La
Chronique de Marie Elisabeth Boury Note de rentrée Un autre regard sur l'interculturel Avant
hier nous parlions d'"export", hier d'"internationalisation" et
aujourd'hui nous sommes "mondiaux" et pourtant notre manière
d'appréhender le travail dans un pays ou avec des personnes de
cultures différentes de la nôtre n'a guère
changé. Cherchez l'erreur !
Je ne connais pas aujourd'hui d'entreprise française, quelle que soit sa taille ou sa localisation, qui ne soit confrontée directement à une problématique interculturelle. Et quel est l'étudiant d'aujourd'hui qui n'a pas passé au moins quelques mois à l'étranger ? Mais il y a vingt ans, lorsque j'ai souhaité le faire, j'ai été regardée comme un zombie extraterrestre…non seulement avant de partir mais aussi à mon retour! Quand il s'agissait de préparer les équipes à exporter ou à aller à l'international, les candidats recevaient une formation à l'interculturel basée sur la mise en lumière des différences entre les cultures. Issues des travaux de chercheurs depuis les années 50s, tels Hofstedt (80s), Kluckhohn (60s) ou McClelland (80s), les caractéristiques dominantes des différentes aires culturelles sont classifiées selon un nombre d'axes types : Objectivité/Subjectivité, Relation limitée /Relation diffuse, Certitude/Incertitude, Rapport à l'Autorité, Universalisme /Particularisme, Neutralité/Affectif…Chaque pays ou aire culturelle est alors classifiée sur une échelle de valeur. C'est une approche normative et classifiante. Elle est indispensable et nécessaire. Mais elle n'est plus suffisante en économie mondiale et surtout elle ne touche pas à l'essentiel. A quoi constatons-nous que cette approche par la formation à la reconnaissance des différences interculturelles n'est plus suffisamment efficace aujourd'hui ? Pour faire court - et tenir ainsi les contraintes de cette rubrique et de notre ami Bertrand, nous nous en tiendrons à trois constats. Le premier : une formation théorique, quelle qu'en soit la qualité, ne permet pas d'appréhender le choc du réel qui, lui, est toujours différent de la théorie : le réel vit et évolue ! Alors nous nous raccrochons à des lambeaux de discours théorique et nous sommes perdus. Prenons un exemple concret. Vous apprenez en formation interculturelle que les Américains sont comme ci ou comme ça en termes de rapport à l'autorité, implicite/explicite, etc….Mais voilà que vous allez travailler à Palo Alto en pleine Californie ! Et les Californiens ne fonctionnent pas de la même manière que l'Américain moyen que vous avez cru connaître en formation. Que se passe-t-il pour vous ? Le second : une formation qui part des différences entre les cultures formate au préalable votre regard sur l'autre et vous le voyez alors dès l'abord comme une différence étrangère. Or toute différence ressentie chez l'autre est perçue (travail inconscient) comme une menace. "La moindre étrangeté est vécue comme angoissante et menaçante"*. Aussi votre première rencontre avec l'étranger sera-t-elle teintée d'angoisse et de crainte. Est-ce la meilleure manière de commencer un travail efficace ensemble ? Le troisième : la carte n'est plus le territoire. Aujourd'hui un banquier indien est plus proche culturellement d'un banquier anglais que de leurs jardiniers respectifs…et pourtant de même culture qu'eux. Avec la mondialisation, des cultures transverses sont nées et se sont ritualisées. Vous les découvrez avec bonheur quand vous parlez métier avec une grande complicité avec un Bolivien ou un Thaïlandais. Et je me souviens avec délice de dialogues merveilleux avec des executive women mexicaines ou vietnamiennes…lorsque nous parlions famille et enfants. Comment aborder ces cultures transverses ? A laquelle appartient votre entreprise ? Et vous-même ? Voilà qui permet de comprendre quelle peut être une manière efficace de travailler dans un environnement mondialisé. Et c'est là précisément que notre vieille expérience d'européen peut nous servir à modéliser et à proposer une approche nouvelle, efficace et adaptée à l'économie de l'information - et qui ne soit pas exclusive de la première. Que nous apprend notre culture gréco-latine et chrétienne ? Que l'essentiel est d'abord dans la personne, que seul le respect de l'autre tel qu'il est, dans la compréhension de son altérité la plus grande en tant que personne, peut nous permettre de construire ensemble quelque chose de durable et d'œuvrer pour le bien commun. Nous reconnaissons en l'autre ce qui nous fait humain. Pour avoir accompagné de nombreuses entreprises françaises et européennes, j'ai constaté que le déclic, la mise en action des équipes ne passait pas, comme aux Etats Unis par exemple, par un alignement sur la tâche ou l'objectif à accomplir. Il fallait d'abord partir des personnes elles-mêmes, de ce qu'elles étaient. De l'existant et de la pratique. Une fois cela compris, intégré et pratiqué, toutes les portes s'ouvraient pour mettre en œuvre avec succès les projets qui auraient pu sembler les plus irréalisables ! Notre rythme d'européen est un rythme à trois temps, et non à deux temps. Thèse antithèse synthèse –au-delà de l'analyse-, blanc noir et gris –au-delà de noir ou blanc. Ce rythme ternaire implique la profondeur, celle de la prise en compte de l'être. L'axe pivot d'un accompagnement réussi en contexte interculturel repose alors sur la reconnaissance et l'acceptation de sa propre manière d'être et d'agir pour ensuite l'accepter et l'accueillir chez l'autre. C'est du coaching interculturel individuel ou d'équipe. Et ce n'est pas par hasard que le coaching, ce nouveau mode d'accompagnement des personnes, est en Europe plus axé sur la personne -il est ainsi plus issu du milieu psychothérapeutique ou prend en compte ces apports- et moins sur l'exemple sportif. C'est là l'essentiel, "ce qui est invisible pour les yeux"** et pourtant ce qui fait marcher le monde et les hommes et les femmes d'entreprise et de projet... permettre de comprendre, au-delà de ce qui nous est différent, ce qui nous unit profondément pour œuvrer dans le même sens. Marie Elisabeth BOURY ALLIAGE Consulting meboury@alliage-consulting.com Retour: La Chronique de Marie Elisabeth Boury * Boris CYRULNIK Les Nourritures Affectives chez Odile Jacob, 2000 ** Antoine de SAINT-EXUPERY Le Petit Prince Copyright Marie Elisabeth
Boury 2004
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