Dominique
Carlac’h, préside la société D&Consultants
créée il y a 27 ans à
Grenoble. D&Consultants est une société de conseil en
stratégie et
financement de l’innovation qui emploie à Paris 35
collaborateurs avec
une parité absolue homme-femme. Depuis 2 ans D&Consultants
connaît
une croissance annuelle de près de 20 % et décline
ses métiers
du montage et de la gestion de projets d’innovation
à la
réalisation d’études économiques,
stratégiques, prospectives et
internationales. Ancienne membre de l’équipe de France
d’athlétisme,
Dominique Carlac'h préside le Comité Sport et la
Commission de la Dynamique Entrepreneuriale du Medef et a
été
nommée membre du Conseil
d'Administration de la Société de Livraison Des Ouvrages
Olympiques
(SOLIDEO) pour représenter les organisations
représentatives des
employeurs. En mai 2018 elle figure parmi les 9 candidats à la
succession de Pierre Gattaz à la tête du syndicat
patronal, seule femme
à candidater, avant de rejoindre la candidature de Geoffroy Roux
de
Bezieux. Dans un long entretien à ConsultingNewsLine elle nous
explique
pourquoi, et nous présente son point de vue sur l’avenir des
entreprises françaises dans la révolution 4.0 qui se
déploie
aujourd’hui et ce que doit être le rôle du Medef dans cette
mutation
Dominique
Carlac’h, nos lecteurs savent que vous êtes consultante en
mangement de
l’innovation et que vous avez des responsabilités au sein du
Medef,
mais peu vous connaissent vraiment. Pouvez-vous nous rappeler les
éléments clefs de votre profil et leurs liens avec vos
présentes
responsabilités ?
Dominique
Carlac’h : Je suis une pure littéraire au
départ :
baccalauréat classique option "math-philo", hypokhâgne et
études de
philosophie à Rennes (parceque née à Pontivy) dans
le cadre de la
filière "sport - études", en raison d’une activité
sportive qui
culminera en équipe de France, le tout poursuivi par Sciences Po
Grenoble, toujours en sport-études, où j’ai
terminé major, section
"Service Public".
Ce
qui vous destinait naturellement aux plus hautes fonctions de l’Etat ...
Dominique
Carlac’h : (Rires) Devenir grand
commis de l’Etat ou Eurocrate, en effet. Mais j’ai travaillé
comme
analyste à l’OCDE quelques temps et là j’ai
basculé : « surtout pas
l’ENA », mais le privé,
les entreprises, le conseil, ai-je décidé... J’aime la
noblesse de la
fonction publique qui gère la cité, mais cela ne
correspondait guère à
mon tempérament. Je voulais m’engager dans des projets, or le
temps et
la chose publique – à l’exception du travail en cabinets
ministériels –
ne le permettait pas. Le conseil au contraire, par
l’accompagnement et l’atterrissage des projets dans un environnement de
stimulation et d’agilité intellectuelle me permettait de me
mettre au
service d’une profession en m’impliquant pleinement. Cela me
correspondait plus. Se mettre au service d’un objectif, dans des
délais
beaucoup plus courts et avec une obligation de résultat !
On
sent le caractère sportif qui ressort...
Dominique
Carlac’h : Pas seulement ! Le conseil allait me permettre
d’assouvir une pulsion entrepreneuriale. Créer, faire
fonctionner et
développer une entreprise. Au-delà des projets,
j’entrevoyais une
construction. Un supplément d’âme.
Vous
êtes-vous lancée d’emblée dans la création
d’une société, sur une expertise particulière?
Enquêtes, études,
dossiers, un vieux fonds intellectuel acquis à l’OCDE ?
Dominique Carlac’h :
Je ne connaissais pas l’entreprise et je ne
voulais pas non plus plonger dans la pathologie de l’expert solitaire.
On peut devenir une bête de somme, un robot, s’y on n’y prend pas
garde, même avec une belle agilité. Je voulais une
approche plus
ouverte et m’investir pleinement dans une entreprise de conseil,
participer à son développement. J’ai donc rejoint un
cabinet déjà
existant, celui de FrançoisDanel, ancien dirigeant de la R&D
chez
Alstom en région grenobloise. J’ai rapidement eu les
coudées franches.
Suite à la disparition de la vie professionnelle de mon patron,
j’ai
développé ma propre société, que j’ai
appelée D&C, pour
Développement et Conseil. Aujourd’hui, ça s’appelle
D&Consultants.
Quelles
étaient les spécialités de cette structure
à ses débuts ?
Dominique Carlac’h :
je me suis lancée sur 3 métiers qui restent
importants aujourd’hui dans ce qui est devenu D&Consultants :
la stratégie, le financement, les politiques publiques et tout
cela
dans un cadre unique : celui de l’innovation.
Etre
à Grenoble a-t-il constitué un avantage en
termes de clientèle ? Rappelons au passage à nos lecteurs
que cette
agglomération renferme la plus haute densité de
laboratoires d’Europe
et
possède encore un substrat industriel (Houille blanche,
métallurgie et
plasturgie) de premier plan...
Dominique Carlac’h
: Il y avait en effet un bassin industriel
favorisant l’émergence des projets basés sur les
transferts de
technologies, permettant l’atterrissage des résultats de la
R&D,
mais les aspects financements et politiques publiques nous ont
rapidement accrochés à des clients éloignés
du lieu. Pour les PME
locales comme pour les grandes entreprises, les consultants sont
devenus des fertilisateurs. Un premier grand projet sera celui conduit
pour Soprema en Alsace, un spécialiste des revêtements de
toiture. A
travers la politique du dirigeant, son équipe, et les missions
que nous
avons réalisées pour lui, on a fait passer cette ETI de
330 millions de
CA à 2 Milliards en 10 ans, en leur montant des projets
d’innovation
que l’on a identifiésnotamment sur la base de l’évolution
environnementale de leur règlementation sectorielle.
Quelque
chose qui devient à la mode dans la
construction et le bâtiment...
Dominique Carlac’h
: Oui, sauf qu’ils étaient les premiers à
s’intéresser au sujet. On a « verdi »
leurs solutions technologiques en
faisant appel au pin des Landes, un produit qui jusque-là
était assez
peu valorisé et servait à faire des sapins de Noël,
des colles, de la
colophane ou encore des chewingum... Pour Soprema on a mis en place la
stratégie et trouvé les partenaires technologiques pour
substituer les
intrants chimiques par de la chimie verte à base de pin des
Landes,
puis trouvé le financement auprès de Bpifrance
[Oséo au départ].
Salon des
Entrepreneurs 2018 : De gauche à droite, Geoffroy Roux de
Bezieux, Dominique Carlac’h, Thibaut Lanxade et Moussa Camara
Cette
philosophie de l’innovation reste-telle
aujourd’hui votre marque de fabrique? D’ailleurs qu’est-elle
réellement
et comment peut-on la mettre en perspective de la révolution
industrielle qui se profile ?
Dominique Carlac’h
: C’est celle du "passeur". A chaque
révolution industrielle il y a eu des passeurs qui ont
inventé un
nouveau système économique (pas forcément
social). Les
consultants sont les passeurs. Rien n’a changé depuis la
première
révolution industrielle, il y a toujours et encore des passeurs
et pour
la révolution 4.0 les consultants sont les passeurs.
Comment
cette révolution 4.0 se distingue-elle des
précédentes ?
Dominique Carlac’h
: Toutes les révolutions ont été
basées sur un
perfectionnement technique. Mais elles ne se sont
déployées que lorsque
le perfectionnement a été appliqué
concrètement. La révolution c’est
quand ce qui émerge est appliqué ! Pour la 1ère au
XVIIIème siècle on a
mécanisé pour être plus productif. Pour la
2ème fin IXème siècle début
du XXème on a mis en place une production de masse, à la
chaine.
Après la 2ème guerre mondiale la troisième
révolution a vu la mise en
place progressive de l’automatisation. Au début du XXIème
siècle, la
révolution dite 4.0 personnalise en masse les objets et les
services en
fonction des désidératas, des goûts, des
spécificitéset des cultures :
bleu, rouge, anglais, français, vegan, kasher, halal... c’est le
4.0 !
Et celle-ci repose sur 2 piliers : l’information et la production
agile. On capture les besoins et les demandes - et là on utilise
massivement la data - puis on fabrique à la demande. C’est le
paradis
des modes, des mini-séries, des objets dédiés,
voire uniques. La
révolution 4.0 comme les précédentes s’appuie sur
les technologies
émergentes dans leur plus grande sophistication, et à
l’autre bout de
la chaine la production hyper automatisée et flexible, les
imprimantes
3D etc... c’est le paradis du numérique et de la robotisation
basée
sur un lien étroit entre la data et la production agile, pas
nécessairement automatisée d’ailleurs si l’on sait
satisfaire le client
autrement.
Les
exemples au quotidien sont nombreux en effet.
Y en a-t-il de particuliers dans les secteurs professionnels pour
lesquels le 4.0 devient la règle ?
Dominique Carlac’h
: Tous les secteurs sont impactés, mais pour
certains cela devient stratégique. Regardez le médical,
la santé. On
n’y a jamais autant perçu le poids des associations de patients
sur
l’organisation des soins, la production pharmaceutique et de
manière
générale sur la prospective des entreprises de
santé. Les grands
laboratoires et les fabricants d’équipements sont morts s’ils ne
captent pas les signaux du marché. Les patients sont
informés, peuvent
voyager, comparer, se soigner ailleurs. L’innovation aujourd’hui
relève
de l’écoute et du fine tuning
qui concernent aussi bien les modes
d’administration que la prise en charge globale des patients. Autre
exemple, l’automobile et plus généralement les
transports. Voyez
Valéo, ils sont partis d’une entreprise qui faisait des
démarreurs.
Aujourd’hui ils vendent à Peugeot, à Renault, des
équipements variés et
qui non seulement réalisent les fonctionnalités qui leurs
sont
demandées mais qui captent les comportements de l’utilisateur,
ses
préférences, ses habitudes, ce qu’il aime, ce qu’il fait
mais aussi
l’état des composants en temps réel pour la maintenance
préventive. Ce
qui était réservé au haut de gamme de l’aviation
est aujourd’hui
proposé à tout conducteur lambda sans même qu’il
s’en rende compte.
On
voit maintenant les cabinets conseil annoncer leurs multiples
compétences en data, cloud, innovation, changement...
N’exagèrent-ils
pas tous un peu sur leurs compétences alors que pour bon nombre
les
dernières années ont été passées
dans du pur management "dégressif" ?
Dominique Carlac’h
: Aujourd’hui ceux qui réussissent sont
ceux qui savent faire le lien entre la démarche, les goûts
du
consommateur et les systèmes productifs. Les exemples ne
manquent pas :
la santé déjà évoquée mais
l’informatique grand public aussi. Prenez
Apple, vous allez dans leurs boutiques, ils prennent tout en compte,
vos souhaits, les technos adaptées, les prix, les paiements, et
surtout, le parcours client. Ils répondent à toutes les
cases ! Pour
mettre en place tout cela, on peut se faire seconder par une
société de
conseil. Mais là, il convient de s’assurer que cette
société a des
compétences sur l’ensemble de la chaîne de valeur :
perception,
analyse, production... c’est la mort des ingénieurs experts
conseil
assis sur la techno et l’état de l’art. Aujourd’hui au cœur du
jeu il y
a l’aspect psychologique, l’économique, et le productif dans un
système
intégré et devenu mondialisé, avec des contraintes
sociales, sociétales
et
environnementales. Celui qui ne peut traiter toute la chaîne avec
compétence ne peut prêter conseil à un client ! Et
ceci est général,
quelque soit le métier. Prenez l’agro-alimentaire. Pour vendre
des
barquettes de biscuits il faut savoir aussi bien traiter les
données
des consommateurs dans les gondoles que la problématique
environnementale sur le produit (huile de palme par exemple) ... Les
consultants doivent vous aider à détecter auss ibien les
comportements
d’achat que les signaux faibles des évolutions sociétales
et in fine
vous aider à produire et à délivrer. Ils doivent
tout prendre en compte
et vous aider à faire accoucher vos projets.
Le
numérique change-t-il la donne aussi pour les consultants, en
interne notamment ?
Dominique Carlac’h
: Oui en ce qu’elle ajoute de la data,
ce qui change les objectifs et les services prodigués et du coup
ce que
doivent aussi maîtriser les consultants. Il y là un
réel problème de
savoir-faire multiple et d’état d’esprit. Prenez la
problématique d'un
client industriel : même pour une simple machine
à laver il faut prendre en compte l’eau, le détergent et
les énergies
renouvelables. Cela va du discours publicitaire jusqu’au
recyclage de l’objet dans les faits... Cela nécessite un
état d’esprit
différent. Si on prodigue du conseil sans ces
données on est à
côté de la plaque car
l’info révolutionne le produit et l’entreprise qui le fabrique.
Et là
il faut être agile ! Le consommateur varie comme l’air du temps.
Il
faut anticiper ses changements de consommation. Deuxième impact
pour le
consultant, le numérique modifie l’organisation de l’entreprise,
celle
de l'entreprise cliente comme celle de la société de
conseil. Si on la
maîtrise on
peut travailler en mode projet et avoir de la réactivité
à la demande
du consommateur et de l'entreprise cliente. Il faut penser en mode
agile et savoir
ensemble changer l’organisation.
Le
conseil en innovation n’a pas toujours eu le vent en poupe (le Non Invented Here). Les rares
consultants du domaine (pour mémoire :
Essor Europe, Michel Goyhenetche Consultants, Erdyn, Innovation 128,
Nodal Consultants, D&C...) s’étaient rassemblés sous
la bannière de
l’Unatrantec créee par Louis Berreur (Nodal Consultants),
association
que vous avez
présidée. Elle est devenue l’ACI. Pouvez-vous nous en
toucher un mot ?
Dominique Carlac’h :
Oui. L’Unatrantec (Union des Consultants en Transfert de Technologies)
était un thinktank, un
club
de réflexion sur les stratégies pour demain, sur les
signaux faibles,
sur la manière de détecter les signaux faibles, les
innovations
potentielles et leur transfert par les passeurs que sont les
consultants. Ce qui sortait de la science était utilisé.
Pour preuve de
la pertinence de cette démarche, la longue liste des
technologies
transférées et les gains de productivité qui en a
résulté. Ces éléments
restent ceux de l’ACI (Association des Consultants en Innovation), mais
celle-ci repose sur d’autres bases. Innover c’est bien joli, mais il
faut de l’argent. L’ACI est là aussi pour aider à
financer et améliorer
l’écosystème du financement de l’innovation, de
l’intégration, de
l’accompagnement des mutations et des transitions, car chaque phase
suppose un financement. Cela repose sur une nécessité qui
va au-delà
des frais de développement : « avoir
de l’argent pour prendre des
risques » ! Au sein de l’ACI on a un continuum de
spécialistes
dans les
diverses activités de l’accompagnement. Cela va de ceux qui
peuvent
identifier les innovations et leur impact économique
jusqu’à ceux qui
peuvent transformer l’essai. A ce titre, il existe une commission
financements. Et de là un 3ème étage que
l’Unatrantec ne possédait pas
non plus et qui permet aujourd’hui les relations collaboratives avec
les acteurs publics tels que Bpifrance entre autres. L’ACI c’est donc
un triptyque permettant aux consultants d’être à
l’interface des
sciences et techniques, du monde du financement, et enfin du monde du
changement, privé et public. Sur ce dernier point nous sommes un
levier
autant sur les transformations des entreprises que sur la
transformation des politiques publiques qui sont, elles, plus
macroéconomiques. Donc l’ACI est à la croisée de
ces 3 mondes :
R&D, Finance, Acteurs publics. Ceci se voit très bien sur
l’intitulé de nos diverses commissions : Marketing, Projets
collaboratifs, Fiscalité, Politiques publiques, Processus
d’Innovation.
Institut de
l’Entreprise : Présentation des candidatures à la
présidence du Medef
dans l’hémicycle du Conseil Economique, Social et
Environnemental.
Présentation de Dominique Carlac’h.
Ce
qui nous amène naturellement à votre rôle au sein
du Medef...
Dominique Carlac’h
: Ce qui forme en effet un prolongement.
J’ai participé aux travaux de 2 commissions du Medef au niveau
national
: la commission "Dynamique Entrepreneuriale" et le "Comité
Sport".
La première avait pour objectif d’inoculer le virus
entrepreneurial là
où il ne se développe pas naturellement. Ses
écosystèmes naturels sont
les grandes écoles, les écoles de commerce et de
management, le milieu
familial parfois... Mais il existe des gisements qu’il faut activer en
dehors de ces sphères naturelles. Et pas seulement pour la
beauté du
geste mais pour un objectif lié à l’emploi. Rappelons que
la maladie
endémique de la France, c’est le chômage ! Nous sommes
allés chercher
de nouveaux entrepreneurs dans les quartiers, chez les militaires, chez
les femmes et maintenant chez les sportifs. La plupart n’étaient
pas
toujours passés par les grandes écoles mais il existait
chez eux un
potentiel entrepreneurial et une capacité d’apprentissage du
management. On a choisi des jeunes motivés, des militaires en
reconversion. Mon travail au sein de cette commission a duré 5
ans et
au-delà du fait d’aller porter la bonne parole, j’y ai
créé des binômes
entre partenaires et nouvel entrant pour des reconversions personnelles
réussies. Le principe a été celui de l’immersion.
On les a rencontrés,
et choisis, on leur a trouvé un accompagnement, mis en place des
ateliers en entreprise chez des paires choisis parmi les
adhérents du
Medef. Enfin on a mis en place un collectif sur l’échange des
bonnes
pratiques. En 5 ans on a eu plus d’une dizainede promotions de 20
candidats choisis dans les quartiers, chez les militaires. Aujourd’hui
l’idée c’est d’étendre le dispositif aux sportifs qui ont
l’ADN qu’il
faut pour entreprendre.
Des
sportifs que vous connaissez naturellement bien...
Dominique Carlac’h
: Ce qui dépend en fait de la deuxième
commission que je préside et dont les travaux reposent sur 3
axes.
D’abord l’économie du sport où l’on avait
identifié clairement un
gisement de croissance et d’emplois. Pour ce secteur il fallait
considérer la fabrique et la distribution d’équipements
de sport ou
encore l’organisation d’événements. Il s’agissait de
mettre en lumière
et promouvoir une filière "économie du sport". Ensuite,
on a voulu
étudier et promouvoir le sport comme facteur de
compétitivité dans les
entreprises, avec l’idée que faire du sport c’est positif et
facteur de
motivation et donc, au-delà des problèmes de charges et
de
productivité, il y avait là un facteur de promotion de la
compétitivité. On a convaincu sur des chiffres. On a
étudié le lien
entre le sport et rentabilité et l’on a pu démontrer un
facteur de
quelques pourcents sur un panel de 200 entreprises de toutes tailles
sur tous les territoires, identifiées parmi les membres du
Medef. Le
3ème axe a consisté à faire des entreprises des
représentants de la
gouvernance des sports afin qu’elles ne soient plus seulement sponsors
mais acteurs et décideurs. Et là on a participé
pleinement à
l’élaboration de projets ambitieux et obtenus des
résultats. J’étais à
Lima en septembre 2017 pour l’attribution des Jeux Olympiques et on a
gagné pour 2024. On a renvoyé une image de rayonnement
économique pour
la France.
Ce rayonnement de la
France que vous avez défendu avec le Medef -
une première pour une fédération syndicale dans le
monde - m’amène tout
naturellement à évoquer votre candidature à la
présidence du Medef,
même si depuis votre présentation programmatique au CESE
devant
l’Institut de l’Entreprise, vous l’avez retirée au profit de
celle de
Geoffroy Roux de Bezieux...
Dominique Carlac’h :
Je souhaitais m’engager plus amplement
pour la compétitivité et l’attractivité de
l’économie française d’où
cette candidature. Avec 3 idées au départ : tout d’abord
faire rayonner
mon pays. Je ne fais pas partie des grincheux et des ronchons et je
trouvais qu’il y avait des témoins à l’intérieur
du Medef qui
pouvaient, sous réserve de réformes internes au Medef,
représenter de
manière rénovée l’économie
française. Il faut sur ce point se souvenir
que cette fédération est le fruit d’une histoire, celle
du CNPF
(Conseil National du Patronat Français), un syndicat patronal
qui est
devenu un mouvement d’entreprises (Medef) avec pour vocation de motiver
et valoriser cette économie productive. Avec la
révolution 4.0 et
l’agile Emmanuel Macron qui a été élu il y a un
an, il m’est apparu
qu’il fallait aller un cran plus loin et faire du Medef un outil
moderne et agile au service des entreprises, elles-mêmes au
service de
l’économie française. C’est ce que j’ai voulu
incarner. C’est en
cela qu’il faut considérer ma candidature. La certitude c’est
que le
Medef, au-delà de son histoire prestigieuse et ses
évolutions
déterminantes, ne renvoie pas aujourd’hui l’image qu’il
mérite. Il
reste lent, trop cloisonné, et masculin... D’où à
travers ma
candidature
l’idée d’un renouveau.
Le Medef a
déjà eu
une présidente... Comment positionnez-vous votre
projet par rapport à ceux de vos prédécesseurs ?
Dominique Carlac’h
: Ernest-Antoine Seillière a
été
président du CNPF alors qu’il était un grand patron
(groupe Wendel) et
que le CNPF était une organisation patronale. Son action a
consisté
notamment à faire du CNPF un outil pour les entreprises et pas
seulement représentatif des patrons, d’où le
rebaptême en 1998 sous le
nom de Mouvement des Entreprises Françaises (MEDEF).
C’était une
excellente idée et ce fut une grande avancée car
l’entreprise est le
creuset de la création de valeuréconomique. Ce changement
de nom
illustre à lui seul le travail réalisé par
Ernest-Antoine Seillière.
Aujourd’hui le Medef regroupe 125 000 adhérents ! Avec Laurence
Parisot
à partir de 2005, il y a eu un évolution
d’appréciation du rôle de
l’entreprise. Celle-ci a cessé d’être vue uniquement comme
une source
de profit pour l’actionnaire mais comme un lieu de création de
valeur
pour l’ensemble de la société avec un fort impact sur la
cohésion de
celle dernière. Ouverture sur le sociétal donc. Avec
Pierre Gattaz à
partir
de 2013, et alors même que la concurrence mondiale se
renforçait,
avec de nouveaux acteurs et de nouvelles contraintes, politiques et
réglementaires notamment, a été pris en compte
l’existence bien réelle
d’une opposition naturelle qu’il ne fallait pas oublier de combattre,
d’un pouvoir multiple qu’il ne fallait pas oublier...que si
l’entreprise voulait perdurer il fallait « faire face » et lutter
contre ceux qui la combattaient. Bref un Medef de combat ! Un Medef qui
ne pouvait pas se laisser étouffer par un discours
anti-entreprises. Ce
combat c’est son apport, en lien avec l’actualité pour les
entreprises.
Pour le prochain Medef il va falloir le façonner pour qu’il
intègre le
monde 4.0 qui est en constante évolution. Il va falloir qu’il
l’anticipe. Et c’est pour cela que je me suis lancée dans la
campagne.
Nous devons devenir agiles, innovants, forces de propositions et de
réalisations...
Alors
justement au CESE, devant les membres de l’Institut de
l’Entreprise vous avez donné votre vision du monde actuel et de
ce que
doit être le Medef de demain. Pouvez-vous résumer vos
propos d’alors ?
Dominique Carlac’h
: J’ai rappelé que l’on est à la fin d’un cycle.
Il
va falloir ouvrir les entreprises à tout ce qui contribue
à sa
compétitivité et son attractivitéde demain. Il va
falloir des débats et
des actions, pour avoir une vision profonde de ce qu’est l’entreprise
de demain, sinon on aura un «
rendez-vous raté avec l’histoire et les
adhérents ». On a une économie qui a
changé, le Medef doit
changer.
Compétitif, moderne et entreprenant à l’international,
mais surtout
attractif. Pourquoi ? Parcequ’on est tous confrontés à un
monde en
changement rapide, où l’on perd ses repères, y compris
les
entrepreneurs les plus endurcis. C’est un monde
d’immédiateté,
d’adversité, de complexité. Là-dessus on doit
pouvoir donner du sens et
des repères, et rappeler notre responsabilité. Le Medef
doit apporter
ce sens et aider à retrouver la fierté d’entreprendre et
de perdurer.
Vous avez depuis la
présentation au CESE rallié le programme de
Geoffroy Roux de Bezieux. En quoi son programme se marie-t-il
avec vos propres propositions ?
Dominique Carlac’h :
D’abord la modernité. Geoffroy Roux de Bezieux (GRB) est un
homme
moderne, pragmatique. Il l’a montré dans ses diverses
entreprises.
Ensuite son attachement à « l’innovation
transformante ». Enfin cette
capacité rare et naturelle à savoir détecter les
signaux faibles du
futur et savoir saisir les opportunités qui en résultent.
Donc avec GRB
on a un pilote dans l’avion qui accompagnera les mutations et les
défis
de nos entreprises. On peut s’ancrer à son projet qui donne
davantage
de place à l’économique : l’emploi, l’humain, les
territoires,
l’innovation et la prospective.
Institut
de l’Entreprise : Présentation du programme du candidat Geoffroy
Roux
de Bezieux
Y-avait-il
des raisons non programmatiques pour ne pas maintenir
votre candidature?
Dominique Carlac’h
: Comme je l’ai expliqué, GRB proposait
la même démarche, quelque chose de très similaire.
Mais il m’est apparu
que le mode de scrutin qui nécessite de rassembler les suffrages
des
fédérations ne me permettrait pas d’obtenir sur mon nom
suffisamment de
votes des grands électeurs, d’où la
nécessité de se rallier à celui qui
défendrait le plus l’idée de transformation au sein du
Medef et sur ce
point GRB apportait l’expérience la plus solide. D’où mon
ralliement. Mais quoiqu’il
advienne, nous saurons tous travailler avec celui qui
sera le prochain président car le Medef est une famille
extrêmement
constructive et le débat y reste toujours très ouvert
pour porter la
voix de tous les entrepreneurs de France.
Pour
terminer ce riche entretien, en vous souhaitant que vos
ambitions réformatrices rencontrent l’adhésion de
l’électorat du Medef,
que pouvez-vous nous révéler sur vos prochaines
responsabilités
"sportives" au sein du Medef, sachant que vous allez avoir un
rôle
particulier à jouer pour les JO ?
Dominique Carlac’h
: Les Jeux Olympiques vont en effet être un de nos
grands projets, et là il va s’agir de mise en place puisque
qu’on a
déjà gagné le privilège de les avoir en
France. Que peut-on en dire?
Tout d’abord faisons un point. Le bilan de notre feuille de route c’est
: on est dans les instances, comme administrateurs du COJO
(Comité
d’Organisation des Jeux Olympiques) et membres de Solideo, la
société
en charge de livrer - de délivrer clefs en mains - les
infrastructures
et leur fonctionnement. Donc le monde économique sera bien
représenté pour les JO 2024, et pas seulement en tant que
sponsors.
C’est le résultat du travail accompli depuis 5 ans avec les
membres du
Comité Sport du Medef et ses partenaires, comme le CNOSF
notamment.
Etre dans la décision stratégique et pas seulement comme
donneurs de
millions d’euros c’est une réelle satisfaction. On va organiser
et
délivrer ! Grâce au travail des membres du comité
et avec les équipes
de
collaborateurs du Medef qui étaient vraiment excellents ! On
peut tous
être fiers !
Un
résultat sur lequel le Medef pourra en effet cultiver. Comment
voyez-vous justement le proche avenir dans ce mix de révolution
4.0, de
nouvelle présidence et de préparation des JO qui risque
d’être votre
quotidien ? Ne risque-t-on pas des tensions, des conflits? A tout le
moins une surcharge? En conclusion qu’elle est votre feuille de route,
pour reprendre votre expression favorite?
Dominique Carlac’h
: C’est la bonne question. D’autant
qu’il va y avoir beaucoup de choses qui vont se mélanger. Ce
qu’il me
vient à l’esprit c’est qu’il ne faut jamais
générer une frustration,
quelles que soient les circonstances, quoi que l’on fasse, que ce soit
sur une candidature, sur le travail qui en résulte ou encore sur
un
projet comme les JO. Quelles que soient les circonstances il faudra
intégrer des milliers d’entrepreneurs, secteurs connus comme
secteurs
émergeants, susciter l’adhésion, et obtenir des
résultats. Que ce soit
pour réussir les JO ou pour remporter la présidence du
Medef et rendre
effective cette présidence. Il faudra travailler, nous
réformer, dans
le
sens de l’histoire. Et là notre feuille de route est connue :« aller de la grande entreprise à la
startup
»
. Et
aujourd’hui les grandes
entreprises créent aussi des startups ! C’est une
première grille de
lecture. Ensuite il faudra être représentatifs, avoir des
champions
dans un continuum qui va des plus petites entreprises jusqu’aux plus
grandes. La deuxième grille de lecture est d’« être représentatifs d’une
économie
technologique manufacturière et de services » . Et là, j’ai
un
atout et des troupes nouvelles : les consultants. Intégrer les
consultants c’est un plus, car ils peuvent accélérer les
mutations et
mettre en place le changement. Donc leur place va être
essentielle dans
cet ensemble. «Ils seront les passeurs!»
Propos
recueillis par Bertrand Villeret
rédacteur
en chef, ConsultingNewsLine
Images :
B.
Villeret – ConsultingNewsLine 2018
Sauf portraits, courtoisie de D&Consultants
Whoswoo :
Dominique Carlac'h
Pour info :
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