Art Break
Avril  2008 

        

Berjoan :
Un expressionnisme d'opposition


Même s’il se reconnaît aujourd’hui moins expressionniste qu’à Bastille 2005, Berjoan n’en reste pas moins un adepte de ce style auquel il apporte une touche de renouveau liée à une maîtrise toute personnelle de la matière, de la texture, faite de juxtapositions et d’oppositions...

Bastille 2005, la nuit tombe sur le bassin de l’Arsenal, comme sur nous le sentiment d’avoir croisé là des artistes d’exception lors d’un millésime exceptionnel. Parmi eux Berjoan : des toiles rugueuses, des portraits, des expressions... Quelques années passent lorsqu’un carton d’invitation nous rappelle à l’artiste...

Berjoan prend son temps pour expliquer l’essence de ses toiles : « c’est de plus en plus une peinture où la matière, la texture, la peau, sont importantes » ; et de s’engouffrer dans ce qui lui semble être une spécificité très personnelle : « c’était déjà présent à Bastille, mais après cela c’est devenu plus prégnant : Je fais dans l’antagonisme, dans l’opposition, les oppositions : noir - blanc, clair - obscur, chargé - rugueux . Sur les images c’est compliqué à rendre ». L’opposition est d’ailleurs une notion bien étrange puisqu’elle entraîne des phénomènes d’inversion: « Les sujets centraux sont en effet des aplats et le fond des hautes couches. Donc il y a illusion d’optique. Cette inversion est étonnante, j’utilise de très hautes pâtes et il y a confrontation entre hautes pâtes et aplats. Cela inverse l’effet et l’objet principal ne l’est plus. Exemple des arbres qui donnent une impression de relief mais qui en fait sont réalisés en creux ».

Berjoan


Les matières sont pour l’artiste au cœur même de sa recherche et de l’effet qui en découle : «  je travaille avec des toiles de lin, donc des surfaces très rugueuses (omelettes norvégiennes), mais cela peut-être aussi du coton très fin donc là des surfaces très lisses. Je travaille aussi le bois monté sur châssis sur lequel je colle des lisses très épais, du papier, et que j’enduis à l’acrylique ou encore avec des pâtes personnelles ». Curieusement le résultat ne fait pas "collage" : « la chose que je recherche c’est de pouvoir  jouer sur les 5 sens. Il faut donc que ça dégage une sensation physique. Ce qui se passe avec mes nouveaux travaux c’est que les sujets apparaissent de plus en plus petits à mesure que mes tableaux deviennent de plus en plus grands ». L’examen du site internet de Berjoan montre en effet que si l’aspect n’a pas changé depuis notre première rencontre, les sujets sont maintenant traités différemment sous forme de grandes fresques : « Aujourd’hui ma peinture est moins expressionniste qu’à Bastille 2005, mais c’est la même intention,  il n’y a pas de rupture. Il y a un côté peut-être plus présent, même si au niveau de l’épaisseur de la pâte ça ne se passe pas pareil. Donc des tableaux plus grands avec des sujets pris dans des univers plus grands: mer, désert.. Les sujets eux-mêmes évoluent, il sont de moins en moins sexués, ce ne sont que des êtres placés dans une situation de paradoxe et d’antagonisme, d’équilibre et de sustentation. Un mélange d’équilibre, et de déséquilibre ; Un déséquilibre et un rattrapage ». Cela dit Berjoan ne revendique pas la propriété du mouvement :  « La marche c’est dynamique, mais je ne crois pas au mouvement. Mes toiles sont donc statiques, même si ça bouge à l’intérieur ». Et prenant volontiers une expression à la Houelbecq : « Ce qui m’intéresse c’est la possibilité d’une chute, pas la chute.»... En effet si les dimensions, les thèmes, les arrières - plans ont évolué le mécanisme d’opposition reste central dans l’œuvre, peut-être même aujourd’hui de manière plus métaphorique que par le passé : « sur le site il y a des tableaux avec de grands arbres complètement dépouillés. L’un  arbore deux rectangles, dont un vert sur fond noir avec un pylone. Le rectangle vert fait spot et le souligne. L’arbre est mort mais il revit. Il y a donc une opposition mort - revie, une parité tragédie - vie ».  Et de conclure :  « Cela m’intéresse de mettre une petite note d’étrangeté dans mes tableaux,  même si dans l’ensemble on y trouve une certaine sérénité ».

Quand on en vient aux questions autobiographiques, Berjoan prend volontiers un style télégraphique d’une grande praticité : « alors là, disons plutôt autodidacte, plusieurs années au Quebec, Montréal, plutôt branché Brésil baroque aujourd’hui, Belo Horizonte, Bahia... Mais pas San Paolo »... et pour ce qui est des maîtres d’inspiration c’est tout aussi " 22 à Asnières " : « Non, aucuns », comprendre «Plein, dont quelques vieux barbus  : Bonnard, Matisses, Soulage, Bacon... », on le voit, rien de dramatique ; « Et rien de Picasso d’ailleurs », s’empresse-t-il d’ajouter.  Pour ce qui est de la littérature, Berjoan, cite volontier des auteurs et des titres plus contemporains, voire même de son cercle rapproché : « Chargez bourriques  de Bartoli chez l’Harmattan »... Il n’y a pas si longtemps Berjoan nous invitait à un vernissage rue Truffaut au cours duquel un certain  "D. Bartoli", auteur de L’exactitude des somnambules, devait signer son dernier livre illustré par, justement, un certain.... Berjoan !.. Probablement le début d’une certaine notabilité pour cet adepte d’un expressionnisme d’opposition.


Bertrand Villeret
Rédacteur en chef
ConsultingNewsLine



Pour info :
berjoan@wanadoo.fr

Dessins :
Copyright Berjoan

Images :
B. Villeret, Bastille 2005, pour ConsultingNewsLine



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