Carnets de voyage
Juillet-août 2007
Le Dossier Pouchkine
Le Destin
par Jean-François Pré




D’ailleurs, ça vaut aussi pour les tuyaux, ce poison
mortel… le Nutella des gogos. Dès la première tartine, t’es
déjà en manque ! Le vrai joueur est un solitaire qui
n’emprunte ni ne doit rien à personne. Un loup des steppes.
C’est sûr qu’à côté du pesage et de ses salamalecs, la
plage ressemble à une steppe. Une steppe battue par le
vent d’hiver ou il n’y a plus un rat. Juste toi et le cheval,
pardon… le cheval et toi. Les courses sont un plaisir. S’il
ne peut être partagé, c’est tout simplement parce que les
perdants nourrissent les gagnants. Les faibles habillent les
forts. Il ne s’agit donc pas d’onanisme mais d’une jouissance
noble.
Voilà l’essence des courtines.
L’argent ? C’est un fil conducteur, rien d’autre.
J’ai tout lieu de croire que le gars dont vous allez lire
l’histoire était un mec comme ça. Un mec comme moi. Un
joueur… ça c’est sûr ! Pour balancer un manuscrit dans
une poubelle, ce qui revient à lancer une bouteille à la mer
(la mer, la plage…), il faut être rudement gonflé, non ?
Toujours est-il qu’après la der, en allant jeter mes tickets
(j’aurais pu tout autant les éparpiller sur le sol, de rage, au
lieu de les déposer sagement dans le réceptacle idoine,
avec cet esprit civique qui m’honore), j’ai tiré une drôle de
tronche. Il y avait là une enveloppe molletonnée, toute
jaune. D’un jaune qui vous agresse la rétine. C’était la
première course que je perdais (un handicap pourri). Toutes
les autres, je les avais touchées. Plutôt une bonne
journée. Alors, la fleur au lazingue, j’ai saisi cette enveloppe,
toute jaune, toute propre. Croyez-moi, je ne l’ai pas
regretté ! Et vous non plus, quand vous lirez l’histoire de
ce pauvre mec…
Sur l’enveloppe, était écrit au feutre noir :
Le dossier Pouchkine
Une belle écriture, comme je les aime. Derrière des caractères
bien trempés, on sentait une main ferme et
assurée. Ce que j’ai lu me l’a confirmé. Le mec qui a vécu
cette aventure sait défoncer les portes de son destin. Pas le
genre indécis. Et puis, je vais vous faire un aveu. Je n’en
ai pas franchement l’air comme ça, mais la littérature,
c’est un peu mon truc. Quand j’étais lycéen, j’adorais
Pouchkine. Aucun flambeur ne reste insensible à La Dame
de pique, mais avec Eugène Onéguine et Boris Goudounov,
le père Alex m’a également fait aimer l’opéra.
Ok, la minute culturelle est terminée. Revenons à notre
sujet. J’ai donc ramassé l’enveloppe, puis j’ai lu ce truc
extraordinaire. Une histoire pareille, ça m’a fichu les boules
! Je me suis dit : "Mon vieux, il faut que tu transformes
l’essai. Le type a jeté son manuscrit comme une bouteille
à la mer, il s’est remis entre les mains du destin et le destin…
c’est toi."


Jean-François Pré
Le dossier Pouchkine
Editions Publibook, Paris 2007


>>>>>   extrait n°3


Copyright Jean-François Pré 2007
pour  ConsultingNewsLine
Extraits du Dossier Pouchkine :
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