Carnets de voyage
Octobre 2010

Françoise Thibaut  

Maud et Mathis

— Et je n’ai pas d’enfant, pas de famille du tout… hormis un neveu. Mon unique beau-frère est mort avec sa femme dans un accident, il y a longtemps… J’aimerais faire une donation à mon neveu, il est seul dans la vie, je pense que le moment est venu… Il faudrait que vous m’expliquiez…
Elle laisse la phrase en suspens, attendant le paquet de phrases professionnelles aptes à résoudre son problème,
— Quel âge a-t-il ?
— Il aura bientôt trente ans…
— Dans ce cas, aucun problème, s’il avait été mineur…
Et il se lance dans les difficultés apportées par la minorité des bénéficiaires ; elle coupe :
— Oui, mais ce n’est pas notre cas…
— Exact.
Il est penaud ; vraiment, il n’aurait pas dû s’égarer par là ; cette bonne femme, il ne faut pas la balader dans les salades. Il décide d’être sérieux, et entame la vraie négociation,
— Bon, reprenons du début… Pouvez-vous me donner votre identité et vos coordonnées, madame, s’il vous plaît ?
Il pianote sur le clavier d’ordinateur au fur et à mesure qu’elle débite son pedigree et le numéro de son compte courant. Avec cela, au prix de pianotements successifs dans lesquels il se goure un peu et qui prennent un peu de temps dans un silence opaque, que ni l’un ni l’autre ne comblent, il découvre des tas de fric, placés sur des avoirs judicieux, des dépenses raisonnables, et un magot avenant.
— Et vous voulez lui donner combien, à votre neveu ?
— Eh bien, je ne sais pas… c’est vous qui allez me le dire, en fonction de la fiscalité et des formalités… Je voudrais que ce soit simple et rapide – elle soupire encore – ce pauvre Freddy n’a pas beaucoup de cervelle, et je crains
qu’il ait quelque difficulté à subvenir correctement à ses besoins…
— Au lieu d’un don brut, vous pourriez lui faire une pension… ce serait peut-être plus approprié…
— Ah ! ça, c’est une idée ! Je n’y avais pas pensé…
— Ou peut-être les deux : un don brut, moins important que celui auquel vous avez éventuellement pensé, quitte à le renouveler dans quelque temps, et une petite pension mensuelle ou trimestrielle, lui permettant de boucler ses
fins de mois… Que fait-il ?
— Je ne sais pas au juste ; il me semble que ça change souvent… et je crois qu’il a repris des études… Vous savez, c’est le genre éternel étudiant…
— Oui, je vois… qui ne s’attaque pas vraiment aux réalités de la vie. Il y en a beaucoup comme cela par les temps qui courent…
— Oui… Ce n’est pas comme vous… Vous êtes en plein dedans…
Elle le flatte un peu pour bien le disposer ; mais en fait, c’est plus que cela : elle le trouve sympathique, et pas du tout banquier… du moins pas du tout comme ceux auxquels elle a déjà eu affaire…
— Bon, écoutez… Ce n’est pas d’une urgence folle, mais j’aimerais que ce soit tout de même ficelé assez rapidement.
— Je comprends…
— Réfléchissez, et voyez en fonction de mes avoirs… ce qui est possible… Je vous répète… Quelque chose de simple pour ce pauvre Freddy, et qui échappe à Bercy…




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