans le village. Y a-t-il d’autres formes d’investissements?
Francis Reste : L'ACO a
un nouveau Président, Jean Claude Plassart,
coopté par les membres du Comité directeur le 13
Décembre et qui succède à Michel Cosson, artisan
du renouveau des 24 Heures, lequel accède à une juste
retraite. Jean Claude Plassart est l’ex patron des Comptoirs Modernes,
devenus le groupe Carrefour dont il était il y a encore peu le
Directeur monde. Très sensible à l’aspect entrepreneurial
il a créé depuis peu le Club des Amis des 24 Heures
lequel regroupe des personnalités du monde industriel,
économique, financier, réunis aujourd’hui pour la
première fois avec l’ambition de développer les 24 Heures
du Mans.
C’est un appel à
candidature, nous l’enregistrons. Francis Reste, on a parlé des
24 Heures mais l’on sait peu de chose de vous. Pour terminer cet
entretien pouvez-vous nous dire comment on devient le «
DirCom » de la plus prestigieuse course au monde?
Francis Reste : Le
Mans a rythmé ma vie. J’ai commencé avec les Dinky
Toys... puis le Karting mais à 17 ans on a quitté Cahors
pour les 24 heures du Mans 67. On est venu en 404 sur les routes de
l’époque. Arrivés au Welcome le type en chaussures
bizarres (croco) c’était Henry Ford !.. Là, Le Mans est
entré dans ma vie et Ford est resté gravé dans ma
mémoire pour toujours. Faute d’avoir détruit deux Gordini
en deux courses je suis devenu journaliste ! (SIC) Je pige au
départ et après 20 ans de journalisme à Sport Auto
puis à L’équipe, je fini Rédacteur en Chef
adjoint. Mais à la fin c’était un travail
très administratif. En 95 la passion est la plus forte.
Après quelques contacts avec Flavio Briattore, Patrick Faure,
Christian Contzen (Renault F1), tout
a été réuni pour une écurie de Spiders.
Avec le pilote
Franck Lagorce on a monté via la Filière un Module Sport Spider avec le
succès que l’on sait. Au départ ce
devait être une année sabbatique, mais on est partis pour
deux saisons, au bout du compte on en a fait quatre. C’est comme cela
que je suis devenu manceau d’adoption. Manceau de coeur. J’ai alors
monté mon agence de « com », KDLG.
C’était l’outil ad hoc. D’où mon installation au Mans en
1999. Dans le portefeuille de KDLG il y a eu pendant un an et demi le
budget communication de Courage Compétition [~ 2002-2003].
Récemment Fabrice Bourrigaud qui assurait la Direction de la
Communication de l’ACO a pris celle du Marketing. L’ACO s’est alors
tournée vers moi pour lui succéder. Au départ il
était difficile d’arrêter les dossiers en cours. On a donc
trouvé accord et un mode de fonctionnement me permettant de
travailler pour l’ACO tout en assurant la continuité des
contrats de KDLG, constitués notamment par La Filière
FFSA au Mans, Toyota France et ORECA (Hugues de Chaunac).
Propos recueillis par Bertrand
Villeret
Pour info:
www.lemans.org
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l'éditeur
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Francis Reste en chasuble de journaliste
accueille en salle de presse le Ministre François Fillon et le
nouveau Président de l'ACO, Jean Claude Plassart
17 H 30 le sport reprend ses droits sur
l'étiquette. Un Ministre inquièt se penche sur le sort
des Audi de tête qui rentrent péniblement à leur
stand après une terrible collision
Retour au calme pour Francis Reste qui
échange maintenant quelques impressions avec Paul
Frère, illustrissime journaliste belge qui remporta les 24
Heures en 1960 sur Ferrari. Une légende
vivante
La salle de presse est un lieu
d'échange bourdonant: Ici Philippe Laville, Directeur de la
Rédaction de Le Mans Racing s'entretient avec Michel
Bonté, journaliste du Maine Libre, alias Georges Helmet pour Le
Mans Racing.
une salle de presse où
travaillent 1613 journalistes accrédités provenant de 27 nationalités
différentes et comptant parmi les 3000 professionnels des
média présents ..
une salle de presse où retentit la
voix d'un personnage que l'on ne voit jamais durant 24 Heures,
abrité dans son centre de commande: Bruno Vandestick le
commentateur officiel
Voix à laquelle répond celle de Patrick Hoft, son
compère aux célèbres moustaches, qui pendant 24
heures court d'un stand à l'autre interviewer officiellement les
pilotes ...
car le travail du journaliste est aussi
celui du terrain. Ici Stéphane Blu, chroniqueur de la radio RCF
Le Mans
13 Juin 2004 , 16 H 30, salle de
presse des 24 Heures du Mans, le danois Tom Kristensen vient
d'égaler le record du belge Jacky Ickx en remportant 6
fois les 24
Heures du Mans.
Images: B. Villeret
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