Carnets de voyage
Décembre 2006 - janvier 2007 Candide, jeune ingénieur, fait de la résistance L'ENIS par Jean Noël Contensou
Candide reçut comme un choc son entrée à l’ENIS. Il furent deux cents à pénétrer dans un grand amphithéâtre, dont seulement trois camarades de son lycée. Un réflexe de peur les fit se chercher ce premier jour. La direction leur tint d’emblée un discours ambigu. Candide ne comprit pas très bien s’il faudrait travailler dur, ou au contraire si l’essentiel était de mûrir dans des activités diverses extérieures à l’Ecole et qui ne la concernaient pas directement. En particulier un ancien de l’Ecole, la quarantaine environ, très sûr de lui, tint un discours où Candide sentit qu’on lui reprochait d’avoir travaillé comme une taupe pour réussir son concours. On lui demandait de se transformer en homme d’affaires, en requin, en tribun, en bilingue anglophone, en conducteur d’hommes, il ne savait pas à quelle image se fixer. Il en fut tout désarçonné et même un peu culpabilisé ; lui qui se voyait plutôt en homme de science pour ne pas dire en savant. Le lendemain, des élèves de deuxième année réunirent à leur tour la nouvelle promotion dans l’amphithéâtre, dans une ambiance fort différente. Les orateurs étaient déchaînés devant les nouveaux arrivants aussi timorés que la veille. Des échafaudages de caisses noires assuraient un niveau sonore interdisant la transmission de tout message oral structuré ; pourtant petit à petit, par des réglages de micros appropriés, les anciens les plus déterminés parvinrent à faire passer quelques idées : qu’ils leur apprendraient à en faire le moins possible pour avoir le diplôme sans se fatiguer, qu’ils allaient bien s’amuser à condition de mettre la main à la pâte pour animer les divers clubs: club sono, club des patineurs libérés, le club de rock, club de bière irlandaise, radio FM ENIS, les troubadours de la nuit, les trafiqueurs de réseaux, le club de la force basque, le club des gobeurs d’œufs d’autruche, des sprinters à reculons, et bien d’autres qui furent présentés durant une séance de presque trois heures, dont Candide, très éprouvé, aurait bien voulu s’extraire à mi-séance. Mais il ne lui vint pas l’idée que ce fût possible, tant il se sentait en position dominée, et tant les issues semblaient bloquées par les groupes compacts d’anciens vociférant dans l’obscurité. Jean Noël Contensou Candide, jeune ingénieur, fait de la résistance Editions Publibook, Paris 2005 >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Extrait n°4 Copyright Jean Noël
Contensou 2005
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