Carnets de voyage
Juillet-août 2008 André
Dheyve
L'Affaire Courtenoy Jeudi 12 janvier 2006, douze heures vingt.
Le Président Hautecourt – cela ne s’invente pas – remercie le Docteur Kurkowski, expert psychiatre, et le libère. Il s’adresse alors à l’ensemble des présents et annonce : — L’avocat général m’a gentiment fait part du temps qu’il souhaite pour son réquisitoire. Il l’estime à deux heures. Les débats reprendront dès lors cet après-midi à quatorze heures. Il se lève et quitte la salle d’audiences. Majestueusement, comme il sied à quelqu’un de son rang. — « Pendez-les » veut nous obliger à nous contenter d’un sandwich, se plaint à mes côtés Hervé Tellier, mon confrère de La Dépêche du Sud. Hervé fait le même job que moi, auprès d’un quotidien concurrent. Nous nous retrouvons fréquemment au tribunal depuis plusieurs années et j’oserai affirmer que nous sommes assez liés. En cour d’assises, nous nous arrangeons pour nous asseoir l’un près de l’autre. Il a appelé le Président par son surnom. Un surnom qui n’a rien à voir avec une quelconque propension du magistrat à faire pencher la balance de Dame Justice en faveur de la potence. D’ailleurs, la peine de mort n’est plus appliquée chez nous depuis des lustres et, auparavant, la pendaison n’a jamais été le type de peine capitale en Belgique. Non, le surnom trouve son origine dans la prononciation de son patronyme par un confrère italien venu suivre le procès d’un de ses compatriotes il y a quelques années. Ce confrère parlait du Président Hautécourt, et nous en avions fait « haut et court ». D’où la dérive. — Tu grignotes avec moi, poursuit Hervé ? — Volontiers. Si nous ne nous éloignons pas trop, il doit être possible d’ingurgiter un plat du jour et un café en moins d’une heure trente. Au besoin, je me passerai de mon cigarillo. Ou plutôt, je le remettrai à ce soir. Il y a une grande brasserie en face du Palais de Justice. Nous y entrons dix minutes avant la grosse affluence. L’espoir de tenir les délais en dépend. — Eh bien, fait mon confrère en choquant son verre de Heinekken contre le mien, tu en penses quoi, toi, de cette affaire Courtenoy ? — Elle me paraît limpide comme du jus de chique. Je te parie un verdict de culpabilité en moins de deux heures. — Tu prends des risques. — Tu imagines une autre issue ? — Non, imbécile. Je pense seulement au temps qu’il faut pour installer les jurés dans la salle des délibérations, à celui que le Président prendra pour bien leur expliciter leur mission. Sans compter qu’ils voudront recevoir des boissons qu’il faudra commander et réceptionner. — C’est bien pour cela que j’ai parlé de deux heures. Sinon, trois quarts d’heure suffiraient. — Il n’y a rien qui te gêne dans ce procès ? — Non, vraiment pas. Toutes les preuves vont dans le même sens. Il ne manque que les aveux de l’accusé. J’ai rarement eu une sensation aussi précise et aussi nette d’une culpabilité. Tu as relevé un argument contraire ? — Pas du tout. Ce qui me gêne, et je croyais que tu l’aurais remarqué également, c’est la façon dont l’accusé nous regarde. Il y a quelque chose d’indisposant dans ce regard. Observe-le tout à l’heure. Je crois qu’il nous nargue. — Je n’ai rien noté de pareil. Je trouve même qu’il fait preuve d’une certaine humilité vis-à-vis des magistrats pour quelqu’un de connu pour son arrogance. — Tout à fait d’accord avec toi. Il reste poli et discret. C’est le banc de presse qu’il toise. — J’essaierai de mieux l’observer cet après-midi. >>>>> extrait n°2 Quantorg 2008
ConsultingNewsLine Extraits de l'Affaire Courtenoy : Copyright André Dheyve 2007 Editions Publibook All rights reserved Reproduction interdite |
1
|
|