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Quantorg 2007Avril-mai 2007 Spécial élections présidentielles Observatoire du travail Bernard Brunhes Consultants, Groupe BPI - BVA - L'Express Interview : Jérôme Sainte-Marie, Directeur de BVA Opinion BVA
est un des grands acteurs français de ce que l’on appelle "Les
Sondages". Cette agence située à Boulogne-Billancourt
s’est spécialisée dans les études d’opinion et les
études de climat social : enquêtes de satisfaction,
baromètres sociaux, enquêtes diagnostic, études de
communication interne. A l’occasion de la 11ème édition
de l’Observatoire du Travail, BBC-BVA-L'Express où il
présentait les résultats de l’enquête "Les
Salariés et leurs priorités à la veille de
l’élection présidentielle", Jérôme
Sainte-Marie, Directeur de BVA Opinion a bien voulu
répondre à nos questions. Il offre ainsi aux lecteurs de ConsultingNewsLine un
éclairage sur les sondages et leur validité à un
moment particulièrement opportun
Jérôme Sainte-Marie, vous dirigez BVA Opinion. Merci d’avoir accepté d’offrir à nos lecteurs, principalement consultants et utilisateurs du conseil, votre vision des "sondages". Comme vous le savez, les cabinets réalisent beaucoup de diagnostics d’entreprises, voire de nombreuses études marketing. Aussi, les enquêtes ne leur sont pas étrangères. Toutefois, on constate que les "enquêtes d’opinion" établies sur une large échelle leur sont inconnues. Il n'est donc pas facile pour eux, en période électorale, d’émettre un avis sur la signification et la fiabilité des sondages lorsqu’ils sont sollicités sur ce sujet par des chefs d’entreprises... Quelle serait donc selon vous la particularité des sondages ? Jérôme Sainte-Marie : La technique des sondages "classiques", c’est un métier encadré par des outils. On est donc sur des produits d’études assez formatés.Il s’agit d’enquêtes sociologiques et l’on fonctionne donc sur la notion de "représentativité". Deuxième point, on travaille sur du déclaratif. On n’est donc pas sur du comptage. Donc on utilise un questionnaire (par opposition à la mesure d’un comportement). On recueille de la parole, laquelle est fragile et parfois entachée d’hésitation, d’oubli ou de dissimulation. Quantitativement et qualitativement cela a quelles conséquences sur le panel choisi? Jérôme Sainte-Marie : On utilise des échantillons "représentatifs" en les constituant de manière spécifique à chaque étude. Ensuite chaque personne est appelée à l’improviste, sa réponse est donc spontanée, ce qui évite un phénomène de "panélisation". Enfin, pour ce qui est du nombre, la pratique habituelle c’est un échantillon de 1000 personnes. On a une croissance forte de la précision dans les premières centaines, après c’est plus faible. En général on s’arrête à 800 - 1000. Là, le résultat est "significatif". Pour certaines études locales on s’arrête à 800. Cela reste bien sûr un compromis entre les espérances et le budget. Comment faites vous pour prendre en compte des critères couplés ? Par exemple la ménagère de plus de 50 ans qui ferait du sport ou encore un jeune banlieusard qui décrocherait son premier emploi ? Ceci rend-il nécessaire de "réviser" les résultats? Jérôme Sainte-Marie : Bien sûr on ne peut pas prendre en compte tous les cas. On fixe donc pour une étude donnée les critères déterminants : sexe, âge, région... et là notre échantillon devient représentatif, même si les personnes ne sont pas individuellement représentatives. Après, il est possible de compléter nos "quotas" par des critères descriptifs par exemple le salaire etc... En fait, donc, il n’y a pas de redressements sur d’autres critères que ceux qui servent de quotas, et ceux-ci sont très limités. La question des "redressements" et autres réajustements des chiffres est en effet abondamment citée par les journalistes de télévision et la grande presse pour stigmatiser un possible manque de fiabilité des sondages, voire un manque de sincérité. Qu’en est-il ? Jérôme Sainte-Marie : Cette question ne se pose en fait que pour les sondages politiques, où il est reconnu par tous, et notamment par la Commission des Sondages, qu’il est nécessaire d’utiliser le vote antérieur des interviewés pour constituer des coefficients de pondération qui assureront la représentativité politique de notre échantillon, et au final des intentions de vote de qualité. C’est grâce à cela, par exemple, que BVA a pu établir avant le premier tour un score d’intentions de vote à 26% pour la candidate socialiste, de 29% pour Nicolas Sarkozy et de 12,5% pour Jean-Marie Le Pen, ce qui fut la meilleure mesure du marché. La campagne de la présidentielle bat sont plein et au delà de ces réajustements, un second problème est évoqué par les grands médias, celui des français qui ne souhaiteraient pas se prononcer, entachant ainsi les sondages. Jérôme Sainte-Marie : Non pas du tout. On a un taux de refus de 25%, qui est correct et qui n’est pas particulier à cette campagne. Je suis même surpris de la faiblesse du taux de refus. Les gens qui ne répondent pas, c’est lié à un problème de temps. Dans les intentions de vote c’est stable, limité, donc il n’y a rien d’inquiétant. La participation devient maximale sur les sujets sociaux, car là, les améliorations sont des attentes personnelles. Donc s’agissant des bruits sur "les français qui ne réponden" pas c’est inexact. Plus généralement, on constate qu’il existe un rapport de "fascination / répulsion". Les sondages qui plaisent sont crus et ceux qui ne plaisent pas sont contestés. Il faut bien comprendre que l’on est placé au centre de la vie publique et sociale (BVA travaille avec l’Armée, les entreprises ...). Plus on est présents et plus on devient un enjeu, plus on est critiqué. C’est donc le jeu. La question est légitime. Je passe mon temps à répondre dans les médias à des questions sur les sondages, parfois plus que sur les résultats, sur l’information qu’ils contiennent. Même si je souhaite déconnecter cette interview de la présentation de l’étude de l’Observatoire du Travail, les chiffres que vous y avez présentés font apparaître des résultats étonnants, je pense notamment aux intentions de vote où l’on voit des candidats comme, entre autre, Dominique Voynet, Philippe de Villiers tomber à zéro sur un panel de 452 répondants, alors même que l’on sait que les thèmes abordés par ces candidats sont appréciés chez les salariés des entreprises... Jérôme Sainte-Marie : Ce ne sont pas des intentions de vote. Pour un vote les chiffres seraient bien sûr plus élevés. Là, c’est la réponse à une question très précise : «quel candidat prend le mieux en compte les attentes des salariés » ? Et sur cette question, certains sont clairement identifiés : Besancenot, Laguiller... d’autres non. Jérôme Sainte-Marie, on est en pleine campagne électorale, donc je n’abuserai pas de votre temps. Peut-on en conclusion vous demander justement ce que vous pensez de cette campagne, sur le plan du "rapport aux sondages" bien sûr ? Jérôme Sainte Marie : Jamais l’inter activité entre l’opinion et l’observation n’a été aussi forte. On a une offre politique constituée largement par les sondages. Ségolène Royal s’est imposée d’ailleurs grâce aux sondages avec un jeu très inter actif, où elle choisit en fonction de l’effet qu’il y aura dans les sondages, donc une stratégie d’opinion et un jeu avec les sondages. C’est moins le cas de François Bayrou par exemple. Donc dans les réactions des candidats il y la prise en compte de la réaction des sondages, et donc au lieu que le sondage soit une photo inerte, c’est un "instantané dynamique". Les instituts de sondages restent neutres, mais ils produisent parfois un effet qui nourrit lui-même d’autres sondages, d’autres dynamiques. Je ne l’ai pas encore suffisamment formalisé, mais je remarque que jamais les gens n’ont eu autant connaissance des données sur l’opinion, et cela finalement ressemble au phénomène que l’on observe en Bourse où l’idée du comportement des autres influence sur son propre comportement. Il existe au final un pouvoir des sondages, pas des sondeurs. Propos recueillis par Bertrand Villeret Rédacteur en chef, ConsultingNewsLine pour ConsultingNewsLine All rights reserved Reproduction interdite |
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