Interview : John Furth, Président de l' AMCF
En décembre 2009, le 63
ème “Annual
Meeting” de l’AMCF à New York était l’occasion propice
à une première
rencontre avec le nouveau Président de l’AMCF, John Furth,
ancien
consultant et spécialiste du conseil en Asie et en Europe. Le
prochain
“Global Leadership Forum” qui doit se tenir à New York
approchant et sa
conférence satellite, the European Leadership Forum,
étant elle-même en
vue, il nous a semblé que le moment était enfin venu de
mettre à jour
nos tablettes et de présenter John Furth à nos
lecteurs…
John, vous êtes le
nouveau
Président de l’AMCF, l’association des sociétiés
de conseil en
management, et votre expertise concerne très
précisément le domaine du
conseil pour lequel vous avez une longue expérience
passée auprès de
firmes telles que Roland Berger Strategy Consultants ou encore
Accenture pour lesquelles vous avez œuvré en Europe et en Asie,
avant
de revenir vers Roland Berger, le plus grand cabinet européen,
et de
finalement rejoindre la direction de l’AMCF en janvier 2009 comme
Président. Cependant les consultants en France, et certains en
Europe,
ne vous connaissent pas encore. Pouvez-vous vous présenter
à nos
lecteurs ?
John Furth : Je vois que vous
connaissez votre sujet déjà très bien (rires).
J’ai commencé ma
carrière chez Roland Berger Strategy Consultants et ma plus
grande
mission a été auprès de la Commission
Européenne. Là se trouve mon lien
avec l’Europe. Ainsi, au départ j’ai œuvré pour les
Européens
puis je me suis embarqué pour le Japon. Ma carrière est
donc très
internationale.
Et
vous êtes celui qui a ouvert le bureau de New York pour Roland
Berger …
John Furth : C’est exact ! En 1996.
Doit-on
en déduire que vous devriez-être en tant que
président particulièrement
ouvert aux sociétiés de conseil européennes ?
John Furth : Bien sûr,
extrêmement.
Nous avons déjà des membres européens.
Historiquement nous avons
développé notre activité il y a
déjà bien longtemps et nous avons
depuis lors des membres européens tels que Capgemini,
Algoé, BPI, des
participants de longue date, et aussi d’autres cabinets dont l’origine
est européenne: Deloitte, Ineum [devenu depuis Kurt Salmon]…et
je dirai
[par extension] du monde entier, avec de grands noms comme TCS…
Serez-vous
aussi porté à déveloper vos activités un
peu plus vers l’Europe et le
reste du monde?
John Furth : Eh bien en fait nous
sommes très américano centrés. Cela dit nous avons
développé des
activités au niveau mondial comme des séminaires, des
forums, en Europe
et en Asie principalement… mais de même [qu’en Amérique
nos membres s'occupent d'Amérique],
nos membres en
Europe s’occupent de leurs activités Européenne… Et donc
pour
ce qui est
d’ici, nous sommes principalement concentrés sur
l’Amérique.
En
2003, Lanny Cohen, Président du meeting annuel, nous avait
exposé
l’historique de l’association AMCF dont l’origine date de 1929,
l’année
même de la grande récession. Il nous avait décrit
la structuration de
ses membres comprenant au départ des stratèges,
puis le relai réalisé par les sociétés de
conseil en management et finalement
l’arrivée
des grandes firmes d’informatique et des grands de l’Impartition
(Outsourcing, BPO, Offshoring) à la fin du 20ème
siècle. Quelle
pourrait bien être la
prochaine race de société rejoignant l’association ?
John Furth : Nous observons
l’arrivée des Niche Players. Des niche players locaux, dans les
domaines du marketing, de la communication, des relations publiques, de
l’organisation, des services financiers, de la santé, de la
promotion
immobilière, etc... Donc [nous avons] des niche players “Et” des
grands
généralistes, de grandes compagnies. Ceci est une de nos
spécificités.
Nous accueillons en même temps de grandes compagnies et des
petites
sociétés.
Et
là, en dépit de la crise, de nombreux nouveaux membres
rejoignent
l’association actuellement, pratiquement un nouvel entrant par mois,
à
peu de chose près…
John Furth : C’est exact. De
nouveaux de diverses sortes, des niche players bien sûr et aussi
d’anciennes grandes
sociétés membres qui
n’hésitent pas aujourd'hui à revenir
vers nos conférences et nos forums : PwC, TCS, Mercer LLC… et
Parmi les
niche players nous avons Campbell Alliance (basé à
Raleigh NC)
specialisé dans la santé et
l’industrie des
biotechnologies ; Gray Matters de Chicago, specialisé dans la
formation aux méthodologies commerciales pour les services
intellectuels ; Target team (basé à Boston) dont les
solutions sont
utilisées par plus 40 cabinets; PepperCom, une agence en
communication
stratégique ; PDN aussi, un cabinet londonien,
spécialisé dans la formation
tout
comme Exec Com de NewYork City. Et finalement je citerais
le Hokenson Group, un cabinet de développement et d’alliance
stratégique
de Washington DC. Au moment du forum européen (le 16 nov 2010)
nous
aurons
48 sociétés membres (54 si l’on compte toutes les
filiales du
MCG, le Management Consulting Group). Et ceci inclut une nouvelle
catégorie “Start-ups” comprenant maintenant de toutes petites
sociétés de 2 à 3 personnes lesquelles commencent
tout juste leur plan de croissance.
Comment
voyez-vous l’AMCF aujourd’hui ? Est-ce un club d’élite comme
certains
le pense vu d’Europe ?
John Furth : Ce n’est pas un club.
C’est un endroit où les gens viennent pour travaille ensemble.
Nous
sommes bien plus qu’un club et nous sommes définitivement autre
chose
qu’un club fermé. Nous avons de nouvelles sortes de
catégories,
d’événements et de services.
Parmi
vos premières actions en tant que président nous avons
observé la
sortie d’un nouveau site web. Que peut-on dire de cette plateforme ?
Est-ce un nouvel outil pour vos membres ?
John Furth : Oui. Nous l’avons
développé avec une équipe de Capgemini. Il repose
sur une technologie
Joomla et de nouvelles fonctionnalités apparaissent chaque mois.
Nous
avons aussi des rubriques réservées uniquement à
nos membres.
Il
y a quelques années, au meeting annuel de l’AMCF, les gens
s’accordaient, notamment ceux du BCG, à dire que l’on n’avait
pas
observé récemment de nouvelles idées dans les
domaines du management et
du conseil. Après le passage à l’an 2000 (Y2K) toutes les
idées telles
que la Qualité, le Reegineering, l’e-Business, le BPO,
l’Offshoring, de
même que le Coaching ou encore l’Agilité dans les RH
semblaient déjà
devoir être rangées parmi les accessoires de l’histoire
managériale avec aucun
substitut notable en vue. Quel est votre sentiment à ce sujet ?
John Furth : Actuellement nous
n’avons aucun sujet sur lequel on puisse capitaliser. Les nouvelles
idées sont limitées aux spécialités. Je ne
pense pas que qui-que-ce
soit actuellement puisse entrevoir le moindre sujet majeur, la moindre
idée
majeure. Les entreprises restructurent, se développent à
l’étranger,
mais vous avez raison et les gens [mentionnés] aux meetings
avaient
raison lorsqu’ils faisaient observer cette absence de nouveaux
concepts.
Ceci ne veut pas dire que les cabinets conseil n’auraient pas pour
autant quelques grandes idées qu’ils garderaient jalousement
secrètes
au sein de chaque firme, mais qu’aucune grande idée n’a
récemment diffusée au
sein de notre profession. Cela dit j’observe que les gens travaillent
dur dans les réunions entre pairs et dans les groupes
d’affinité afin
justement de compenser ce manque de grandes méthodes et de
lignes
directrices [nouvelles] et je pense qu’ils essaient de trouver entre
eux des
solutions plus collaboratives que révolutionnaires.
Doit-on
trouver ici la raison pour laquelle vous avez choisi David Maister
comme conférencier invité pour le meeting annuel 2009. Et
n’était-ce
pas là un choix un peu risqué pour le nouveau
président car on sait David
Maister être un homme qui, en conditions stratégiques, ne
mâche pas ses
mots ?
John Furth : Actuellement David
Maister est l’un des tous meilleurs parmi les trois ou quatre plus
importants penseurs et conférenciers de notre domaine de
l’industrie du
conseil, notamment de par son approche très orientée vers
l’être
humain, et [un conférencier] qui n'est pas seulement issu du
conseil
académique. Il a l’esprit très ouvert et
il représentait l’homme idéal pour ce moment particulier.
Donc cela est sans rapport avec un quelconque risque
et ce d’autant qu’il était bien connu de nos membres. Et comme
pour
l’année 2009 le titre était “An industry in Change”,
David Maister et
Richard Metzler étaient vraiment les hommes de la situation.
Richard
est aux côtés de l’association depuis près de 30
ans, très protecteur.
Donc, David Maister, excellent, brillant selon moi, et Richard,
exceptionnel pour nous… Ils étaient donc
définitivement les deux
meilleurs témoins pour cette année de changement. Donc
aucun risque.
Notre industrie se restructure et certains domaines méritent
toute
notre attention : les Communications, l’Energie et l’Environnement, le
secteur Automobile et la Santé. Nous avons ainsi eu des
sessions
et des conférences sur ces sujets. Et pour ce qui est de savoir
comment
les consultants peuvent ajuster leurs pratiques afin d’aider ces divers
secteurs, David était incontestablement la bonne personne.
Et David Maister devait être aussi le
lauréat du Prix Sloane pour l’excellence dans le domaine
du
conseil en management, qu’il devait recevoir des mains mêmes de
Richard
Metzler. Pouvez-vous nous rappelez les noms des principaux
récipiendaires de ce prix très convoité ?
John Furth : Roland Berger, a
été
le premier lauréat (en 1999), un homme très intelligent,
très
ambitieux, Roland Berger Strategy Consultants est la plus grande
société de conseil européenne. Il devait
être présent cette année mais
comme il est très occupé il n’a pas pu venir. Pour ce qui
est de la
liste je dirai : Mike Hammer, Edward de Bono, inventeur de la
méthode
des 6 chapeaux, en 2005, Ginni Rometti, Vice Présidente d’IBM in
2006,
C. K. Prahalad de l’University du Michigan en 2007, Henry
Mintzberg de l’Université de Sherbrook au Canada en 2008, et
finalement David Maister, ancien Professeur de la Harvard Business
School et [connu pour être] le « consultant des consultants
».
Comment
résumeriez-vous l’AMCF meeting 2009 ? En termes d’état de
l’économie,
d’état de l’industrie du conseil, de qualité du colloque
et de choix des
sujets ?
John Furth : Permettez-moi de
commencer avec les sujets. Nous avons choisis diverses industries parce
qu’elles sont en difficulté actuellement et parceque c’est
là que les
consultants peuvent aider au mieux. Donc c’est là que le conseil
peut
apporter un changement significatif et là où le
gouvernement peut
apporter un appui à ce changement, tout spécialement dans
les secteurs
de l’Energie et de la Santé. L’Automobile
a des problèmes en ce moment partout dans le monde alors que la
Santé
est un problème essentiellement US et lié aux politiques
de
[l’administration] Obama. D’autres sujets méritaient
d’être choisis en
rapport à la récession économique. Internet et les
Télécommunications
de même que l’Energie qui sont des secteurs solides bien que mis
à mal par
la récession. Nous aurions pu ajouter la Distribution et
L’Immobilier
qui sont de grosses industries aux USA. Maintenant en ce qui concerne
l’état de l’économie et du conseil je dirai que
l’industrie du conseil
doit se revigorer. Nous devons sortir de nouvelles idées
intéressantes
et de nouvelles méthodologies. Pour ce qui est de l’état
de l’économie,
je dirai que ce sera difficile. L’année 2010 [et probablement
2011]
sera difficile, et il en sera ainsi en Europe. Nous sommes [ici] au
début
d’un rétablissement mais c’est très difficile et d’une
certaine manière
différent de ce qu’on observe en Europe. Pour ce qui est du
meeting
lui-même je suis très heureux de pouvoir dire que 2009 fut
un excellent
millésime, très positif en terme d’énergie, avec
des participants très
enthousiastes ; Et il a permis de dégager une vision exacte de
l’état
du conseil ; Et je le résumerai comme suivant : La
prochaine grande idée n’est pas encore là ! Et comme cela
a été observé
par les gens de Kennedy Information, le conseil est une industrie
mature et comme toute industrie mature elle a certainement besoin de se
réinventer elle-même. Et ça c’est vraiment le grand
sujet sur lequel
nous aurons à travailler lors des prochains séminaires et
forums.
…
conclusion qui m’amène élégamment à notre
question suivante : Pour le
prochain Leadership Forum (nouveau nom donné à l’Annual
Meeting) qui
doit se tenir les 2 et 3 décembre 2010 à l’University
Club de
New York,
Peter Shiff d’Europacific Capital, Jeremy Siegel de la Wahrton School
et James Champy, consultant internationalement reconnu, seront les
vedettes du moment - James Champy devant être au passage
le
lauréat du Sloane Award. Ma question serait donc la suivante :
alors
même que James Champy est l’inventeur avec Michael Hammer du
“Reengineering”, doit–on voir dans cette "distribution" un lien avec le
manque temporaire de “grande idée” que nous avons
évoqué ?
John Furth : [Cette recherche
d’idée
nouvelle] est toujours un sujet pour nous. Mais vous n’avez pas
mentionné le
Professeur Bob Eccles de la Harvard Business School. Celui-ci
s’entretiendra avec nous dans le cours du colloque sur ce qu’il pense
être "la prochaine grande idée" à apparaître
dans le conseil.
Juste
quelques semaines avant le forum de New York se tiendra à Paris
le 16 novembre 2010 le "European Leadership Forum",
précisément au
siège de Deloitte
à Neuilly. Là aussi vous proposez une magnifique liste de
panelistes
dont Brad Smith de Kennedy Information, Rick Carter du cabinet Equation
Consulting, spécialiste de la Santé, Gérard
Debrinay Président
d’Algoé et Christian
Chattay, Partenaire de Deloitte France. Pourriez-vous dévoiler
pour nos
lecteurs les sujets qui pourraient être abordés par ces
experts de
talent ?
John Furth : Nous allons beaucoup
parler de ce que les clients ont besoin et attendent de leurs
consultants. Nous allons aussi beaucoup évoquer l’état de
l’industrie du conseil, tout spécialement en Amérique du
Nord et en
Asie. Les Européens sont toujours friands de savoir ce qui se
passe en
dehors de leur propre térritoire.
John,
cette année nous avons vu Ineum fusionner avec Kurt Salmon,
Watson
Wyatt fusionner avec Towers Perrin et finallement Hewitt fusionner avec
Aon Consulting. En guise de question finale nous aimerions
connaître
votre sentiment sur ces rapprochements et méga - fusions. Est-ce
le
début d’une vague de consolidation, comme notre industrie en a
l’habitude, ou bien est-ce le signe de la fin de la crise ?
John Furth : Les fusions et les
acquisitions (M&A,Merging & Acquisition) sont toujours le moyen
principal d’augmenter sa part de marché ou encore de
réduire ses coûts
pour une industrie qui devient mature telle que la notre. Aussi je
m’attend à ce que nous voyons beaucoup de ce type
d’activités dans les
toutes prochaines années. .
Monsieur
le Président, au nom de nos lecteurs, je vous remercie beaucoup
pour
cette vue d’ensemble et pour ces commentaires d’un très grand
intérêt.
Merci John.
Propos recueillis par
Bertrand Villeret,
Rédacteur en chef,
ConsultingNewsLine
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