Méthodologie
Octobre 2003
Avraam Seredinski aide les entreprises à innover
grâce à la méthode TRIZ
On
connaissait le Brain Storming et ses dérivés. pourtant,
les problèmes ardus et l'enjeu créatif du monde moderne
laissaient attendre une méthode plus rigoureuses et plus
systématique. Apparaît alors " TRIZ ", une méthode
développée en Union Soviétique et qui
progressivement s'est transformée en outil pour consultants et
industriels. Rencontre avec Avraam Seredinski, un des rares consultant
en innovation spécialiste de TRIZ en France
Lorsque le russe Guenrich
Altschuller met définitivement au point ce qui va devenir la
«Tieoria Rechenia, Izobretatelskikh Zadatch»* soit encore
TRIZ, la «Théorie de la Résolution des
Problèmes Innovante» , les circonstances sont graves et
propices à la recherche d’un outil efficace : on est en 1950,
Altschuller est au Goulag et chaque situation lui demande de trouver
une solution ; chaque geste rend nécessaire la distinction entre
l’improbable et le plus sûr ; chaque pensée l’oblige
a se demander s’il existe seulement une issue aux problèmes qui
l’accablent... De là une mise au point d’un corpus
théorique applicable à la résolution de
problèmes autant qu’à la créativité
à partir d’une base théorique qu’il a commencé
à développer dans les années
précédant son arrestation. La démarche bien
qu’un peu lourde en apparence se veut quasiment universelle : à
chaque problème doit exister une ou plusieurs solutions ; il
n’est pas de problème dont le modèle n’existe
déjà dans d’autres circonstances et qui n’ait pas
déjà sa solution ! La méthode d’Altschuller va
s’imposer lentement dans les pays de l’Est et va même finir par
être enseignée dans les écoles russes. Longtemps
considérée chez nous comme une artillerie lourde pour les
« problèmes sans solutions », la méthode TRIZ
gagne chaque jours ses titres de noblesse en participant aux
succès d’entreprises telles que Framatome, EDF, Renault,
Faurecia ou encore PSA pour la France et Raychem, Eli Lilly, Kodak,
Rank Xerox, Ford, Toshiba ainsi que le prestigieux Jet Propulsion
Laboratory de Pasadena pour ce qui est du monde.
La méthode
nécessite une semaine de formation
Avraam Seredinski, Ingénieur, Docteur ès sciences
techniques, formé à l’Ecole Supérieure de Saint
Petersbourg, introduit la méthode en France dés 1989. Il
se plaît à décrire TRIZ comme : « une
méthode différente des méthodes habituelles de
stimulation de la créativité mais qui n’en reste pas
moins complémentaires des outils de conception de
l’ingénieur : AV, QFD, Robust Design ... ». Toute
entreprise peut intégrer TRIZ à différents niveaux
selon sa taille et ses objectifs. Pour Avraam Seredinski : «
après une simple sensibilisation, TRIZ permettra de stimuler la
capacité à poser correctement les problèmes
concrets de conception et de production ». Après une
solide formation initiale : « un spécialiste pourra
résoudre les problèmes qu’il rencontre dans son
activité professionnelle ». Enfin après une
formation approfondie un ingénieur pourra : «
améliorer la qualité de ses produits, réduire les
délais de développement et mise sur le marché,
réduire les coûts d’étude et de production,
anticiper les évolutions et trouver des solutions pour breveter
ou contourner un brevet ». La formation « initiale »
requiert une bonne semaine car si l’outil est puissant il n’en est pas
moins long a intégrer, notamment parce qu’il nécessite
selon les termes même d’Avraam Seredinski de : « voir
autrement les problèmes ». Ce qui pose d’amblé la
question de mieux définir ce que l’on entend par
problème...
TRIZ où la
Théorie de la Résolution Innovante des
Problèmes
La méthode développée par Altschuller repose sur
un constat fondateur : tous les problèmes ont en commun la
notion de « contradiction » ! A cela s’ajoute que dans la
résolution de la contradiction le « compromis »
conduit en général à une impasse. Exemple de
contradiction : « un train rapide qui ne pollue pas » !
Exemple de compromis : « un train électrique
alimenté par une centrale au charbon » ... Pour analyser
de manière comparative la façon dont les problèmes
pouvaient se résoudre en solutions, Altschuller a analysé
plus de 400 000 brevets, le brevet d’invention étant par
définition un document précisant le lien entre un
problème et une solution et formant pour Altschuller une source
d’exemples formatés quasi inépuisable. Les questions
permanentes dans sa démarche étaient selon Avraam
SeredinskI : « y a-t-il une contradiction résolue ? Entre
quels paramètres ? », « comment a-t-on résolu
la contradiction ? ». Il est clair pour Altschuller que chaque
situation type doit présenter plusieurs solutions, un peu comme
aux échecs où pour sauver le roi on peut déplacer
celui-ci, interposer une pièce ou encore détruire
l’adversaire... 40 000 brevets parmi les plus innovants
retinrent l’attention de l’auteur de TRIZ, lui permettant d’observer 5
niveaux d’inventivité et de mettre en évidence deux types
de contradictions bien distinctes : des contradictions techniques
et des contradictions physiques. Les contradictions dites «
techniques » concernent deux paramètres différents
et contradictoires. Exemple la vitesse d’un train et sa consommation.
Les contradictions dites « physiques » concernent un seul
paramètre qui doit prendre deux valeurs contradictoires. Exemple
un train qui devrait être rapide pour assurer son service et lent
pour ne pas consommer. Pour les contradictions techniques Altschuller
en observe 1200 types différents en croisant diverses paires de
paramètres et définit 40 principes de résolutions
communs à partir des exemples pris dans les brevets
étudiés. Ce corpus méthodologique est alors
consigné dans des tableaux, encore appelés matrices, aux
allures martiales mais d’une grande exhaustivité. Pour les
contradictions physiques les 40 principes font place à 11
« procédés » de résolution tels que la
« séparation dans le temps » ou encore la
« séparation dans l’espace » ... Le classique
problème des pieux soutenant une cité lacustre permettent
d’illustrer ce principe de séparation. Dans cet exemple on doit
considérer des pieux dont la stabilité est d’autant plus
grande que leur extrémité est plate alors qu’ils sont
d’autant plus faciles à enfoncer qu’ils sont pointus, ce qui est
contradictoire. Un compromis serait d’utiliser des pieux peu pointus
dont il est clair que l’enfoncement serait difficile et la
stabilité sur le long terme absolument nulle. Aussi la
levée de la contradiction se fait en introduisant un
paramètre temps et en rendant les fonctions séquentielles
: enfonçons d’abord un pieu pointu, puis rendons son
extrémité plate ou coulons du béton etc... toute
une série de solutions séquentielles sont alors
possibles. N’est-ce pas d’une certaine manière comme cela que
procède un dentiste, avec d’autres matériaux bien
sûr ? On voit poindre là l’universalité de ce que
l’on pourrait appeler des classes de problèmes : d’après
l’exemple de la cité lacustre il est clair que de nombreux
problèmes pourraient être résolus en les passant
dans la même moulinette. Aussi la méthode TRIZ dans son
principe le plus général consiste à partir d’un
problème de le reformuler afin de le mettre dans une «
classe de problèmes », encore dit « modèle de
problème » pour lequel il existe des «
modèles de solutions », lesquels par interprétation
permettent de déterminer les solutions proprement dites. Passer
du problème au modèle nécessite de lui enlever ses
mots spécifiques et de généraliser ses
paramètres : un problème de dentifrice à ce titre
n’est pas très éloigné d’un problème
d’archéologie si l’on tient compte dans les deux cas de
l’existence d’une stratification de surface... Comme dans toute
méthode il y a une phase de diagnostic dans laquelle on
rapproche les idées pour tenter de cerner le cadre particulier
du problème, un peu comme un médecin classifie les
symptômes, puis une phase de recherche des classes de solutions,
un peu comme le même médecin ouvre son Vidal pour
prescrire un ou plusieurs remèdes. Mais contrairement à
la prescription médicale la méthode se veut quasiment
universelle. Il est ainsi possible de l’appliquer à de nombreux
champs d’intervention humaine : organisations, management et même
aux élections... Ainsi la méthode d’Altschuller, au bout
du compte, repose sur une observation précise des situations,
une description exhaustive des paramètres et leur affiliation
à des classes de résolution. Au delà de la
méthode c’est donc un mode de pensée nouveau qui est
proposé, mais que chacun pratique déjà un peu en
raisonnant « par analogie ». TRIZ va toutefois plus loin
que la simple analogie et permet une systématisation du
raisonnement en s’abstrayant du cas concret auquel l’ingénieur
est confronté.
Une méthode qui
s’appuie aujourd’hui sur l’ordinateur
Un des outils principaux de la méthode dans le cas des
contradictions « techniques » est, nous l’avons
indiqué, une matrice. Celle ci comprenant sur ses
côtés 39 paramètres susceptibles d’être en
contradiction. Sur chacune des cases de la matrice, soit donc au
croisement de ces paramètres contradictoires sont
proposés au maximum 4 principes, choisis parmi les 40 principes
de base grâce auxquels le conflit a déjà
été résolu dans le fond de brevets qu’Altshuler a
analysé. La méthode TRIZ étant donc
formalisée à l’aide de telles matrices, quoi de plus
simple alors que d’utiliser l’ordinateur pour soutenir la
démarche méthodologique conduisant à la
résolution des problèmes ? C’est ce que fait
TechOptimizer de l’éditeur américain Invention Machine
représenté en Europe par Hervé Hamelin. Il s’agit
là d’un logiciel spécialement dédié
à TRIZ qu’Avraam Seredinski présente au cours de ses
formations. Ce logiciel est actuellement utilisé par 450 firmes
dans la CEI et par Kodak, IBM et beaucoup d’autres aux USA. Toutefois
il convient d’observer que si le logiciel apporte un « plus
» et une aide réelle, la méthode n’en reste pas
moins une technique à apprendre et à maîtriser avec
les conséquences que cela peut avoir en terme de temps et de
formation. Les entreprises utilisatrices devront donc décider de
leur niveau d’implication. Avraam Seredinski est clair là dessus
: « la méthode nécessite un consultant ou une
équipe bien entraînée. En 10 jours on arrive
déjà à trouver la réponse à
des problèmes, ce qui en soi est une prouesse d’un point de vue
économique ». A noter que TechOptimizer d’Invention
Machine présente au delà de la méthode TRIZ elle
même de nombreux modules susceptibles d’aider les
ingénieurs dans leur démarche créative.
Ainsi le module Knowledgist donne accès via internet
à une dizaine de bases de brevets américains, japonais et
européens permettant une veille technologique et concurrentielle
par mots clés. Un autre module, Effects, permet de «
pointer » la résolution d’un problème vers environs
7800 phénomènes physiques, chimiques et
géométriques décrits afin d’aider à trouver
des solutions concrètes déjà existance pour
étayer les préconisations proposées par la
méthode TRIZ.
Une méthode qui
s’impose encore lentement en France
Lorsqu’on lui pose la question de savoir pourquoi cette méthode
n’a diffusé que si lentement vers ses utilisateurs potentiels
Avraam Seredinski ne tarit pas d’anecdotes pour l’expliquer. D’abord la
méthode n’est pas lourde mais complexe et le fruit des
réflexions d’un travail de recherche de toute une vie au cours
de laquelle la reconnaissance ne fût ni immédiate ni
facile. Ainsi Guenrich Altschuller aurait couché les premiers
éléments de sa méthode alors qu’il était
encore à l’école. A 16 ans il déposait son premier
brevet sur un « appareil pour la nage sous marine ». Etant
par nature plus porté à aider les autres à
inventer qu’à être un inventeur lui même, il aurait
bénéficié pendant son service militaire d’un poste
où il devait aider les innovateurs. A la recherche d’une
méthode efficace pour innover il n’observait autour de lui au
mieux que « l’inspiration », la « psychologie »
ou encore l’alcool... Il se mit alors à analyser avec son ami
Raphaël Shapiro un fonds de brevets d’où il devait extraire
les principes de « sa méthode ». Pensant un jour
avoir suffisamment formalisé celle-ci il n’hésitait pas
à écrire en 1948 au Camarade Staline... Comme sa
démonstration d’utilité publique fleurait bon le
dénigrement idéologique, pour qui pratique le raccourci
intellectuel, il fût pour toute réponse gratifié du
qualificatif «d’inventeur saboteur » et envoyé sans
appel au Goulag pour 25 ans. La mort de l’homme de Fer devait le
libérer au bout de 5 années alors qu’il avait eu tout
loisir et d’impérieuses raisons de développer plus
amplement sa méthode de « résolution des
problèmes ». Le créateur eût par la suite, on
le comprend, toutes les peines à officialiser une méthode
à laquelle la bureaucratie, qui n’allait guère changer
jusqu'à le Perestroïka, s’opposait. Toutefois les
militaires furent les premiers dans l’Union Soviétique à
comprendre la portée stratégique de cette invention et
l’utilisèrent aussi bien pour l’ingénierie
électrique qu’en génie maritime. Le second usage qui
devait achever de consacrer définitivement la méthode
fût le programme spatial soviétique et les
réussites que l’on sait. Profitant de la Perestroïka et de
l’ouverture sur le monde qu’elle permettait, Avraam Seredinski
était invité à travailler à l’ENST (Sup
Télécom rue Barreau) où il intervenait sous
contrat ainsi qu’à l’INT d’Evry (Institut National des
Télécoms). Les débuts furent difficiles,
« quelques cours à gauche et à droite »... La
méthode ne s’imposa pas facilement. Pour Avraam Seredinski :
« c’est un vélo de course qu’il faut savoir
maîtriser. Il faut du mollet et de l’entraînement ».
Il faudra donc passer encore une fois par les écoles
d’ingénieurs pour atteindre enfin les laboratoires industriels.
Les choses s’améliorent en 1992 et un premier article
paraît dans la presse dés 1993. De là, la
méthode est propulsée. En 1996 un mémoire de DEA
est même effectué sur ce thème à
l’ENSAIS (Ecole Supérieure des Arts et Industries de
Strasbourg) par Denis Cavallucci et en 1997 c’est au tour d’Industrie
et Techniques de faire l’honneur d’un article. Depuis 1999 il existe
une Association Mondiale MATRIZ certifiant les spécialistes de
TRIZ créée par extension de l’association russe dont
Avraam Seredinski rappelle avec fierté qu’il en est le second
diplômé dans le monde. A noter au passage que
l’Adepa, une structure associative spécialisée dans le
conseil et la formation, se propose de diffuser en France la
méthode grâce à des formateurs initiés par
Avraam Seredinski, ce qui devrait certainement « tinter »
à l’oreille des consultants et ce d’autant qu’aujourd’hui la
méthode a fait des émules tant dans le monde
universitaire que dans l’industrie. Si on est encore loin des Etats
Unis où Motorola a acquis 1000 licences de Tech Optimizer, ou
encore du Japon où le Mitsubishi Research Institute a investi en
1997 13 millions de dollars pour diffuser la méthode TRIZ et le
logiciel Tech Optimizer auprès d’une centaine d’entreprises
nippones telles que Toyota, Mitsubishi Heavy Industries ou encore
Ricoh, Toshiba et Matsushita, la méthode est entrée
dans les meurs en France et se trouve pratiquée entre autre au
sein du laboratoire de mécatronique de l’ENSAIS de Strasbourg,
utilisée à l’Ecole des Mines d’Alès et
enseignée aux élèves du BTS de maintenance
Industrielle du Lycée privé du Porteau à Poitiers.
Enfin, nec plus ultra,, elle fait partie de l’arsenal
méthodologique de nombreuses entreprises françaises dont
le « Plateau Créativité et Innovation » de
PSA... On ne pouvait rêver plus belle démonstration
d’utilité pour une méthode qui après cinquante ans
d’existence mérite décidément d’être mieux
connue. Avraam Seredinski qui s’est investi dans les institutions et
sociétés françaises sus-citées se tient
à la disposition des cabinets conseils qui souhaiteraient la
mieux connaître.
Bertrand Villeret
* теория решения изобретательских задач
A lire :
Et
soudain apparut l’inventeur
de Guenrich Altschuller
traduit du russe et publié par Avraam Seredinski
Pour info :
Avraam Seredinski est Membre du Praesidium de MATRIZ (Association
Mondiale TRIZ),
Tel : 33 (0)5 49 58 16 07, «33 (0) 6 68 06 87 95
avraam.seredinski@tiscali.fr
http://as-triz.com
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