L'invité
de la rédaction
>> Novembre 2003
Valoris, le retour...
Khattar Chkaiban : le
défi de la valeur ajoutée
Début
2001, le numéro un français du conseil en relation client
est en pleine ascension : croissance à deux chiffres,
recrutements, rachats à tout va ... Mais la crise est là
et l’introduction en bourse ne se fait pas. Après avoir
réduit de près de 40% ses effectifs Valoris affiche
à nouveau des bénéfices. Khattar Chkaiban,
Président du conseil d'administration de Valoris revient
sur ces événements récents et nous dévoile
ses objectifs.
Khattar
Chkaiban, Valoris était bien parti pour devenir le modèle
d’un conseil français qui s’exporte et puis tout s’arrête !
Khattar Chkaiban : L’évolution
de notre CA a été le suivant : 42 ME en 1999, 84 ME en
2000, 109 ME en 2001, en repli brutal à 80 ME en 2002.
Après un début 2001 euphorique les choses se sont
dégradées avec à la clé une introduction en
bourse qui ne s’est pas faite. Nous sommes depuis passés
de 1000 personnes à environ 600 . L’effectif est
désormais stabilisé et nous avons repris prudemment le
recrutement au mois de juillet dernier.
Comment expliquez vous aujourd’hui ces
déconvenues aussi soudaines ?
Khattar Chkaiban : On a eu une
période extrêmement difficile, certainement avant les
grandes sociétés de conseil et de services. C’est
l’originalité, si je puis m’exprimer ainsi, de notre cas.
Les premières difficultés sont arrivées dés
l’été 2001. Le plus dur a été les 12 mois
qui ont suivi. Le bateau dérivait et la question
était « comment maîtriser la dérive
». En Juillet 2002 la crise était là pour
tout le monde. En ce qui nous concerne nous avions commencé
à nous organiser et à limiter la baisse de nos
revenus. Notre marge d’exploitation est redevenue
bénéficiaire depuis le 3éme trimestre 2002. La
tempête est toujours là mais depuis la fin de
l’année 2002 nous maintenons le cap . D’autres défis sont
arrivés en 2003.
Peut-on donner un sens à ces
événements ?
Khattar Chkaiban Que s’est-il
passé ? En 2000-2001 nous avons vécu 15 mois
de grande euphorie : il y avait le défi de l’offre internet, de
l’Europe, de l’introduction en bourse. On a vécu en
accéléré, en un an, ce que l’on fait
généralement en cinq ans. En avril 2001on sent la crise
du business model internet arriver alors que l’on avait
énormément investi dans ce domaine dans les 18 mois
précédents. On avait des projets de grande ampleur avec
une croissance fabuleuse, notre effectif passant de 500
consultants à 1000 en 15 mois ... la moitié de ce
développment ayant été
réalisée par croissance organique.
Que se passe-t-il alors ?
Khattar Chkaiban : En l’espace de
quelques semaines toutes ces opportunités fondent comme neige au
soleil et cela représentait pour nous le 1/3 de notre business.
Les Stars de l’époque, Web Agencies, cabinets de conseil
spécialisés dans l’internet disparaissent totalement. On
est touché de plein fouet en avril-mai 2001. Là on
commence à désinvestir après avoir
passé l’année 2000 à acquérir et
à intégrer ... Arrive le 11 septembre avec
une crise qui se généralise aux entreprises de services,
reflet d’une crise plus profonde de l’économie. Il a fallu
à nouveau faire les efforts nécessaires pour
réduire la voilure.
Peut-on préciser cette seconde
partie ?
Khattar Chkaiban : Si l’on excepte
une éclaircie en janvier / février 2002, les affaires se
sont à nouveau tendues. Notre rigueur de gestion nous a
permis de résister. A partir de juillet 2002 le revenu a
commencé à se stabiliser et depuis la marge
d’exploitation s’est améliorée : 3% de résultats
en Q4 pour 2002 et 6 % au premier semestre 2003.
Donc un retour aujourd’hui dans les points
?
Khattar Chkaiban : On a
stabilisé le business avec un volant d’affaires qui est
désormais en ligne avec notre capacité de production.
Notre taux de Booking est depuis le 2d trimestre 2003
supérieur à 80%. On n’est donc plus confronté au
problème du sous emploi. Le niveau d’activité laisse
augurer d’une stabilité pour les mois à venir. On a par
ailleurs lancé un grand programme baptisé «
Perspectives » pour focaliser nos Managers sur l’accroissement de
notre valeur ajoutée chez nos clients.
Parlez nous de ces nouveaux défis
auxquels vous semblez devoir vous confronter
Khattar Chkaiban : Ils sont
nombreux. Tout d’abord il y a le défi des tarifs. C’est nouveau.
Il résulte de la pression tarifaire et des procédures de
référencement qui se sont durcies avec une mise en
concurrence de plus en plus forte. Aujourd’hui on en vient même
aux enchères inversées. Cette pression qui produit un
blocage des salaires affecte le moral des consultants. Mais si le
phénomène est très dur, il conduit à un
challenge positif. Cela nous amène à une remise en
question de notre rôle en tant que consultants et favorise le
renouvellement des idées. On est loin des restructurations et
des allégements d’effectifs des dernières années.
Là on a un vrai défi de « la valeur ajoutée
pour le client ». C’est le défi de l’intelligence.
Comment pensez vous vaincre ce défi
?
Khattar Chkaiban : Aujourd’hui il
nous faut remobiliser nos 600 consultants sur cette bataille de
l’intelligence. Notre profession pourrait bien être
confrontée à ce que d’autres industries ont
rencontré par le passé, à savoir l’Off Shoring. En ce qui concerne le
conseil, l’accompagnement et les services à valeur
ajoutée, le défi pour nous est de maintenir une valeur
ajoutée croissante chez nos clients. Pour des prestations plus
banalisées, sur lesquelles Valoris n’est pas positionnée,
le risque est important et amènera la profession à se
remettre en question.
Pensez vous avoir les moyens de ce
défi ?
Khattar Chkaiban : Face à
cette crise terrible, notre chance est d’être un acteur de taille
moyenne. Notre taille devient un atout. Elle nous aide
notamment dans la remobilisation de nos équipes, la recherche
d’une plus grande proximité avec nos clients et aussi
à être plus fexible. Mais ce « défi de
la valeur ajoutée » en appelle un second qui est celui de
« la spécialité ». Car c’est là que le
marché va se segmenter. On doit être un véritable
apporteur de savoir faire. En cas de crise le premier réflexe
est d’être plus opportuniste mais cela conduit à des
situations de dispersion et de déqualification. Le défi
de l’intelligence sera de faire ainsi preuve d’audace dans notre sujet
majeur de spécialité : « aider nos clients à
développer de la valeur, autrement dit du revenu
profitable, avec leurs clients » .
Peut-on illustrer votre pensée ?
Khattar Chkaiban : Exemple du CRM :
dans la période d’euphorie les clients étaient
prêts à lancer des programmes globaux sur la
redéfinition et la transformation de l’entreprise d’où de
gros projets avec de la stratégie, du conseil
métier, du développement de nouveaux canaux, de
l’organisation, de l’efficacité opérationnelle des
process clients, des solutions globales ou dédiées ...
Mais tout cela a montré ses limites. Ces programmes gigantesques
ont apporté peu de résultats dans un certain nombre de
cas. Aujourd’hui la problématique client n’est pas remise en
cause, mais le client est devenu plus précis. Il veut par
exemple sur son canal de centre de contact être plus efficace et
délivrer un meilleur service à moindre coût.
Est-ce à dire que le
client du conseil a changé ?
Khattar Chkaiban : Les clients sont
aujourd’hui plus mâtures. Ils ne nous sollicitent pas pour parler
de vision globale mais pour des questions très précises :
quelle segmentation client, comment calculer la valeur
générée par un client… Ils sont devenus plus
précis même s’ils restent preneurs d’idées
innovantes.
Cela a-t-il d’une certaine manière
fait évoluer l’offre de Valoris ?
Khattar Chkaiban : Nos grands
domaines restent l’efficacité et l’orientation client ; ensuite
le pilotage de la performance. Nos lignes de force sont d’aider nos
clients dans l’innovation et l’usage performant des technologies. Tout
cela a toujours été depuis 1997 notre champ
d’activité. Cela reste notre Core
Business mais nous intervenons avec une démarche par
étapes, plus opérationnelle et qui se confronte chaque
jour à la réalité du terrain.
Longtemps seul sur un créneau
spécifique n’êtes vous pas aujourd’hui rattrapé par
la concurrence ?
Khattar Chkaiban : La concurrence
est une réalité quotidienne. Cela dit je suis convaincu
que sur nos spécialités il y a énormément
de choses à faire. Aujourd’hui il faut être plus
différencié et plus expérimenté, plus
critique aussi si l’on veut être encore là pour de
nombreuses années. On ne peut plus venir chez le client avec des
concepts globaux et marketing comme c’était trop souvent le cas
dans le domaine du CRM. Prenons l’exemple de l’Assurance Vie. Il y a de
nouveaux enjeux: l’assurance Vie commence à se coupler avec la
Santé, la Prévoyance, la Retraite ... là il y a
rupture sur l’offre et cela laisse place à la
différentiation, surtout si l’on tient compte de
l’évolution des canaux de distribution. Toutes les compagnies
ont un problème de réseau, d’agents, de centre d’appel ou
de point de vente et de fidélisation. Quand ce n’est pas
l’Assistance avec une plate-forme qui peut le cas échéant
servir de canal de vente additionnel. Tout cela c’est du CRM bien
sûr mais ce n’est pas un « projet CRM », plutôt
des progrès qui sont à réaliser avec
efficacité et précision. Si l’on explique au client que
l’on va mettre en place un logiciel de CRM global pour traiter son
problème, ça ne marche pas ! Notre force à Valoris
pour répondre à cette demande client qui évolue,
c’est d’avoir dans nos équipes des Marketeurs, des
Organisateurs, des Experts des Process "orientés clients" et du
Management de Programme, des spécialistes de grands secteurs
économiques.
Aujourd’hui on travaille moins dans les
entreprises. L’évolution de la société rend-elle
le concept de relation client obsolète ?
Khattar Chkaiban : La valeur du
travail est en train de faiblir. Voilà un bon sujet de
thèse. L’internet avait pourtant créé un sursaut,
une envie. La désillusion a été tellement brutale
qu‘elle a entraîné un repli rapide. Le concept de
l’orientation client évolue et devient un vrai problème
de culture et de société.
Valoris repart. Peut-on déjà
esquisser l’avenir ?
Khattar Chkaiban : Pour 2003, le CA
sera encore en léger recul. Mais pour 2004 il devrait se
stabiliser avec un accroissement de la marge. Pour nous, le chantier
qui concentre aujourd’hui toute notre énergie c’est « le
défi de la valeur ajoutée ».
Khattar Chkaiban, un mot de conclusion
Khattar Chkaiban : Aujourd’hui la
page des désillusions est tournée. Nous devons
travailler dans la durée, en profondeur et construire avec nos
clients. Valoris a un bon positionnement et surtout a des talents. A
nous de savoir les valoriser...
Propos
recueillis par Bertrand Villeret
Pour Info:
http://www.valoris.fr
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