Méthodologie
Septembre  2004  
La Valeur, nouvelle exigence dans le B to B
Par  Michel Goyhenetche

Les moyens de conquérir et de garder le client marchent de moins en moin bien aujourd'hui. Le client se révèle en effet de plus en plus sensible à la notion de valeur. Mais celle-ci prend des aspects complexes: prix, utilité, mode, humeur... Et pas seulement dans le B to C,  mais aussi maintenant dans le B to B! L' Analyse de la Valeur reste de ce point de vue "Le" grand outil du consultant. Encore faut-il que celui-ci ait une notion précise de ce qu'il appelle "Valeur" et les outils pour l'apprécier

Les moyens de conquérir et de garder le client marchent de plus en plus difficilement. Le client a changé! Dans le domaine des produits destinés au Grand Public, le décalage entre les comportements d’achat des produits de « première nécessité » et ceux relevant de l’achat d’impulsion , est de plus en plus manifeste. Il faut se rendre à l'évidence: les consommateurs achètent ce qui leur fait envie  au détriment de ce qui leur est seulement utile; aussi ne veulent-ils pas « surpayer » les produits et services  de première nécessité , ceux-ci s’étant banalisés ? . Ainsi s'explique le succès des offres « discountées ’ » (Leader Price, transport aérien et location automobile Easyjet, Easycar), et des concepts de services « simplifiés » ( IKEA, Mac Do, Traiteurs asiatiques). Pire encore, les consommateurs font des économies sur l'utile grâce à la main-d’œuvre des pays à bas salaires, aux soldes et promotions pour mieux se donner les moyens d’acheter ce qui est innovant ou ce qui est « tendance » Même dans le B to B

Chaque catégorie de clients, chaque client même, possède son « système d'appréciation » des produits ou services proposés sur le marché. Le consommateur particulier, par exemple, introduit largement, dans son évaluation, des critères subjectifs (amabilité du vendeur, prestige de la marque, réputation du producteur, confiance en un chargé de clientèle, décor et ambiance du point de vente...). Les entreprises qui obéissent aux règles de la comptabilité et aux contraintes de la rentabilité n'échappent-elles pas à ces facteurs irrationnels ? Leurs services des Achats, leurs Directions Techniques, leur expérience et leur compétence ne les mettent-elles pas à l'abri des décisions impulsives et des influences relationnelles ? Hélas non ! Les avantages perçus diffèrent, en effet, au sein de l'entreprise selon la position de celui qui participe à la décision d'achat (l'utilisateur est rarement le décideur). En outre, les entreprises accordent une grande importance à la confiance qu'elles peuvent avoir en leur interlocuteur, aux difficultés et risques des changements, aux innovations qui leur permettront de se différencier. Enfin, les objectifs des clients ne sont pas uniquement financiers : la puissance, le prestige, l'acquisition d'une compétence entre autres vont peser sur la décision. Faut-il s'en désoler ? La réponse est non, car c'est précisément la compréhension des mécanismes d'évaluation des clients qui va permettre d'aller au-delà des facteurs techniques. Procéder à l'évaluation de sa propre Offre avec les yeux du client conduit, en effet, à optimiser sa proposition, en fonction de l'interlocuteur ou du « segment » de clientèle visé.


La Valeur comme nouvelle exigence du consommateur et du client B to B
Contrairement à l'impression propagée par la vague récente d' "anti pub", les nouvelles exigences du consommateur font que le marketing peine à trouver ses marques, notamment dans le B to B que la  spécialité à quelque peu laissé de côté!  Après avoir enseigné aux entreprises à gagner de l'argent par l'étude des besoins, la conquête des parts de marché et la vente de masse, le marketing propose de nouvelles recettes. Le nouvel objectif, c'est la satisfaction du client qui permettrait de le fidéliser et, ainsi, de pérenniser les profits ; pour cela, il suffirait de pouvoir :

-Améliorer le produit pour qu'il soit conforme à sa promesse,
-Offrir des Services,
-Réduire les délais et les respecter,
-Écouter le client et lui répondre,
-Être plus proche et plus disponible grâce à de nouveaux canaux
 de distribution, de nouveaux médias.
-Mieux connaître son client en mémorisant un maximum d'informations
 sur lui à chacune de ses transactions.

L'expérience montre, hélas, que tous ces efforts ne suffisent pas aux entreprises pour défendre leurs parts de marché ni leurs marges. La Qualité ne garantit pas la Satisfaction et la satisfaction ne garantit pas non plus, la Fidélité. Par ailleurs, on voit les efforts de productivité, les réorganisations (le «re-engineering»), les investissements informatiques dans le CRM (Management de la Relation Client) se traduire par une compétition de plus en plus féroce qui lamine les marges des entreprises. Autant de méthodes et d'outils centrés sur le produit, sur la technique et sur le métier que l'on va améliorer, rendre plus efficients pour être plus compétitif ou pour acquérir la taille critique ; autant d'efforts que le consommateur n'est pas disposé à payer s’il n'y perçoit pas un accroissement de la Valeur pour lui. L'erreur repose essentiellement sur une confusion entre Valeur et Qualité!

L'entreprise dit la Qualité, mais c''est le marché qui dit la Valeur
Pour répondre aux besoins d'utilisateurs identifiés, les entreprises conçoivent et réalisent leurs produits dans le cadre d’une démarche Qualité. Celle-ci consiste à définir les spécifications dans une logique de projet et à fixer l'exécution de la fourniture selon le processus qui garantit la conformité des résultats aux objectifs fixés. La démarche, pour rigoureuse qu'elle soit, ne garantit, malheureusement pas le bénéfice (ou Valeur) que le client (ou l'entreprise qui achète et met en oeuvre le produit en vue de réaliser ses objectifs) va percevoir dans l'offre qui lui est faite. À la différence de la Qualité, la Valeur dépend du client. La Valeur est l’appréciation des Bénéfices Perçus en comparaison des Efforts à Faire pour obtenir, mettre en place et utiliser le produit. Les mêmes avantages seront perçus différement, et quelques fois complètement ignorés, selon la situation particulière du besoin de l'entreprise cliente sur les plans technique, humain ou économique, le poids relatif des performances attendues et corrélativement selon le coût de la solution proposée. Enfin, la Valeur du produit ou service acheté par le client ne dépend pas seulement de l'usage qu'il peut en faire ; l'évaluation à laquelle il procède est relative car elle intègre les autres solutions disponibles sur le marché (voir en interne). Il ne suffit pas que l'offre soit bonne selon le jugement de l'entreprise qui l’a conçue, il faut qu'elle soit meilleure que les autres d'une manière ou d'une autre selon les acteurs du marché.

Qu'est-ce qui fait marcher les acheteurs ?
La « customisation » qui se développe dans de très nombreux marchés , oblige à des efforts parfois considérables pour adapter son offre à la demande ; et de constater que ce n’est jamais gagné. Le client se montre selon les cas versatiles, insaisissable, arrogant, désinvolte, difficile... En tout cas il est multiple et sa réalité est complexe. Nombreux sont ceux qui, en situation de fournisseurs, se plaignent de ne pas toujours comprendre les logiques de ce personnage, central pour la vie de leur activité et aussi pour leur avenir. L’affectivité peut faciliter ou altérer la relation et par conséquent devenir un levier conséquent dans la réussite des affaires. Un paradoxe les guette : ils oublient souvent que, lorsqu’ils se retrouvent eux-mêmes en situation d’acheteur, ils se comportent de manière comparable…Y aurait-il dans l’homme qui se retrouve derrière ces deux rôles opposés, des mécanismes qui permettraient de mieux discerner « ce qui fait marcher les acheteurs ».

La valeur, une "nouvelle clef" à portée de main
La notion de Valeur dans l’acception du client, correspond à un domaine mal connu et encore peu exploré. Quand on commence à s’intéresser à ce qui se cache derrière ce vocable, on a la surprise de découvrir l’existence d’un univers fait de concepts originaux, riche de surprises, capable de décrire le monde de la relation commerciale sous un jour renouvelé. Notre propos est une invitation à explorer les nouveaux chemins que recèle la Valeur, à s’interroger sur ses contenus et les sens à leur donner, pourquoi elle apparaît comme une force, comment elle agit et ce vers quoi elle nous conduit. De fil en aiguille, l'acteur en entreprise doit se laisser entraîner dans une « logique de la Valeur », propre à mieux démêler les écheveaux des rapports clients-fournisseurs dans leur grande complexité et dans les différents contextes du commercial rencontré dans les affaires. Les connaître permet de se donner un nouveau cadre pour construire autrement la relation avec le client, pour repenser l’offre dans le marché et se donner de nouveaux leviers dans l’action sur le terrain. Le profesionnel qui se prête à ce jeu s’aperçoit dés lors très vite que nous sommes « mal câblés » , prisonniers de schémas de pensée obsolètes, mal entraînés à écouter et à faire confiance. Nous nous perdons à emprunter des chemins ou le rendement de l’effort investi est petit ; chemins qui finissent par user insidieusement les forces de de l'entreprise et de l' économie. Les concepts abordés par un ré-examen de la notion de Valeur ont pourtant pour point de départ des notions étonnamment simples et connues. C’est dans le travail de révélation du potentiel des logiques qu’elles recèlent que se trouve l’originalité de l’approche d'Analyse de la Valeur.

 
Le pilotage de la relation client est une réalité clef dans le B to B
Parce qu’elle est marquée par la réalité humaine, les professionnels du commercial savent que la relation client est complexe et fragile. L’approche par la Valeur se montre extrêmement riche et féconde pour aborder ce champ avec un nouveau regard. Elle apporte des clefs pour être plus rapide, plus lucide, mieux averti et en final plus efficace dans la réussite des affaires  On a l’habitude de voir dans la relation client un processus de production de services qui prolonge les phases de conception et de production de l’Offre. ( vente, avec ses prolongements dans le suivi et l’assistance au client). Il n’en est rien. La relation client a un champs plus vaste; Celui-ci commence à s’éxercer déjà à l’amont, dans les phases de la genèse du produit.  Il ne s’agit pas seulement de savoir comment atteindre le client, le gagner et lui apporter un soutien, mais aussi de savoir atteindre le besoin, tout cela au moindre coût pour le fournisseur. L’enjeu est comment mieux maîtriser le processus qui s’organise depuis l’idée jusqu’à ce moment magique qui s’appelle la conclusion de vente pour l’un et la conclusion d’achat pour l’autre. La relation client se construit au moins selon trois dimensions, chacune participant à sa manière à une part de création de la valeur perçue par le client :  d'abord la stratégie relationnelle choisie. Ici la réflexion sur la Valeur entraîne le professionnel à aborder le registre des rapports entre acheteurs-vendeurs, en explicitant la part de la dimension affective, dans ce qu’elle a d’universel, quels que soient les rôles des protagonistes... Ces rapports s’étagent de la relation de type « tous gagnants » , à ceux caractérisés par les pouvoirs de négociation déséquilibrés entre dominants et dominés, en faisant un aparté aux mécanismes qui régissent les relations si discutées et parfois si douloureuses entre Sous Traitants et Donneurs d’Ordres du monde automobile. En comprenant mieux les mécanismes et les sources de créations de la valeur pour le client, on ne peut que s’intéresser au rôle de l’éthique dans les rapports commerciaux et en particulier à celui de la confiance dans l’échange entre les hommes et les organisations. Dés lors on ne peut que s’interroger aux effets pervers de certaines stratégies de relations mises en place aujourd’hui. Leur impact sur le futur de nos activités industrielles et de notre société est mal mesuré. Identifier les ressorts cachés du comportement des acheteurs (et aussi des fournisseurs), est rendu possible et plus aisé, à la fois dans une approche plus globale et systémique des organisations et de leurs stratégies, mais aussi au travers  d’une meilleure compréhension des micro-stratégies des acteurs sur le terrain. Cela permet aux dirigeants de mieux adapter les dispositifs mis en place pour assurer le lien avec les clients, et sur le plan du traitement d’une affaire de gagner en habileté parce que l’on saura mieux sur quels registres il faut jouer pour garder l’initiative et défendre ses intérêts 

Se mettre en résonnance avec la valeur recherchée par le client
Dans le contexte de la Relation Client, on peut voir de quelle manière l’entreprise doit définir le positionnement de son offre par rapport à la concurrence, quelles sont les clefs pour définir l’expression des besoins des clients, les règles pour créer de la Valeur, déterminer le «Potentiel de Valeur» du produit, le rôle du prix et les liens avec la Qualité. Enfin, parce que le Potentiel de Valeur d’une offre s’use avec le temps et se déprécie dans le marché, on s’apperçoit que la démarche Valeur sur les voies de l'innovation peut guider les concepteurs dans le renouvellement du potentiel de Valeur du produit de remplacement. On oublie parfois que les besoins du client évoluent avec le temps, qu’ils sont changeants par nature. Si l’on n’y prend garde, un certains enfermement dans la routine peut conduire à des réveils cruels. Les approches sur la base de la fourniture de Valeur aux clients se montrent dés lors très efficaces pour définir l’offre de l’entreprise envers ses marchés, notamment les offres de services lorsqu’elles apparaissent touffues et complexes à formuler, ce qui est le cas des types de fournitures ayant une forte part d’immatériel. Elles rendent plus aisés et plus rapides les comparatifs avec les offres en compétition et permettent aux concepteurs de se donner des grilles de lecture pour les évaluer, et de créer pour les nouveaux produits, les différenciations ou innovations qui seront vraiment déterminentes aux yeux du client. Et enfin les ressources pour atteindre le client, le gagner et lui apporter le soutien. On s’interroge parfois sur les relations compliquées et ambiguës entre les appareils de distribution et les producteurs industriels, pour atteindre les clients dans les marchés diffus. De quelle manière se construit la Valeur ? Qui en profite ? Puisque la communication est devenue de plus en plus incontournable, on doit examiner le rôle de la marque dans la création de la Valeur et  voir sous un angle nouveau comment construire les argumentaires et traiter les freins, comment jouer sur l’envie et le désir. La démarche "Valeur dans la Relation Client” doit guider les dirigeants qui veulent assurer la cohérence entre les bénéfices escomptés et les efforts consentis, à mettre les équipes de l’entreprise au diapason des clients.

Les démarches conçues autour de la Valeur sont simples et peu couteuses
Elles ont été déjà mises en œuvre, depuis de nombreuses  années, dans des entreprises et pour des situations très variées, avec succès. Elles s’appliquent plus spécifiquement aux domaines de l’industrie et du bâtiment, d’où elles sont issues. Elles peuvent rendre de grands services au monde des produits et services grands publics, au prix de certains aménagements. Les grilles de lecture développées se nourrissent pour partie des outils déjà connus comme : l’Analyse Fonctionnelle et la Segmentation ; de même que  des outils plus spécifiques et originaux créés pour ce faire tels que: la "Boussole de la Valeur" qui permet d’aborder la "valeur perçue par le client" ; le Triangle de l’Offre  pour mieux comprendre les ressorts du besoin
"vu par le client" et enfin le Système Technique qui doit être aménagé par le fournisseur en réponse à la demande du client.

On le voit, un peu de méthodologie et une meilleure définition du concept de Valeur, qui ne peut se confondre avec celui de Qualité, forment les ingrédients de base d'une meilleure adéquation avec les nouvelles réalités de ce monde en rapide changement, et ce tout particulièrement dans le B to B.


Michel Goyhenetche
pour ConsultingNewsLine



Pour Info:

Michel Goyehenetche, Ingénieur,  est spécialiste du Management et du Marketing de l'Innovation. Membre et ancien administrateur de l'UNATRENTEC, il est un des grands spécialistes de l'innovation de la place de Paris et ce depuis plus de 20 ans.
Michel Goyhenetche est l'auteur de l'ouvrage "Le Marketing de la Valeur" aux éditions INSEP et a participé à la rédaction de plusieurs ouvrages dont "de l''Idée au Produit" chez Eyrolle et "La Qualité en Conception" aux Editions de l'AFNOR.

http://www.goyhenetche.com
Tel: 01 56 03 97 10


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