Carnets de voyage
Juillet-août 2007 Le
Dossier Pouchkine
Kremer par Jean-François Pré Mon rédac-chef m’a demandé de couvrir Pouchkine, sous un angle auquel mes confrères n’auront certainement pas pensé. Le virtuose du ballon nourrit une passion secrète pour le pur-sang et l’installation de son équipe à Chantilly – un pur hasard – lui permettra d’alimenter sa dévotion. D’autant plus que son "patron", Maximilian Kremer, possède une grosse écurie à deux pas de là, chez Prospère Barrois, jeune entraîneur surdoué qui fait main basse sur toutes les grandes courses. Voilà donc comment un journaliste hippique se retrouve sur un stade où il n’a rien à faire, l’avant-veille d’une Coupe du Monde sur laquelle il n’a rien à écrire. Kremer est une sorte de super manager ; on appellerait ça un sponsor s’il ne s’agissait pas d’une équipe nationale. Car à ce niveau, il intervient dans le cadre du plus pur bénévolat. Véritable talent scout (chevaux et bipèdes), c’est lui qui a découvert, promu et "négocié" Pouchkine. Trente millions de livres sterling pour le Coventry Spitfire dont il est le président. Le transfert du siècle dans le club du siècle! Kremer suit son poulain partout depuis l’éclosion de son génie footballistique. On imagine donc sans mal comment le Russe a contracté le virus du cheval. Lorsque, fortune faite, il prendra sa retraite, le jeune milliardaire se consacrera exclusivement à sa nouvelle passion. C’est tout du moins ce que j’ai lu dans une revue spécialisée ; l’info reste à vérifier auprès de l’intéressé. Comme beaucoup de footballeurs, Pouchkine sort du ruisseau… mais d’un ruisseau d’eau claire, comme la nouvelle Russie, épurée de sa pollution industrielle et socialiste. Si Pouchkine a débuté en tapant dans des boîtes de conserves… il s’agissait probablement de pots de caviar ! Maximilian Kremer est russe, lui aussi. Mais cela fait bien longtemps qu’il a renié sa patrie. Bien avant la chute des Soviets… et sans doute à cause d’eux. Evidemment, il a gardé des contacts avec sa terre natale, notamment dans les affaires. Kremer a fait fortune dans l’industrie pharmaceutique. Il contrôle aujourd’hui, depuis ses bureaux de la City, le marché russo-européen qui reprend du poil de la bête après l’échec de la mondialisation sauce Ketchup et le redressement simultané des valeurs traditionnelles de la vieille Europe. Aujourd’hui âgé de soixante-quatre ans, Maximilian Kremer est un homme puissant, dans tous les sens du terme. Athlète magnifique, il ressemble à un tribun spartiate. Il faut dire que Kremer a, lui-même, été un sportif de haut niveau, notamment au golf où il continue de briller dans les tournois de seniors. Il a d’ailleurs mis en ondes ses trois passions (le foot, le golf et les chevaux) en créant une chaîne thématique de large audience : Equisport. Depuis que l’espérance de vie fait la guerre aux statistiques, les sexagénaires du type Kremer sont extrêmement prisés.Lorsque de surcroît ils sont riches, aucune femme ne leur résiste. Par contrecoup, la génération des vingt à quarante ans est regardée comme impropre à la consommation. Eh oui, nous sommes des fruits verts et notre cas relève (presque) de la pédophilie ! Il faut quand même avouer que Kremer est un sacré beau mec. Grand, athlétique, les épaules et la mâchoire carrées. Volontaire, comme tous les nababs. Son regard bleu cobalt désarçonne, mais sous ses pommettes saillantes qui trahissent peut-être des origines tatares ou mongoles, se nichent deux fossettes rassurantes. Un signe d’appartenance à l’espèce humaine. D’un seul coup, Kremer se retourne de trois-quarts. Il s’aperçoit que je le dévisage. Je pique un fard et détourne le regard. Pourvu qu’il ne me prenne pas pour une folle ! Mais non, il m’adresse un sourire engageant, ponctué d’un léger hochement de sourcils, destiné à souligner le travail de Pouchkine qui fait danser le ballon avec l’habileté d’une otarie. Jean-François Pré Le dossier Pouchkine Editions Publibook, Paris 2007 Copyright Jean-François Pré 2007 pour ConsultingNewsLine Extraits du Dossier Pouchkine : Courtoisie de l'auteur et des Editions Publibook All rights reserved Reproduction interdite |
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