Marie Elisabeth boury

La régulation interne
ou comment s'assumer dans une économie financiarisée

La régulation d'un système assure son équilibre. Pour ce faire, elle doit être interne. Une régulation imposée de l'extérieur ne fonctionne pas. Appliqué à l'économie, à l'entreprise ou au leadership, qu'est ce que cela peut nous apprendre ?

C'est l'histoire d'une chaudière. Elle a un bouton "on/off" et un moteur. C'est tout. Elle explose. En ajoutant un thermostat, elle se régule et assure sa fonction.

C'est l'histoire d'un régime démocratique. Son équilibre est assuré, entre autres, par ses trois fonctions : exécutif, législatif, judiciaire. L'une s'affaiblit et le système se délite.

C'est l'histoire d'une économie globalisée dont la machinerie semble restée bloquée sur "finances". Ce déséquilibre semble générer comme une tumeur qui envahirait tout. Comme un cancer, un déséquilibre, qui se généraliserait.

C'est l'histoire d'un français. Il est théoriquement citoyen, producteur et consommateur. Mais cette dernière fonction est exaltée au point que son identité peut parfois se réduire jusqu'à s'identifier à la consommation. Les seuls lieux de vie de certains quartiers ne sont-ils pas les lieux de consommation ? Comment se définir par la seule consommation, la marque, le paraître…et son renouvellement incessant ? La consommation crée et entretient un sentiment renouvelé d'insatisfaction qu'elle est censée combler mais qu'elle entretient pour se renouveler.

Ensuite ? Les liens assurant l'équilibre entre les trois fonctions, citoyen, producteur et consommateur. Il achète "chinois" alors que son côté "Producteur" crie au scandale contre les délocalisations…qu'il contribue pourtant ainsi à alimenter. Déséquilibre !

"Regulation Inside" !
Ainsi "financiarisation" et "primauté à l'économique" créent une dépendance comme la recherche de producteurs toujours moins chers, symptôme alarmant d'un système déséquilibré.
Autrefois gouverner c'était tendre à assurer cet équilibre. Inutile de "bouc-émissariser" qui ou quoi que ce soit, ce serait une manière de planter encore plus le système. Mais se poser la question de la méthode et des moyens du rééquilibrage. Et là, nous savons ce qui marche ou ne marche pas : "ne marchera pas ce qui est actuellement fait !". Nous avons assisté à de merveilleux moments et à de magnifiques discours des thuriféraires du pouvoir : "Oui ! Nous avons compris et nous allons créer des instances qui vont créer des règles qui vont être respectées". Las, ces instances et ces règles contribuent exactement à renforcer le système qu'officiellement elles étaient sensées combattre.
Demander un rééquilibrage par l'extérieur serait soyons en sûrs un peu renforcer le système décrit. Qui y aurait intérêt ? Qui pourrait encore prétendre pouvoir entrer dans ce jeu ? Qui en aurait même les moyens ? Force est donc de constater que la régulation qui assure l'équilibre du système ne peut plus venir aujourd’hui de l'extérieur.

Une leçon de Leadership pour l'entreprise
Pour ceux que le monde de l'entreprise et celui des organisations passionnent, le constat précédent amène à se poser la question du Leadership. En français, il n'existe pas de mot traduisant cette notion, sauf peut-être celle de "chef", d’"autorité". Si nous n'avons pas le nom, peut-être saurons-nous, au moins, développer de large manière une nouvelle posture concernant ce Leadership ? Il assure l'équilibre, et par là même la pérennité, d'aucuns diraient aujourd’hui la "sustainabilité" de l’entreprise et du système qui l’entoure, assortie d’une créativité et d’une fluidité bienvenue dans un monde devenu complexe.

Leadership donc. Etre un "réequilibrateur", une compétence à part entière à développer au plus vite. Assurer l'équilibre est un des rôles clé pour le leader en environnement complexe. Le rôle du chef, dans certaines tribus indiennes d'Amérique du Nord, n'était pas d'imposer un ordre, d'assurer un pouvoir hiérarchique, de tirer profit de sa position. Il était d'assurer l'équilibre entre les différentes composantes de la communauté. Assurer l'équilibre est une manière de rendre l'entreprise "durable", pour ses salariés et son environnement.

Où vous situez-vous ?
Nous sommes tous interdépendants. La question est bien encore et toujours de savoir : « comment assurer une régulation qui ait des chances de ramener le système à un équilibre » ? Géré en interne l’équilibre est pérenne, alors que le déséquilibre ne mène tôt ou tard qu'à la violence. Mais que voulons-nous au juste? Une nouvelle posture se dessine avec force : "reéquilibrateur". Elle fait appel à des qualités "soft", sans effacer la posture hiérarchique. Elle implique des nouvelles compétences, comme celle d'avoir la capacité à remettre de l'énergie dans le système. Non pas contrôler, mais équilibrer. A commencer par soi, comme un exercice. Se poser des questions simples, comme par exemple : comment réconciliez-vous ou aligneriez-vous votre fonction de producteur avec celle de consommateur ?

Car l’entreprise est une proposition, au monde. N'est-il pas temps de réviser ses propres fondamentaux : quelle gestion de la créativité, quel respect de ses ressources, quelle ambition pour ses collaborateurs, quelle connaissance de son environnement, quelle éthique de ses affaires ? Chacun doit être Leader de soi comme de son entreprise. A moins que le déséquilibre dont nous parlons, déjà devenu trop grand, ne soit signe d'une destruction prochaine, lente ou rapide, qui permettra peut-être de créer un nouvel ordre ? A moins qu’il ne faille considérer les deux phénomènes en même temps, à la fois un rééquilibrage et un nouvel ordre ? Ce serait dès lors une histoire d'ombres et de lumières. Où vous situez vous ?

Marie Elisabeth Boury
meboury@alliage-consulting.com