La
Chronique de Pierrre Zimmer Réflexions automnales Morte ou vive, la mémoire... Essence
même
de la conscience, la mémoire structure la
société. Le 7ème art en atteste et en abuse.
Il n'est de voir cette
pléthore de films emprunts de souvenirs et de nostalgie. Mais
quand l'histoire dépasse
la fiction, doit-on ne se souvenir que des belles choses ?
En ces temps incertains, il faut bien se
raccrocher à quelque chose de solide et pour s’attaquer aux
terrains mouvants du futur, on n’a rien trouvé de mieux que le
passé. On se réfugie dans la mémoire. C’est le
thème de prédilection des films du moment. Dans
Mémoire Effacée, par exemple, la séduisante
Julianne Moore tente de comprendre pourquoi elle est la seule à
se souvenir de choses que tout son entourage nie. Dans Eternal Sunshine
of the spotless mind, les héros peuvent se faire gommer une
mémoire encombrante par une machine sophistiquée. Tous
les problèmes surgissent quand ces mêmes héros
changent soudainement d’avis et qu’ils veulent revenir en
arrière. En arrière, voilà, c’est là que se
situe le problème. Un long dimanche de fiançailles tourne
autour du souvenir et de l’obstination à se remémorer.
Enfin, pour en finir de jouer les Monsieur Cinéma, la nostalgie
a fait également un tabac cette année avec Les Choristes,
Vipère au poing ou Les fautes d’orthographe. Ce regret de
l’autorité d’antan serait-il le signe d’un relâchement de
nos mœurs ou le retour d’un balancier qui avait un peu trop
exploré les champs du laxisme ?
Nous vivons des temps déraisonnables de commémorations, de cérémonies du souvenir, de journées du patrimoine à ne plus savoir qu’en faire. La nostalgie semble être plus que jamais ce qu’elle était. Cette débauche de discours pour nous faire croire que tout était mieux avant recèlerait même une angoisse devant un présent imparfait du subjectif. « Pas du tout, nous dit François Hartog, historien et spécialiste de l’Antiquité, vous n’avez rien compris au film. L’époque contemporaine ne cesse de refabriquer le passé et le futur dont elle a besoin. Autrement dit, notre présent a le désir de se regarder comme déjà passé avant de l’être. » Dans ces conditions, à quoi bon surveiller l’heure sur sa montre puisqu’elle change tout le temps. Comme aurait dit Groucho Marx devant une personne allongée : « Ou cet homme est mort ou bien ma montre s’est arrêtée… » A propos de passé douloureux, de passé qui ne passe pas comme aurait dit Henry Rousso, spécialiste de l’Occupation et à propos de mémoire, le tribunal de grande instance de Paris a autorisé le 18 octobre dernier la chaîne câblée Histoire à programmer, au premier semestre 2005, quarante épisodes du procès Papon. Papon enfin au poste a titré Télérama. Bien vu. La diffusion indispensable de ce procès pour la mémoire va permettre à certaines victimes de l’ancien fonctionnaire de la préfecture de Bordeaux de revivre car la seconde mort, c’est l’oubli, a dit un jour Elie Wiesel, prix Nobel de la Paix. Redonnons la parole à François Hartog : « Le rôle de la mémoire n’est plus de retenir du passé ce qu’il faut pour préparer l’avenir, mais d’en garder ce qui est encore vivant pour intensifier le présent. D’où cette incroyable vogue pour le documentaire. » Et nous sommes revenus au 7ème art. Mais, on ne doit pas se souvenir que de belles choses. Pierre Zimmer, Conseil en Communication et écrivain zimmerpierre@orange.fr Retour: La Chronique de Pierre Zimmer |
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