Au temps premiers de l’aviation, les "merveilleux fous volants" assumaient tous les rôles. Ils étaient concepteurs, ingénieurs, constructeurs, pilotes de leurs propres machines. Et d’abord pilotes d’essais. S’inspirant pour la plupart du vol des oiseaux, ils tentaient comme eux de quitter le sol et de s’élever dans les airs. Tel fut le cas de Clément Ader. Peut-être convient-il de préciser que le fait qu’Ader ait « quitté le sol » en 1890 ne fait plus guère question.

Depuis le premier envol de l’Eole, Ader travaille en quelque sorte sous contrat pour le Ministère de la Guerre, qui finance ses recherches. Il s’installe sur le terrain militaire de Satory, non loin de Versailles, y effectue encore quelques essais avec l’Eole, puis passe à l’Avion n°3, bimoteur avec des hélices contrarotatives, qui tournes en sens inverse l’unes de l’autre, afin de supprimer le couple dû aux moteurs. Lorsqu’une hélice tourne, en effet, elle produit un couple qui est fonction de son sens de rotation et qui a tendance à soulever l’avion d’un côté, à le faire dévier de sa trajectoire... Avec deux hélices contrarotatives, la stabilité de l’Avion devait être bien meilleure, s’est dit Ader, qui procède toujours de manière rationnelle, après mûre réflexion...

En dépit de cela, les choses ne se passent pas très bien. Le Ministère de la Guerre  s’impatiente, car la réalisation traîne en longueur, et les généraux qui font partie de la commission de contrôle pressent Ader de réaliser une démonstration. Celle-ci a lieu en Octobre 1897, dans des conditions météorologiques défavorables, avec une turbulence, un vent soufflant en rafales. Mais la date est impérative, si l’inventeur veut respecter le contrat qui le lie aux militaires. L’essai se déroule sur une piste circulaire...

Comme l’Avion adopte une trajectoire circulaire, vient un moment où le vent souffle perpendiculairement à celle-ci...

Ader dévie, sort de la piste...

Germain Chambost
Pilotes d’essais, le goût du risque calculé
Editions Alti Presse, 2005