Peter
Drucker n'est plus. Economiste de renom, il a été pendant
près
d'un demi siècle l'inspirateur du management à
l'occidentale et le conseiller des plus grands de ce monde.
Auteur d'une trentaine d'ouvrages traduits dans plus de 30 langues, le
travail de Peter Drucker a influencé la majorité des
capitaines d'industrie et de nombreux hommes politiques au nombre
desquels Winston Churchill et plus récemment Bill Gates et Jack
Welch. Cette connaissance personnelle des grands hommes qui cherchaient
en lui un mélange de conceptuel et de pragmatisme lui permettait
en retour de juger les décideurs de manière originale.
Son préféré semble ainsi avoir été
Harry Truman derrière lequel il inscrivait facilement Ronald
Reagan, avec à chaque fois des raisons qui dépassaient
les simples lieux communs. Il est vrai que sa vie avait commencé
dans l'Autriche pré-Hitlérienne et devait s'achever dans
l'Amérique post-Enronnienne qui avait vu le n° 1 de l'audit
mondial, Arthur Andersen disparaître. De ses origines et de
ce qu'il a vu on comprend qu'il se soit toujours réclamé
du libéralisme et de la liberté des marchés mais
qu'il ait toujours manisfesté de sérieuses
réserves envers les fondements du
capitalisme.
Si
Peter Drucker pensait que l'activité de l'entreprise
était essentiellement de façonner le consommateur, sa
pensée profonde était que le manager est là pour
préparer et libérer la capacité des gens à
se réaliser. Il n'hésitait pas à scander que les
collaborateurs de talent étaient la valeur la plus importante de
l'entreprise. Pour lui le bon management ne pouvait qu'apporter
l'harmonie sociale et le bien être. Il était pour le
renforcement des pouvoirs des employés et contre la main mise
des
appareils d'Etat gérontocratiques.
Apôtre
inconditionnel de la privatisation et de l'entreprise en tant
qu'institution sociale, ses détracteurs lui reconnaitrons au
moins l'invention
de 3 concepts d'actualité: la notion de "travailleurs du
savoir", le "management
par objectifs" et la "décentralisation comme fondement de
l'organisation", concepts qui démontrent à tout jamais son caractère
visionnaire.
Peter
Drucker est né à Vienne le 19 novembre 1909. Il
commença sa carrière comme journaliste dans le milieu
financier de Francfort, ville où il obtint son Doctorat de droit
public et international en 1931. L'année suivante la
publication d'un essai sur un philosophe conservateur lui valu la
vindicte du parti national socialiste (NAZI) et conditionna son
départ pour Londres où il devait travailler dans la
banque et faire ses premières gammes en économie. En 1937
il passe aux USA et correspond avec les journaux anglais. Il publie son
premier ouvrage "The end of the
economic man, The origin of totalitarism" en 1939, ouvrage
prémonitoire qui lui vaut l'admiration de Churchill qui en
recommande la lecture aux serviteurs de l'Empire britanique. Sa
carrière va ensuite devenir universitaire: d'abord à mis
temps au Sarah Lawrance College, puis à plein temps au
Bennington college dans le Vermont. En 1943 il sort son second ouvrage
" The future of the industry man".
Il est alors invité par General Motors à diagnostiquer
son organisation, ce qui marque le début de son activité
de consultant. Il y rencontre Alfred P. Sloan. C'est
à l'issue de cette expérience à GM qu'il pubilie "The concept of the corporation" en
1945 qui introduit la désormais légendaire notion de
décentralisation des prises de décision et le management
par objectifs, décliné en longs et courts temes, ouvrage
qui ne lui vaut pas que de la reconnaissance au sein de GM. De
là par contre, la reconnaissance du monde du conseil et son
accession en 1950 à un poste de Professeur de la Graduate
Business School de New York. En 1954 il publie "The practice of management" qui
prétend que le "Management" est certainement l'innovation
sociale majeure du siècle. Ce livre est connu pour receler les
trois questions qui ont fait la gloire de Peter Drucker et le tour du
monde des Business Schools: "What is
our business? What is our customer, What does he considers as valuable?".
Dans la suite Peter Drucker devait prédire la montée en
puissance du Japon puis sa stagnation dans les années 90.
Humaniste et pragmatique il annonçait avant l'heure que les
retournements de conjoncture économique auraient des
conséquences dramatiques si les patrons d'industrie continuaient
à se faire payer des salaires mirobolant et des parachutes
dorés. L'avenir lui donnera raison. En 1971 il devait rejoindre
l'Université de Claremont où il créait le premier
MBA pour les personnes en fonction. En 2002 il prenait une juste
retraite et recevait du Président des Etats Unis la Presidential
Medal for Freedom.
Le 2 décembre
2004 Peter Drucker était l'invité de l'AMCF à
l'University
Club de New York pour
la réception donnée à l'occasion des 75 ans de
l'AMCF par Betsy Kovacs.
Nous avions projeté de l'interviewer. Il ne devait
toutefois pas s'y
rendre en raison d'un état de santé précaire. Il s'est éteint le 11 novembre
2005 dans sa maison de Claremont à l'age de 95 ans.
Bertrand Villeret