par Jean Noël Contensou

Candide était un jeune garçon plein de promesses qui n’apportait que des satisfactions à ses parents. Docile et serviable, il croissait tranquillement en âge et en savoir. Son père était un de ces techniciens qui, partis de peu de choses, mûrissent dans le terreau fertile de ces grandes entreprises privées bien sécurisées par des commandes publiques, et capables d’assurer à leurs employés le double avantage d’un emploi sûr et d’un environnement concurrentiel portant naturellement à la compétence. Il s’y était élevé à force de travail en une place où son expérience était reconnue et bien employée. Cette réussite honnête ne lui enlevait pas une certaine clairvoyance. S’il pensait sans fausse modestie faire une bonne carrière, il savait aussi voir autour de lui des gens inexpérimentés, d’un sérieux aléatoire, mais qui pouvaient espérer naviguer dans des niveaux de salaire et de responsabilité qui lui seraient interdits à jamais du fait de ses origines modestes et de ses diplômes trop légers. Il n’en éprouvait pas de véritable amertume, tant il aimait son travail et tant il respectait une hiérarchie dont il profitait lui-même. Il en tirait surtout l’idée qu’il y a d’autres vies possibles, comme il y a d’autres pays, d’autres climats. Que d’autres en profitent, quoi de plus naturel s’ils ont eu la chance d’y naître et d’y prospérer. Ce même sentiment fataliste caractérisait ses relations avec un certain cousin Gérard qui avait eu la chance d’obtenir un diplôme d’ingénieur. Ils avaient été assez liés autrefois, quand l'enfance gommait les écarts de fortune, mais sa belle carrière lui devenait de plus en plus étrangère ...