Carnets de voyage
Août 2009 Gilles Hanauer N'apprend rien d'eux, sinon tu vas mourir 7 Contre-temps Leboeuf m’expliqua ensuite les subtilités des horaires variables, des vacances, des RTT, de la pause déjeuner. « Attention, hein ! Quarante-cinq minutes et décomptées. » A croire que toute l’entreprise n’était qu’une pointeuse occupée à traquer le temps de ses employés. Puis vinrent la mutuelle, l’assurance décès, la carte transport, le forfait kilométrique. Leboeuf, hésitant, fit l’impasse sur la colonie de vacances à la montagne et à la mer, « puisque vous n’avez pas encore d’enfants, n’est ce pas ». Je sentis que ce « n’est ce pas » renfermait une part d’interrogation concernant mes intentions sur le sujet, voire un subtil avertissement. A l’école, on nous avait avertis : les employeurs en général n’aimaient pas trop embaucher de jeunes femmes car, à tous les coups, c’était le bébé dans les deux ans : pas rentable. Puis Leboeuf se leva, marquant ainsi la fin de l’entretien. Nous n’avions ni parlé du service que j’allais intégrer, ni du contenu du job, ni de la hiérarchie, ni du Département, ni des perspectives, ni de mon training, ni de moi, ni de rien. Avais-je le droit de piquer une crise de nerf ? — Mademoiselle Lou, vous verrez tout cela avec votre responsable, ne vous inquiétez pas, tout se passera bien. Pourtant jusque-là j’avais toutes les raisons de m’inquiéter. Je n’avais rencontré aucune sympathie, aucun support et je n’avais vu que des gens bornés, égoïstes. Oui, je m’inquiétais. Je n’avais plus qu’à débarquer chez mon chef et reprendre tout à zéro. Leboeuf décrocha son téléphone : — Passez-moi Vanina Bilous s’il vous plaît. Oui j’attends. Et en posant la main sur le récepteur, il chuchota à mon attention : « C’est votre chef ». Puis une voix ouatée s’entendit dans le téléphone, incompréhensible. Le visage de Leboeuf s’affaissa et il fit pivoter son siège vers le mur, me tournant le dos. — Ah ! Bien… Je vois… C’est quand même un peu dommage, hein… Non… Tant pis… Je vais lui expliquer. Pas facile… Un frisson courut soudain le long de mon échine. Un bug, un problème grave, remettait mon embauche aux calendes grecques ! Le Responsable du personnel raccrocha, se racla la gorge en pivotant vers moi. — Il y a un petit problème, chère Mademoiselle, dit-il en baissant les yeux. — J’ai cru comprendre, croassai-je. — Rien de grave, rien de grave… — Je ne suis plus embauchée ? Il me regarda surpris. — Qu’allez-vous chercher ! MéGaGloB’S n’a qu’une parole ! Il s’agit juste d’un détail contrariant : il faudra revenir demain car aujourd’hui Vanina Bilous, votre future responsable, est en congés. Demain vous serez en pleine forme pour rencontrer votre nouvelle équipe. Vous verrez, ils sont formidables ! J’ai cru mourir. Pendant que Leboeuf faisait le tour de son bureau pour me saluer, j’aperçus la face cachée du cube près de l’ordinateur : c’était un couple de gens âgés se tenant par les épaules. >>>>> extrait
n°8
Quantorg 2009
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