La Chronique de Marie Elisabeth Boury


Rentrée
Sourds, aveugles et muets ?
A une époque où l'on parle d'intelligence économique, on peut réellement s'interroger sur nos capacités à appréhender ce qui nous entoure. Car avec la montée en puissance de la Chine et de l'Inde apparaissent nos contradictions et notre incapacité à nous renouveler. Serions nous devenus comme les figurines de la tradition asiatique sourds, aveugles et muets ?

Intelligence économique, études de marchés, data base concurrents... sont de magnifiques recueils d'informations mais qu'en faisons-nous? A quoi servent des informations si elles ne sont pas une occasion de s'ajuster, de se transformer, en un mot : de s'adapter ? Homéostasie: c'est le maître mot pour le corps humain.  Recherche d'équilibre. L'environnement change ? La température évolue? Un choc extérieur nous frappe?  Le corps intègre les nouvelles données et établit un nouvel équilibre.  Pour  survivre. L'entreprise reçoit de nombreuses données sur son environnement mais peu nombreuses sont celles qui les intègre et les prennent en compte. "Facile, facile…mais lorsque nous recevons ces données, qu'est ce qui vous permet de dire que nous ne les intégrons pas ?" pourriez-vous me répondre.  Mais il existe une grande différence entre "écouter" et "entendre".  Quelqu'un a "écouté" quand ce qu'il a entendu fait évoluer sa pratique, sa manière d'être, son positionnement. S'il n'a fait qu'"entendre", c'est qu'il a compris intellectuellement et théoriquement ce que signifiaient les données, sans s'en nourrir. Entre "écouter" et "entendre", toute la différence se situe entre adaptation et non-adaptation. <>Ainsi que tirons-nous  de ce que la Chine aujourd'hui et l'Inde demain pourraient nous apprendre? Qui regarde le visage de la Chine? Qui la remercie de ce qu'elle nous oblige à changer, à évoluer, à être plus intelligents, plus innovants, plus solidaires? Merci la Chine, merci l'Inde de ce que vous nous apportez. <>Mais ce que nous voyons ici aujourd'hui, c'est une grande peur et une tentative de mise à distance : "Haro sur la Chine ! "Cette attitude nous rend sourds: trop absorbés dans la peur et le rejet,  nous ne pouvons plus écouter ce que la Chine a  à nous dire. Or si nous n'écoutons pas, nous ne transformerons pas ce que nous avons à changer pour  trouver le nouvel équilibre qui permettrait de nous adapter à la situation créée. C'est par l'autre que nous évoluons…

Ainsi nous sommes sourds. A l'interrogation "Serions-nous aveugles", nous aurions tendance à répondre:  "Mais non voyons ! Ridicule ! Nous avons nos yeux pour voir"!  Mais si vous regardez la réalité avec les lunettes de la théorie ou des idées, vous n'y voyez que ce qui va conforter ce que vous pensiez déjà. Et vous ne verrez rien d'autre. Et donc vous reproduirez du pareil au même. <>Depuis 10 ans les Chinois se préparent à l'ouverture de nos marchés. La date d'ouverture était connue. Et nous? Qu'avons-nous fait de cette information? L'avons-nous seulement vu? Jacques Derrida parlait de déconstruction de la réalité pour mieux la reconstruire différemment et consciemment.  Avons-nous déconstruit pour reconstruire autre chose?  A l'opposé de cela! Nous sommes de petits Thalès, ce philosophe qui pour avoir regaré le ciel étoilé n'avait pas vu le puits qui s'ouvrait sous ses pieds.

"Bon, quand même nous parlons…. Nous ne sommes pas muets !". C'est vrai : j'entends la complainte de la délocalisation et  la peur de l'invasion par les productions chinoises. Et ce de la part des mêmes personnes qui vont acheter "au moins cher" des produits fabriqués en Chine et nourrir ainsi les délocalisations! Alors êtes-vous tous schizophrènes? Certes vous parlez, mais vos actes d'achat sont en contradiction avec vos paroles: quel poids ont-elles donc? 

Sourds, aveugles et muets : que pouvons-nous bien voir venir?
Il n'y a pas de morale à cette histoire. <>Mais la Chine  ;-)  – Deng Xiao Ping en l'occurrence – peut nous apprendre la" théorie des petits pas": mieux  vaut un petit pas que je vais faire qu'un grand saut que je ne franchirai jamais…

Alors comme une petite dose homéopathique:

- contre la surdité, une petite goutte de "prendre la situation et les
  personnes tels qu'ils sont et non tel que vous voudriez qu'ils soient"'
  (si vous respectez  la situation ou la personne telle qu'elle est, cela
  vous permet d'écouter ce qu'elle a à vous dire)

- contre l'aveuglement, deux gouttes de "droit à l'expérimentation" 
  (accepter l'erreur  vous autorise enfin à voir aussi ce qui ne va pas et
  à avoir ainsi une base fiable pour faire évoluer les choses vers un 
  meilleur équilibre) 

- contre la mutité, une dose quotidienne de " vous êtes responsable de
  vos silences et de leurs conséquences" (prendre en compte la
  responsabilité que vous avez sur les conséquences de vos actes -ainsi
  ne pas geindre sur les délocalisations quand vous en achetez les
  produits-  vous redonne une parole qui a du sens).

Petit pas…cela veut dire que nous pourrions tous commencer dès maintenant. Ah, cela n'est pas possible pour vous? Vous attendez que les autres commencent et vous verrez après? Dommage pour vous! C'est un retour à la case départ, relisez donc le début de cet article.

Marie Elisabeth BOURY
ALLIAGE Consulting
meboury@alliage-consulting.com


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Références bibliographiques:

PLUTARQUE Comment écouter   Rivages Poche 1995
François de SINGLY  L'individualisme est un humanisme   L'Aube Essai  1995




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