Actu
10 avr 2017
Présidentielle 2017
13 juristes
dénoncent un coup d'Etat institutionnel
Treize
juristes, avocats de renom, professeurs de droit de tout premier plan,
se sont mobilisés pour rédiger un appel
dénonçant les manœuvres employées par la justice
sous la pression du pouvoir à son plus haut niveau contre le
candidat François Fillon : engagement d'une procédure en
contradiction avec la Constitution, chefs d'accusation sans rapport
avec des faits légaux, précipitation inhabituelle d"une
justice par ailleurs infiniment lente, zèle inhabituel des
services de police facilité par l'état d'urgence,
perquisitions illégales en raison de l'immunité
parlementaire, fuites répétitives des
éléments de l'instruction organisées vers la
presse de gauche, acharnement tous azimuths.., Il s'agit
là, pour les 13 signataires, qui entendent bien alerter les
citoyens et l'ensemble de la profession, d'une "première" dans
l'histoire de la Vème République pour laquelle ils
dénoncent sur certains points particuliers du droit ce qui leur
apparait être un véritable "coup d'Etat institutionnel"
Le
Palais de Justice
de Paris et la Sainte Chapelle. Image : Wikipedia Commons 2005
Plusieurs juristes, avocats et professeurs de droit, se sont
mobilisés pour rédiger cet appel à propos des
manœuvres employées à l’encontre de François
Fillon.
Les termes de "coup d’Etat institutionnel" définissent
parfaitement les manœuvres employées à l’encontre de
François Fillon, pour tenter de l’empêcher, à tout
prix, de concourir à l’élection présidentielle.
Le pouvoir a dévoyé le droit pénal et la
procédure pénale pour tenter de détruire la
réputation de son principal adversaire ; le but de cette vaste
opération étant de favoriser l’élection d’un
successeur déjà coopté, faux nez d’une candidature
sociale-démocrate ou sociale-libérale qui était
d’avance vouée à l’échec.
Le candidat de la droite et du centre était jugé
dangereux car il avait déjà recueilli la confiance de
plusieurs millions de ses compatriotes lors de primaires
irréprochables. Il fallait donc, pour tenter de le
discréditer, lui imputer à délit des faits qui ne
tombent manifestement pas sous le coup de la loi. L’allégation
d’un "détournement de fonds publics" est contraire aux termes du
code pénal et incompatible avec les principes constitutionnels.
Contraire aux termes du Code pénal d’abord : le texte qui
définit ce délit, l’article 432-15, ne vise, comme
auteurs possibles de celui-ci, qu’une « personne
dépositaire de l’autorité publique » ou «
chargée d’une mission de service public », qu’un «
comptable public » ou un « dépositaire public
», qualités que n’a évidemment pas un parlementaire.
Au surplus, il est plus que douteux que les sommes versées
à un parlementaire pour organiser son travail de participation
au pouvoir législatif et au contrôle du pouvoir
exécutif puissent être qualifiés de fonds publics.
Contraire aux principes constitutionnels ensuite : à celui de la
séparation des pouvoirs, seul garant du caractère
démocratique des institutions et obstacle à la tyrannie.
L’indépendance dont dispose le parlementaire, y compris dans la
gestion de ses crédits destinés à
rémunérer ses collaborateurs, n’est pas un simple
caprice. C’est le préalable nécessaire à l’une de
ses missions constitutionnelles qu’est le contrôle de
l’exécutif. Pour préserver le principe de
séparation des pouvoirs, les assemblées disposent, comme
elles l’entendent, de leurs crédits de fonctionnement.
Incriminer l’emploi discrétionnaire de ces dotations serait s’en
prendre à l’exercice de la fonction d’un parlementaire,
s’attaquer par là-même au principe constitutionnel de
l’indépendance des assemblées parlementaires, corollaire
de la séparation des pouvoirs. Pour l’exécutif,
prétendre contrôler l’utilisation des dotations d’un
parlementaire au moyen d’une procédure pénale enfreint
donc ce principe.
Dans le cas de François Fillon, l’atteinte à la
Constitution est d’autant plus grave que la procédure
pénale est engagée illégalement. En admettant
qu’il y ait eu violation du règlement d’une assemblée
parlementaire, une enquête n’aurait pu être menée
que par le bureau de l’assemblée en cause. C’est bien d’ailleurs
la procédure qu’a retenue le Parlement européen pour
sanctionner une candidate à l’élection
présidentielle française.
A plus forte raison, le pouvoir ne pouvait-il laisser le parquet
national financier (PNF) se saisir d’une telle enquête (ou l’y
inciter) ? Il saute aux yeux que les faits allégués
contre le candidat n’entrent pas dans les chefs de compétence
énumérés par l’article 705 du code de
procédure pénale (loi du 6 décembre 2013) de ce
ministère public : non seulement ces faits ne répondent
à la définition d’aucune des infractions
mentionnées dans ces chefs de compétence, mais encore nul
ne saurait prétendre sérieusement qu’ils
présentent « une grande complexité », au sens
dudit article.
C’est encore au prix d’une double erreur que le président de la
République se retranche derrière l’indépendance de
la justice. D’abord, les officiers du ministère public ne sont
pas « la justice », la Cour européenne des droits de
l’homme leur dénie l’appartenance à l’autorité
judiciaire. Ensuite, ils ne sont pas statutairement indépendants
du gouvernement, mais subordonnés au ministre de la Justice.
Il y a pire. Le bras armé du pouvoir, en l’espèce, est ce
parquet national financier. Il est un organe d’exception au sens
technique du terme, un organe à compétence
dérogatoire au droit commun, limitativement définie.
Faut-il rappeler sa genèse, à savoir le refus du pouvoir
de se conformer au fonctionnement régulier du ministère
public, faute d’avoir réussi à museler un procureur
général de la Cour de Paris trop indocile à ses
yeux (il est loin le temps où les tenants de ce pouvoir
socialiste remettaient en cause le caractère exceptionnel de
certaines juridictions, comme les cours d’assises spéciales en
matière de terrorisme, sans parler de la Cour de
sûreté de l’Etat) ?
Dès le début de l’enquête visant François
Fillon, le parquet national financier s’est comme ingénié
à justifier la suspicion légitimement née de cette
origine : la précipitation avec laquelle l’enquête a
été ouverte, sans même le respect d’un délai
suffisant pour lire à tête reposée le Canard
enchaîné laisse perplexe ; surtout, la publication dans Le
Monde par deux « journalistes » familiers du
président de la République, de son secrétaire
général etc., des procès-verbaux de
l’enquête à peine sont-ils clos, au mépris du
secret de l’enquête, démontre irréfutablement une
collusion entre les officiers du ministère public ou leurs
délégataires et ces « investigateurs ». Le
même journal combat d’ailleurs les moyens de défense
constitutionnels invoqués par la défense de
François Fillon en faisant appel à un civiliste…
Dans leur acharnement, ceux qui ont ourdi cette machination ont
pourtant négligé ou sous-estimé un risque : celui
d’une action engagée contre l’Etat, en application de l’article
L.141-1 du Code de l’organisation judiciaire, en réparation du
dommage causé par le fonctionnement défectueux du service
public de la justice au cas de faute lourde.
En effet, il ne se discute pas que la violation du secret de
l’enquête ou de l’instruction en matière pénale
constitue un fonctionnement défectueux du service public de la
justice et que le rôle actif ou passif du parquet dans cette
violation caractérise une faute lourde.
Il reste que la tentative de déstabilisation et de
disqualification du candidat de la droite et du centre à
l’élection présidentielle est sans
précédent par sa violence et par l’implication ouverte de
l’Etat.
Sans doute dans le passé d’autres candidats ont-ils
été visés par des attaques venant pour la plupart
des mêmes journaux : affaire Markovic, diamants de Bokassa,
affaire Clearstream. Mais jamais le pouvoir en place n’avait
orchestré la campagne avec une pareille impudence.
Au-delà du seul piétinement de la présomption
d’innocence, principe dont s’enivrent constamment les zélateurs
de l’actuel pouvoir, pour refuser d’endiguer la délinquance
ordinaire, ce sont tous les principes essentiels d’un Etat
démocratique qui sont bafoués.
Au-delà de la défense du candidat François Fillon,
aucun juriste ne peut cautionner ce dévoiement voulu et partisan
des institutions, préalable à un « coup d’Etat
permanent ». Ni la magistrature, ni la police n’ont vocation
à servir de supplétifs à un pouvoir moribond.
C’est pourquoi les juristes signataires de cet appel entendent alerter
leurs compatriotes sur cette forfaiture et ses dangers pour la
démocratie. Ce n’est pas une poignée de substituts
militants trop zélés qui feront obstacle aux millions de
Français qui ont déjà choisi
démocratiquement François Fillon comme candidat de la
droite et du centre. Nous n’acceptons pas un coup d’Etat
institutionnel, au profit de l’héritier désigné
par le pouvoir.
Philippe FONTANA Avocat au
barreau de Paris
André DECOCQ
Professeur émérite à l’Université
Panthéon-Assas
Geoffroy de VRIES Avocat
au barreau de Paris
Yves MAYAUD Professeur
émérite à l’Université Panthéon-Assas
Serge GUINCHARD Professeur
émérite à l’Université
Panthéon-Assas, ancien recteur
Pauline CORLAY Professeur
agrégé des facultés de droit, avocat au Conseil
d’Etat
et à la Cour de cassation
Guillaume DRAGO Professeur
à l’Université Panthéon-Assas Paris II
Guillaume MASSE Avocat au
barreau de Paris
Jean-Luc ELHOUEISS Avocat
au barreau de Paris, Maître de conférences
Georges BONET Professeur
émérite à l’Université Panthéon-Assas
Raymonde VATINET
Professeur émérite à l’Université
Panthéon-Assas
Anne-Marie LE POURHIET
Professeur de droit public à l’université Rennes-I
Bernard de FROMENT Avocat
au barreau de Paris
Conforme au texte transmis, lequel texte peut être copié
et diffué librement selon le bon vouloir de ses signataires.
Le chapeau du présent article élargit le corpus
fixé par les rédacteurs de l'appel.
Bertrand Villeret
ConsultingNewsline
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