La portée culturelle, politique et sociétale des dessinateurs de presse a été illustrée récemment par l’affaire des caricatures du Prophète Mahomet paru dans le journal danois Jyllands - Posten en décembre 2005 et qui fit grand bruit début 2006, ainsi que par l’exposition controversée en Iran des dessins sur l’Holocauste. On ne peut pas dire qu'à cette occasion tous les intellectuels et tous les pouvoirs politiques dits démocratiques se soient rangés derrière ceux qui avec humour et dérision surlignent quotidiennement les travers de nos sociétés dont ont sait pourtant la propension à glisser régulièrement dans l'intolérance et l'obscurantisme. Gardienne de l'anti dogme, la caricature finement ciselée reste pourtant  à l'écrit ce que le carnaval est à la fête : une soupape autant qu' une lucarne vers une autre vérité où brille l'espoir et le champs des possibles... un univers où la bêtise individuelle, collective, quotidienne ou séculaire se prend les pieds dans le tapis persan de l'intelligence finement tissée.  Aussi, et peut-être parce qu'ils se sentaient sourdement menacés dans leur art comme dans leurs personnes, les dessinateurs de presse ont réagit à ce qui leur semblait être le retour, et plus particulièrement vers eux,  de cette obscurité qu'ils n'ont de cesse de dénoncer et dont on dit qu'elle planait sur l'abîme avant que la lumière ne soit...

Imaginé par le dessinateur français Jean Plantureux, dit "Plantu", dont les caricatures pimentent régulièrement les pages du Monde et de l'Express, Cartooning for Peace, soit encore "Dessins pour la Paix", est une initiative qui est née des nombreuses rencontres que Plantu et Kofi Annan devaient avoir au cours des années qui suivaient l'an 2000. Dans l'aval  de l'affaire des caricatures, le Président de l'ONU appelait Plantu pour "lancer l'affaire" qui finalement voyait le jour à New York le 16 octobre 2006 au siège des Nations Unies. Ce jour là 12 des plus célèbres dessinateurs de presse du monde entier devaient participer à une conférence pour contribuer au "désapprentissage de l’intolérance", conférence accompagnée d’une exposition de dessins  comme il se doit : Unlearn Intolerance.

La deuxième édition de "Dessins pour la Paix" eut lieu quelques temps plus tard, le 17 mars 2007 au Palais des Nations de Genève, avec la participation de Plantu et de six autres dessinateurs dans le cadre du Festival du Film sur les Droits de l’Homme. Le 11 avril ce devait être le tour de Paris et du Ministère de la Culture et de la communication d'accueillir la troisième édition. Et la quatrième devait avoir lieu le 3 mai à Bruxelles, lors de la "Journée Mondiale de la Liberté de la Presse". Plantu et huit autres dessinateurs venant d’Algérie, de Belgique, de la République Démocratique du Congo, du Danemark, d’Égypte, des Etats-Unis, d’Israël et du Liban... devaient ainsi participer à une conférence  organisée par le sous comité aux droits de l'homme du Parlement Européen puis après un débat dans l'après midi ,inaugurer au Centre Belge de la Bande Dessinée l’exposition de 50 dessins montée par le "Salon International de la Caricature, du Dessin de Presse et d’Humour de Saint-Just-Le-Martel." Le 4 mai, les dessinateurs participaient d'autre part à un débat organisé en coopération avec le Think Tank bruxellois Friends of Europe, de même qu'à une conférence de presse  qui devait avoir lieu au Centre Régional d’Information des Nations Unies pour l’Europe Occidentale.

Ecrin idéal d'entre tous, ce devait donc être le Musée de la Bande Dessinée (Centre Belge de la Bande Dessinée pour reprendre son appellation exacte) qui le 3 mai accueillait sous ses lambris  la "collection"  de dessins, un débat et de nombreux invités conviés à un petit cocktail inaugural tout ce qu'il y a de plus bruxellois, donc sympathique... Plantu devait même y réaliser un exercice d'extinction de dédicace enflammée totalement imprévu... du grand art pour qui sait mettre parfois de l'huile sur le feu et des canadairs sur les têtes couronnées. Initialement nous devions nous rendre à la FEACO, mais un contretemps devait empêcher notre rendez-vous. Aussi rentrant de Mons où venait de se dérouler le salon Wallino consacré à l'innovation en Wallonie nous acceptions avec enthousiasme l'invitation qui nous était faite une fois de rejoindre le célèbre Musée où Hergé, Jacob, Franquin, Greg... et autres trublions francophones ou non, ont encrés à jamais la légende de leurs personnages  Et c'est dans ce bel endroit que discourant sur le pouvoir de l'humour, Plantu illustrait ses propos par un exemple des plus démonstratifs : " c'est donc Jésus qui marche sur l'eau pendant que ses apôtres le suivent... à la nage. Au bout d'un moment l'un d'entre eux s'adresse à lui : t'es con, elle est bonne..."

De quoi démontrer qu'il convient en toutes eaux, fussent-elles sacrées ou bénites, de savoir laisser couler l'encre.

Bertrand Villeret
rédacteur en chef
ConsultingNewsLine


Nota :
Cartooning For Peace n'a pas encore finit sont périple . A partir du 31 août l'expo est au Musée Peynet et du dessin humoristique d' Antibes et à l'automne elle rejoint  l'Université Emory d'Atlanta

Artistes exposés à Bruxelles :   Pierre Kroll (Belgique), Dilem (Algerie), Jeff Danziger (USA), Lon (Danemark), Thembo Kash (République Démocratique du Congo), Bahgory (Egypte), Rita Moukarzel (Liban), Kichka (Israël) et Plantu (France)...

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