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Quantorg 2008Mars 2008 Interview :
Alain Donzeaud
Secrétaire Général et DRH Monde du groupe Capgemini Capgemini
est le n° 1 français du conseil en SI et le n°4 mondial.
La petite SSII grenobloise a donc parcouru bien du chemin depuis sa
constitution en 1967. Elle fêtait l'an dernier ses 40 ans par la
sortie d'un ouvrage : "Une Histoire d'Hommes". Et c'est bien d'hommes
et de femmes qu'il s'agit. Le groupe a en effet depuis lors
racheté l'indien Kanbay, ajoutant 15 000 âmes à
celles dont elle administre le destin professionnel chaque jour. Il
était donc temps pour nous de faire le point sur ce groupe. Pour
ce faire, Alain Donzeaud, DRH Monde, nous a reçu dans son bureau
de la rue de Tilsitt d'où il
administre près de 85 000 collaborateurs
répartis sur les cinq continents...
Alain Donzeaud, bonjour, comment va Capgemini ? Alain Donzeaud : Le groupe va bien. Il affiche en 2007 un chiffre d’affaires en progression de 13% et une marge opérationnelle de 7,6% en progression de 1,6 point par rapport à 2006. On peut donc dire que le groupe et ses 84 500 collaborateurs vont bien et ce sur les 4 spécialités : le conseil, l’intégration de systèmes, l’outsourcing et les services de proximité (Sogeti). En effet il semble, vu de l’extérieur, et vos chiffres le montrent, que votre groupe traverse une phase très dynamique, après notamment le rachat de Kanbay, ce qui nous amène à la thématique des ressources humaines et aux 84 500 personnes que vous nous indiquiez... Alain Donzeaud c’est quoi être le « DRH Monde » de Capgemini ? Alain Donzeaud : Dans une société de services les « People » c’est le cœur du réacteur. Sans les collaborateurs il ne resterait que les PC et les murs. Les hommes et les femmes font la valeur de Capgemini et il faut donc leur consacrer du temps et de l’énergie. Il faut savoir attirer, recruter, développer professionnellement, former. Il faut savoir également offrir des perspectives de carrière, créer un environnement qui favorise l’épanouissement de chacun. Il faut enfin faire partager les valeurs et la culture. Chez Capgemini nous avons clairement affiché une culture d’entreprise fondée sur des valeurs et sur le respect de la diversité et du multiculturalisme. Le Groupe fixe des principes et un cadre général. Ensuite les pays en font l’application qui leur correspond : les Indiens pour les Indiens, les Néerlandais pour les Néerlandais, les Français pour les Français, etc. Etre DRH Groupe c’est mettre en scène cette philosophie aux services des enjeux stratégiques du Groupe. Pour les aspects communs, je suppose que l’université interne à Capgemini joue son rôle à plein ? Une université qui a longtemps été l’originalité du groupe, installée dans de somptueux bâtiments... Alain Donzeaud : En effet le « commun » est réalisé dans le cadre de l’Université [bien connue comme vous venez de le rappeler] et qui a quitté Behoust pour s’installer à Gouvieux, à côté de Chantilly. Près de 9000 personnes y sont passées l’an dernier ! Là se trouvent nos écoles internes : “Consulting School “, “Technology school”, “Outsourcing school”, “Sogeti school”, “Financial services school”, “Business Development school”, “Executive Education school”. Toutes ces écoles sont basées à Gouvieux, mais pas uniquement ! En effet l’Université est « déconcentrée » sur plusieurs autres lieux, notamment Dallas pour les USA et Hyderabad pour l’Inde. L’an dernier, nous avons formé 8941 personnes contre 6940 un an plus tôt. Et toujours l’an dernier, nous avons gagné deux Prix aux USA : celui de la « Best Innovative Corporate University » et celui de la « Best Mature Corporate University » à l’occasion du « CUBIC », soit encore les « Corporate University Best in Class » Awards, accordés par l’IQPC, l’International Quality & Productivity Center. Au delà de la qualité de l’enseignement quels sont les dispositions qui sont prises pour permettre justement un élargissement vers les cultures locales ? Alain Donzeaud : Il existe dans Capgemini un programme de Corporate Social Responsability qui recouvre des sujets sur lesquels nous sommes très actifs : les valeurs et l’éthique, la diversité, l’environnement et l’aide aux communautés. Nous sommes par ailleurs signataires du Global Compact et aussi de la Charte Environnementale de l’ONU. Nous sommes évalués sur ces sujets par des agences de notation en France et au plan international (Vigeo, « FTSC4Good »). Inutile de vous dire que tous ces sujets ne se traduisent pas par des mots, mais par des actes. Ces engagements sous-tendent votre forte présence dans le monde qui s’est renforcée récemment. Vos résultats 2007 mentionnent ainsi le développement de l’offshore dans l’intégration et l’infogérance sur la Pologne, la Chine, le Maroc et l’Amérique latine. Vous avez mentionné votre présence à Dallas et à Hyderabad pour la formation. Peut-on préciser l’extension de la présence de Capgemini à l’international ? Alain Donzeaud : Capgemini est présent sur tous les continents. Récemment nous avons renforcé notre présence en Amérique Latine avec le Brésil, l’Argentine, le Chili. Nous avons ouvert une société au Maroc. Vous connaissez notre présence en Inde et en Chine. Bien évidemment inutile de rappeler notre présence dans tous les pays d’Europe y compris un grand nombre de pays d’Europe centrale. Et n’oublions pas nos équipes en Australie ! Comment se répartissent les effectifs dans ce schéma ? Alain Donzeaud : Sur les 84 500 personnes que compte le groupe, plus de 9 000 sont aux USA et dans les autres pays de l’Amérique du Nord et de l’Amérique du Sud, 56 000 sont présents en Europe, environ 18 000 en Inde et plus de 1 500 en Asie Pacifique. Cela tient-il compte des équipes qui ont rejoint le groupe lors du rachat de Kanbay ? Alain Donzeaud : Oui en Inde nous avons près de 18 000 collaborateurs aujourd’hui, le rachat de Kanbay y contribuant pour, à l’origine, environ 6 000 personnes. Cette précision est intéressante, la presse « grand public » ayant donné l’impression que Capgemini avait acheté une entité indienne de 7 500 personnes localisées entièrement en Inde. Ceci étant précisé, pourquoi l’Inde ? Alain Donzeaud : Le pays du groupe en plus forte croissance c’est l’Inde. Cela correspond à une évolution des modes de production des services informatiques qui accompagne un nouveau paysage concurrentiel. Nos équipes en Inde sont gérées selon les principes dont je vous ai parlé et avec d’excellents résultats. Nous avons été classés 6ème parmi les sociétés de technologies de l’information en tant qu’entreprise ou il fait bon travailler. Et ce devant de grandes sociétés indiennes et internationales. De façon plus détaillée nous avons été classés 5ème sur les salaires, 5ème pour « my dream to work in », 5ème pour l’image de l’entreprise, 7ème au titre de la « dream company », et 8ème pour l’organisation et la culture. Donc en Inde « on s’occupe des collaborateurs » et c’est reconnu ! On a l’impression avec ces divers Prix, chartes et évaluations indépendantes, que la communication sur les aspects RH prend beaucoup d’importance dans ce monde de plus en plus ouvert. Qu’en est-il ? Alain Donzeaud : C’est certainement vrai, mais chez Capgemini nous préférons les actes aux mots. Nous travaillons, pour le développement des gens, pour la diversité, le développement durable, l’aide aux communautés, de façon concrète. En matière d’aide aux communautés, nous sommes partenaire de NAANDI Foundation, une fondation qui fournit de l’assistance aux jeunes filles indiennes. Sogeti est partenaire de Planet Finance, l’association créée par Jacques Attali. Sur un autre sujet, avons un programme mondial de développement et de gestion des talents et du Leadership. Il concerne tous les pays et il vise à repérer, évaluer, développer les talents de demain. Donc nous faisons des choses et nous communiquons ce qui est nécessaire. [Ce qui et important c’est que les collaborateurs s’en rendent compte !]. Quelle est l’unité de base pour la gestion des RH dans cette entreprise multiculturelle et très atomisée ? Alain Donzeaud : Dans chaque pays existe une entité de base « métier-pays » qui a son propre DRH. Par exemple « Conseil en management - France » qui a son propre DRH. Ou encore Outsourcing Pays Bas, etc.…De cette façon chaque collaborateur est géré au mieux de la proximité avec son métier et son pays d’appartenance. Et pour ce qui est des profils, on peut imaginer que l’ouverture à l’international doit sortir le groupe de la classique « double formation », Ingénieur + MBA ». Qu’en est-il ? Alain Donzeaud : Nous sommes ouverts à tous les profils : aux profils scientifiques, aux profils techniques et aux profils commerciaux : écoles d’ingénieurs et universités équivalentes en France et dans les pays ou nous opérons. L’informatique pose un problème majeur pour les Seniors : une obsolescence des talents liée à l’obsolescence des technologies. Qu’un éditeur disparaisse et les spécialistes de ses logiciels passent à la trappe. Comment ceci doit-il être managé en général et comment le faites vous en particulier à Capgemini ? Alain Donzeaud : Dans nos métiers il y a souvent 2 ou 3 âges critiques. On démarre comme débutant puis après 3 à 5 ans on décide de valoriser ses acquis en rejoignant une entreprise. Puis ensuite aux alentours de la quarantaine (il va rester plus de 20 années à travailler !) on se pose à nouveau le choix service ou entreprise cliente. Enfin il y a les seniors ( !) au delà de 50 ans qui est un troisième cas et dont la gestion dépend de l’entreprise. A Capgemini, nous considérons que ceux qui ont de l’expérience technique c’est un atout . Les plus grands chefs de projets sont seniors ! J’en veux pour exemple le chef de projet du site web de la Coupe du Monde de Rugby, créé et administré par Capgemini. Pas un seul bug ! C’est cela la bouteille ! A l’autre extrémité du spectre on a justement ces juniors que l’on a de plus en plus de mal à recruter dans le conseil et l’informatique, crise de vocations disent certains, malgré les « grands messes » et, comme on le voit en Angleterre, malgré des recrutements communs réalisés entre concurrents (ex au Barbican Center). Votre point de vue ? Alain Donzeaud : Aujourd’hui il faut être visible et attentif à ceux qui vous ressemblent le plus. Tous les grands groupes de tous les secteurs sont en concurrence, et ceci est valable pour la Banque-Assurances, le Conseil, les SSII, les administrations... Il faut donc trouver des éléments [différenciants] et des manières originales, ce qui reste du domaine de chaque entreprise. Par exemple nous avons fait une opération de recrutement sur Second Life. Au delà des captations de marchés certains observateurs voient dans le rachat de grandes sociétés, on pense à Kanbay bien sûr, la possibilité justement de pouvoir capturer de larges ressources humaines que l’on aurait du mal à recruter autrement. Dans le cas de Kanbay que peut-on dire ? Alain Donzeaud : Achat pour deux raisons : d’abord il s’agit d’une société spécialisée dans les services financiers, ce qui nous a renforcé sur ce secteur et cela était un objectif du groupe ; ensuite c’est un modèle intégré de société On-Shore / Off-Shore avec un rapport de base de 1 Américain pour 4 Indiens (1500 personnes pour 6000). Donc un Know How en Inde et un portefeuille clients aux USA ! Une question peut-être un peu plus politique avant de conclure, Capgemini est présent dans le monde entier, donc confronté à un droit du travail qui n’est pas partout le même, et présente pour une entreprise française des dimensions respectables qui l’autorisent à dialoguer avec le pouvoir. Nous sommes à la veille d’une réforme du code du travail en France, diverses dispositions sont apparues comme la « Portabilité ». Qu’est-ce que cela évoque pour vous ? Alain Donzeaud : Je suppose que vous pensez à la portabilité du DIF. La loi sur la formation de 2004 qui a créé le DIF a posé à travers ses dispositions un certain nombre de principes tout à fait remarquables : la formation se poursuit tout au long de la vie et ne s’arrête pas à la formation initiale, la formation continue est une coresponsabilité de l’individu et de l’entreprise, il faut évaluer en permanence ses compétences, il y a des périodes de la vie professionnelles qui requièrent des attentions particulières, etc. Le DIF s’inscrit dans ces perspectives. Ma remarque est qu’ il est de notre responsabilité commune de faire en sorte que le droit à la formation s’exécute. Ce qui n’est pas si facile et ce des deux cotés, entreprise et salariés. Ensuite, à mon sens, on pourrait parler de "portabilité". Mais attention aux conséquences comptables de tels choix ! Alain Donzeaud, merci pour ce témoignage. Pour terminer cet entretien, nous serions tentés de vous demander si, après avoir administré autant de personnes à la « DRH Monde » de Capgemini, « 84 500 », vous pourriez un jour revenir vers le conseil tel que vous l’avez connu en tant que Directeur de Bossard Consultants puis de Gemini Consulting et à la présidence de Syntec Conseil en Management ? Alain Donzeaud : Le conseil c’est un métier, une culture, un état d’esprit. Vous évoquiez Bossard, qui portait une telle vision où nous avons appris à prendre les choses d’une certaine manière. Aujourd’hui j’ai grand plaisir à être Secrétaire Général et DRH de Capgemini et j’ai pris cette fonction avec mes acquis antérieurs. Quant au futur on verra bien ce qu’il nous réserve ! Rédacteur en chef de ConsultingNewsLine www.capgemini.com/ Whoswoo : Alain Donzeaud Images : Courtoisie Alain Donzeaud/Capgemini pour ConsultingNewsLine All rights reserved Reproduction interdite |
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