Cabinet
Juin-juillet  2005  
Special Le Mans 2005
Management de crise:  "l'affaire Indianapolis"
Par Bertrand Villeret et Olivier Chaduteau
Alors que Michelin vient de gagner les 24 Heures du Mans pour la 14ème fois, le Grand Prix des USA met le manufacturier Clermontois à rude épreuve. Une analyse détaillée de la situation montre pourtant qu'il n'existait guère d'autres solutions pour lui et qu'à contrario ni les organisateurs, ni le concurrent direct du fabriquant français n'ont vraiment pris la mesure de l'événement à la hauteur de son contexte sociologique. C'est ce qui apparaît dans deux approches convergeantes: celle "historique" du journaliste et celle "managériale" du consultant


Partie 1: approche journalistique

Il est bientôt 20 Heures ce dimanche 19 juin. Les 24 Heures du Mans se sont terminées il y a près de 4 heures. Quatre heures que personne n'a vu passer après une semaine arasante et deux tours d'horloge épuisants. Podiums et conférences de presse se sont succédés avec les vainqueurs des diverses catégories … interviews, photos, champagne … Tom Kristensen a remporté sa 7ème victoire, comme en atteste la rumeur aux accents danois qui s'élèvent dans la salle de presse. Chacun se congratule, chacun envoie qui à un japonais, qui à un anglais un petit signe fatigué indiquant que "bon on se revoit dans un an" ...  La salle de presse commence à se vider lentement. Les plus décalés en fuseau horaire n'hésitent pas à s'endormir sur leurs consoles, les autres quittent le circuit envahi par le soleil et la poussière, en traînant les pieds. Les portables se font lourds, les téléobjectifs très pesants… Personnellement je reste dans la salle de presse climatisée en pensant à ma voiture qui est garée très loin, vraiment très loin. Une vielle habitude. Un confrère du mensuel  Le Mans Racing attire mon attention vers l'écran d'un moniteur. Le Grand Prix des USA à Indianapolis va être lancé dans quelques secondes. Enfin une course où il ne risque pas de se passer grand chose…pour nous...

Las, une catastrophe médiatique se met tranquillement en place sous nos yeux fatigués. Un de ces shows que seule l'Amérique a l'art de savoir concocter… Il ne s'agit pas du n-ième avatar des revêtements thermiques d'une navette spatiale agonisante mais plutôt du premier "Bide" planétaire organisé en Formule 1 (quoique certains confrères prétendent qu'il y en a eu d'autres) et il apparaît rapidement difficile de se sentir indépendant de la débâcle qui se déroule sous nos yeux car à l'origine du problème et bien involontairement on trouve les pneumatiques du manufacturier Clermontois qui vient justement de gagner Le Mans.


Résumé des événements
Après l'éclatement d'un pneu Michelin sur la Toyota de Ralph Schumacher à l'entrée d'une courbe très rapide (le Banking, virage relevé) conduisant à une violente sortie de route, Michelin informe les 7 écuries utilisatrices de ses enveloppes du risque qu'il y aurait à prendre part à la course. Cet événement fait suite à un incident identique l'année précédente au même endroit pour Ralph Schumacher et à un problème de pneumatiques rencontré sur la MacLaren de Kimi Raïkkonen sur le circuit du Nürburgring quelques semaines auparavant. Découvrant une fragilité inattendue sur ses enveloppes Michelin qui équipe plus de la moitié du plateau procède à l'envoi de nouveaux pneus plus durs en provenance de Clermont-Ferrand. Toutefois les autorités de la F1 n'acceptent pas l'installation de ces nouvelles enveloppes en raisons du nouveau règlement (visant à réduire le coût de la F1) lequel stipule que les écuries n'ont droit qu'à 4 trains de pneus par course et que ceux-ci sont utilisés pour les qualifications et pour la course. Que d'autre part les gommes retenues  pour la course doivent être désignées avant le début du week-end. Et qu'enfin le départ de la course et les qualifications sont réalisées avec un seul et même train de pneu qui doit être désigné avant le samedi 8 Heures. Aussi le remplacement des gommes proposé par Michelin (représenté par Pierre Dupasquier et Nick Shorrock) n'est pas réglementaire. La FIA (Max Mosley) n'ayant donc pas retenu cette première solution de Michelin, le manufacturier Clermontois en collaboration avec les écuries qu'il équipe aurait proposé l'installation d'une chicane à l'entrée du Banking afin de ralentir les véhicules et limiter l'échauffement des pneus dans cette courbe très rapide. Les organisateurs du circuit (représentés par Charlie Whiting, Directeur de Course et Tony Georges, propriétaire du Speedway d'Indianapolis) n'auraient pas retenu cette solution qui ne présente aucune garantie pour eux. Continuant à négocier jusqu'aux 20 dernières minutes précédant la course les 7 écuries utilisant les pneus Michelin (contre 3 équipées en Bridgestone) auraient alors proposé de renoncer à leurs points et auraient invité les écuries équipées en Bridgestone à occuper les premières places de grille. Proposition acceptée par Jordan et Minardi. Enfin une consigne visant à changer les pneus dans des délais courts aurait été évoquée, sans que la presse ne puisse savoir si en quantité cela était réalisable. Finalement aucun accord n'aurait malheureusement été trouvé, notamment et prétendument en raison du refus de Ferrari d'aller dans le sens de ces propositions, Ferrari qui elle même avait été confrontée et pénalisée dans les courses précédentes par des problèmes de tenue de ses pneumatiques.

Au bout du compte, certainement pour éviter certaines amendes prévues par le réglement et certainement pour tenter de satisfaire à minima le public, toutes les voitures s'alignaient sur la pré-grille dans l'ordre établi aux essais. Mais après le tour de chauffe les 7 écuries équipées en Michelin, soit 14 voitures sur 20 abandonnaient, sans prendre le départ devant un public Yankee abasourdi et quelque peu furieux. Selon la presse américaine Michelin se serait proposé très sportivement de rembourser le public soit quelque 120 000 spectateurs à plus de 100 Euros la place, bien que ce point ne soit pas confirmé sur le site internet du manufacturier français au moment où nous rédigeons ces lignes (confirmé par la suite).


Disymétrie entre F1 et Endurance
S'il est un circuit ou les éclatements et les déchapages sont redoutables, c'est bien Le Mans en raison des hautes vitesses qui y sont rencontrées sur des durées très longues et sans commune mesure avec la F1. A titre d'exemple cette année le début de course a vu l'éclatement d'un pneu Pirelli sur la WR n°24 du japonais Yojiro Terada,  et pas mieux sur la Pescarolo 17 dans les Hunaudières, une Pescarolo qui était équipée en Michelin tout comme la Corvette 64 victorieuse en GT1 qui enchaîna pourtant les crevaisons. Crevaison aussi sur la Ferrari n° 69 chaussée en Pirelli et enfin explosion très impressionante à plus de 300 Km/H sur
la Courage n° 13 équipée de gommes Advan (Yokohama) à l'entrée du virage dit "d'Indianapolis"... ça ne s'invente pas. On peut s'arrêter là car il serait trop long de donner la liste complète des incidents de course mais il est clair que le point de vue des organisateurs manceaux sur l'aspect "sécurité" est des plus qualifié sur la question de même que leur point de vue sur la décion américaine de lancer une course avec seulement 6 voitures au départ devant un public visiblement peu informé. Ainsi, dés le surlendemain dans le journal L'Equipe, Daniel Poissenot, Directeur de course des 24 Heures du Mans donnera avec prudence un avis qui va dans le sens du respect de l'événement et de l'équité, et qui contredit donc la décision américaine,  mais qui souligne aussi l'ambiguïté d'une décision qui lèse les équipes pouvant prendre le départ. Ainsi notre confrère L'Equipe rapportait les propos suivants:

 "je dois dire qu'il m'est très difficile de m'exprimer sur ce qui se passe en F1. Mais au delà de cela, ce qui est sûr - et d'ailleurs c'était notre cas pour cette édition des 24 Heures du Mans - à partir du moment ou l'on constate la suprématie d'un manufacturier de pneumatiques, on en devient dépendant. Il est clair que pour un organisateur de course, dés lors que tout le monde n'est pas à égalité, il vaut mieux arrêter la course. Sinon, c'est dommageable pour tout le monde. Pour les équipes, pour les organisateurs et surtout pour les spectateurs, donc pour l'événement. Nous, cette année, nous avions 24 concurrents équipés de pneus Michelin sur les 49 au départ. Imaginons que Michelin décide de ne pas courir, pour des raisons de sécurité comme dans ce cas ou pour d'autres, on aurait dû alors partir avec 25 voitures, nous n'organisions pas la course. On aurai pris la décision de déplacer la course ou… Mais on ne court pas Le Mans à 6 ou 12 ou 25 voitures. C'est une mascarade sinon. On aurai géré de toutes les façons. On aurait considéré et réfléchi s'il y avait eu des réclamations de concurrents capables de prendre le départ, eux, normalement. On aurait pensé à quelque chose, respectant la philosophie au Mans, qui veut que l'égalité prime pour tout le monde".
                                                
Journal L'Equipe, Page 13, mardi 21/06/2005

Bien sûr au Mans le facteur temps est à l'avantage des organisateurs puisqu'entre les préliminaires et la longue période d'essais il est possible d'évaluer certains risques et prendre certaines décisions, voire prendre la mesure d'un retrait technique décidé par un équipementier. Un Timing qui n'existe malheureusemnt pas en F1, où tout se joue en quelques heures pour des équipes qui arrivent dans un pays pour repartir très vite dans un autre. Maintenant, si ce facteur temps est avantageux pour les essais manceaux il devient redoutable en course car là, Le Mans dure 24 heures, et comme on l'a vu certaines années des "vagues" de déchapages peuvent apparaître, en pleine course (2002 par exemple) tout comme des  "décollages" à répétition tel qu'on a pu le voir en 1999 avec les Mercedes alors que Marcel Martin était le Directeur de Course, et qui montrent que l'organisateur peut difficilement palier les erreurs d'exploitation des écuries. La course lancée, un retrait technique de certaines écuries est alors imparable. Mais avant la course et dans le cas d'un retrait massif d'écuries utilisant un équipement défectueux, le choix au Mans aurait vraisemblablement été de reporter l'épreuve, comme cela est suggéré, notamment parceque l'ACO qui édicte sont propre réglement est aussi l'organisateur de sa propre course, ce qui
a deux conséquences: d'une part un règlement qui présente une cohérence opérationnelle et d'autre part une plus grande lattitude dans l'action. Or en F1 le réglement est fixé par la FIA avec une pression forte des écuries et des équipementiers qui fournissent les Teams et il faut prendre en compte les intérêts et l'interraction obligée du Marketer du "produit F1", Bernie Ecclestone et son organisation, qui restent indépendants du pouvoir sportif ou des intérêts locaux. Aussi, on est allé dans le sens d'une réduction du nombre de trains de pneus utilisables pour raisons économiques sans que n'ait visiblement bien été pris en compte les conséquences pour les exploitants de circuits qui se sont retrouvés dans une situation qu'il n'ont de toute évidence pas sût  gérer. Et là, les équipementiers, peut-être en alliance de bonne intelligence avec les écuries ont une part de responsabilité. Dans le Press Pack de Michelin, Pierre Dupasquier, Directeur Compétition de Michelin et spécialiste incontesté indique:

« Michelin apporte son soutien total à l’idée d’un pneu qui dure la distance totale d’une course – en fait, c’était même l’idée que nous avons proposée en 2004 ! Ce concept permet d’économiser de l’argent, puisque les écuries consomment moins de pneus au cours d’un week-end de Grand Prix. Il participe aussi à la campagne de la FIA pour réduire la vitesse de passage en courbe, puisque nous serons obligés d’adopter des constructions de pneus plus dures dans le but de les faire durer plus longtemps, et cette nouvelle architecture de pneus réduira la vitesse. »


Principe de précaution
Indianapolis, qui a raison, qui a tort ? Bien difficile de le dire et quelque part ce n'est peut-être pas la bonne question.  Il est clair que dans cette affaire les équipementiers sont allé dans le sens d'un nouveau réglement qui a marqué très vite ses limites. Il est clair ausi que pour Michelin ses pneus étaient à l'origine du problème. Toutefois il est clair aussi que Michelin a appliqué un "Principe de Précaution" et s'est attaché à proposer des solutions pour le public,  et les écuries. Il est clair aussi que les intérêts et les environnements réglementaires des diverses parties prenantes étaient suffisamment complexes et divergeants pour qu'aucune solution vraiment satisfaisante ne puisse émerger dans le très court délai imparti. Pour les organisatieurs, la mise en place rapide d'une chicane n'était certainement pas jouable, les conséquences de ce Revamping du circuit qui en aurait résulté étant assez aléatoires: quel effet réel pouvait-on en attendre au global, quels dangers pour les pneus si l'on pense qu'une chicane est à priori bordée de vibreurs ou de quilles, sans compter sur le problème de gestion par les commissaires de piste d'un tel nouveau tracé: visibilité, distances de freinage, engorgement de la piste, position des dépanneuses... Le moindre incident eût été de la responsabilité de l'organisateur dont on n'aurait pas manqué de souligner la"légertée" dans cette évolution inattendue... La "monte" de nouvelles gommes proposées par Michelin posait un problème d'équité pour le pouvoir sportif (FIA). A ce niveau les enjeux sont tels que la FIA n'aurait pu résister à la moindre réclamation. Seul un accord entre équipes "obtenu à l'unanimité" (bonjour l'Europe) aurait permis une solution technique. Il est dit que Ferrari, qui a été durement pénalisé par ses gommes Bridgestone cette année, n'aurait pas souhaité aller dans ce sens. Est-ce vrai?  On trouve donc dans le Grand Prix des USA tous les ingrédients de ce que l'on appelle en Management une "Crise": nouveauté d'un contexte (règlement ici), incident non envisagé, délais courts, conflits d'intérêts, conflits réglementaires, complexité des solutions, multiplicité des décideurs. Qui pouvait agir? Comment s'est pris "la" décision? Y a-t-il eu "une" décision commune ou "des" décisions individuelles? Comment a-t-on communiqué sur ce qui était bel et bien une "crise"? Quid du public, quid du consommateur in fine? Au bout du compte, et en fonction de leurs décisions qu'en est-il ressorti pour chacun des protagonistes? Rappelons que dans ce type d'événement l'aspect sportif n'est pas le seul en cause. Il existe en général un contexte historique et des éléments sociologiques sous-jacents qui n'apparaissent pas à première vue mais qui expliquent le cadre éthique dans lequel chacun avance ses solutions. Rappelons ainsi pour mémoire qu'il existe un contexte sécuritaire "très lourd" concernant les pneumatiques aux USA auquel Michelin, Leader mondial du pneu et Leader sur le marché américain, ne pouvait échapper et qu'il a de toute évidence pris en compte, avec discretion. Rappelons le, et les choses deviennent dés lors un peu plus claires.


De Firestone à Bridgestone
En l'an 2000, il n'y a donc pas si longtemps que cela, Firestone, un des trois grands manufacturiers US avec BF Goodrich et Good Year, à la suite d'éclatements à répétition sur les pneus "grand public" qui équipaient le modèle de voiture 4X4Ford Explorer (750 accidents, 100 blessés, 62 morts selon notre confrère l'Usine Nouvelle) s'était vu obligé de rappeler 6,5 millions de pneus, pas moins, pour un coût de 350 Millions de dollars. La marque n'en était pas à son premier Flop puisque qu'elle comptait déjà pour 3 des 4 plus grands rappels de produits qu'aient connus les USA et qu'une crise similaire en 1978 avait conduit à des difficultés financières qui devaient aboutir en 1988 au rachat pur et simple de la marque centenaire par le groupe japonais… Bridgestone, numéro 2 mondial, juste derrière Bibendum. Aussi on imagine mal une décision qui, au delà de la sécurité des pilotes, aurait pu conduire à porter atteinte à une certaine image, voire une certaine pédagogie sécuritaire envers un public déjà bien échaudé. En ce sens la décision de Michelin était juste et sans appel:  "pas de risque non maîtrisé pour les pilotes, pas d'exemplarité fâcheuse envers le public". C'est du moins ce qui semble voir été  le "point de vue" de Clermont-Ferrand. Aussi dans cette "Affaire Indianapolis" on est en droit de se demander si au bout du compte les organisateurs et le concurrent direct de Michelin, la société Bridgestone, n'ont pas raté une belle occasion de montrer qu'il existe une solidarité décisionnelle lorsque des enjeux sportifs rejoignent les enjeux sociétaux. On est même étonné que dans cette Amérique sécuritaire on ait pu gérer aussi médiocrement cette crise sans qu'un consensus n'ait pu apparaître et qu'il n'ait été procédé à communication vers le public sur le sujet. Parcequ'au bout du compte la compétition sportive, quel qu'elle soit, n'est jamais qu'une représentation de la société, un raccourci, une simplification, une tragédie grècque mélangée aux jeux du cirque romains: lieu, tempo, règles, hérauts …  mais aussi morale!.. Dés lors, et pour tout dire, si l'on a beaucoup évoqué la décision de Michelin, c'est plus l'absence de commentaire de Bridgestone allant dans le sens de la décision de Michelin qui aurait du être le véritable sujet d'interrogation. Maintenant il est clair que Ferrari, écurie phare pour le manufacturier japonais et qui n'a pas à "rougir" de ses succès légendaires,  mais dont la saison catastrophique était imputable en partie à la nouvelle réglementation et certainenment à des performances de ses gommes
perfectibles (abandon de Michael Schumacher et retrait de Rubens Barichello par mesure de précaution en Espagne) avait tout intérêt à mettre le pouvoir sportif face à ce qui pouvait apparaître pour des "élites du métier" comme des contradictions… même si c'était malheureusement pour, au bout du compte, remporter une pâle victoire dans une "non-compétition" et  passer à côté d'une occasion unique de faire preuve d'un "surcroit de civisme". Ces éléments ont-ils réellement joué dans l'attitude que la presse sportive prête à cette écurie? Difficile de l'évaluer. Maintenant le "Go it alone" qu'a démontré Maserati, autre marque prestigieuse du groupe FIAT sous la responsabilité des même hommes,  lors de son retour en Endurance, et qui pour la "petite histoire" se serait essayé maladroitement à vouloir contourner le règlement de l'ACO, plaiderai plutôt dans ce sens. Qu'en est-il ? On a jamais deux fois l'occasion de donner une bonne première impression. Bon, maintenant on pense ce que l'on veut et personne n'est obligé d'être solidaire des grands enjeux pour l'humanité. Ce qui, quelque part est certainement dommageable. Aussi de notre point de vue, nous sommes portés à considérer qu'en ce dimanche 19 juin 2005 Michelin est loin d'avoir démérité, que ce soit en prenant la décision qui a été la sienne aux USA ou que ce soit en remportant très brillamment la 73ème édition des 24 Heures du Mans, raflant la victoire dans 3 des 4 catégories, ce qui porte à 14 son nombre de victoires absolues dans la classique mancelle. En 1923 lors de la première édition des 24 Heures, Bibendum veillait déjà à l'équipement de la Chenard & Walker victorieuse. Et pour ceux qui pense que Ferrari n'a peut-être pas saisi l'occasion de faire preuve d'élégance, ils pourront toujours se conforter en se disant que la dernière victoire absolue au Mans du Cavalino Rampente date de 1965,  il y a malheureusement déjà 40 ans!.. Ceci dit, le cheval cabré a tout de même raflé de manière répétitive les derniers championats du monde de F1 et s'il est intéressant de chercher de mauvais arguments chez l'adversaire, il convient de ne pas inverser les rôles. Ainsi, les gommes Bridgestone n'étaient pas en difficultés aux USA, ni les équipes qui les utilisaient, lesquelles tout au contraire n'avaient pas de raison d'envisager de perdre des points un jour où justement leur équipement se révélait meilleur. Car au delà des sentiments et des raisonnement contradictoires, c'est bien de cela qu'il s'agissait: marquer des points, ce qui est le B-A-Ba du sport, et mettre en avant les équipementiers qui avaient sût se différencier dans ce cadre compétitif, puisque c'est bien là tout l'enjeu économique qui sous-tend le financement de ce sport. Ainsi, au bout du compte, le seul à avoir été laisé aura été le public... Ce qui est bien étrange puiqu'il est le seul à pouvoir apporter la caution morale autant qu'économique à l'ensemble... Car c'est bien à lui que l'on demande de s'interresser à la chose et c'est bien à lui que l'on vend ultérieurement les marques qui apparaissent sur les véhicules. Dans la boucle de rétro-action socio-économique  on ne voit plus très bien quel est son rôle. Peut-être celui d'éternel cochon de payant... Le rembourser devenait dés lors un acte d'amortissement à minima.  Normal pourrait-on dire pour un fabricant de pneumatiques. Mais les fournisseurs n'ont à priori aucun engagement contractuel envers le public.


Management de crise
Bien au delà du reporting des faits, pour lequel nous n'avons pas la garantie qu'ils soient exacts, et au delà de la situation qui elle, est par contre "bien réelle", avec sa dimension sociologique assez peu claire à décrypter, quels enseignements peut-on tirer de cette "Affaire Indianapolis" du point de vue de la "Gestion de Crise" et de la "Communication de Crise"? Que peut-on en tirer en se mettant dans la situation du consultant qui va devoir conseiller le pouvoir sportif, l'organisateur de la course, l'équipementier en cause ou son concurrent, ou encore telle ou telle écurie ?... situations qui sont, somme toute similaires à celles rencontrées par les consultants lorsqu'ils prêtent conseil aux entreprises et aux pouvoirs publics dans le cadre de crises industrielles, de crises liées au rappel de produits, ou encore d'accidents majeurs...  C'est ce que nous dit en partie 2 Olivier Chaduteau, fondateur du cabinet Day One, Chroniqueur de ConsultingNewsLine pour les questions de Management et de Marketing. Olivier Chaduteau
qui a officié au SIRPA en 93 où il a contribué aux  plans de communication de la reprise des essais nucléaires français dans le Pacifique et qui a rejoint Arthur Andersen en 99 en tant que Directeur Marketing, Communication et Business Development possède en effet de bonnes connaissances "expérimentales" en Management et Communication de Crises. Olivier Chaduteau limite son analyse à la position de Michelin, l'analyse de celle de l'organisateur du Grand Prix ne pouvant être méthodiquement réalisée faute de données vérifiées suffisantes.


Bertrand Villeret
Rédacteur en chef, ConsultingNewsLine





Partie 2: approche manageriale


Le Grand Prix d’Indianapolis aux Etats-Unis rassemble, à lui tout seul, bon nombre d’ingrédients d’une crise. Tout d’abord, ce qu’on appelle crise ici, concerne tout problème majeur risquant de mettre en cause la pérennité de l’entreprise, son image, ses fondements et implique toutes les parties prenantes (Stakeholders) de l’entreprise. Face à cette définition, il existe, tout d’abord ce que nous appellerons les éléments endogènes à la crise que sont  la complexité de la situation, le nombre des acteurs en jeu, la vitesse et l’urgence et la situation (brutalité et soudaineté d’apparition de l’événement et nécessité de prises de décision en urgence)… auxquels s’ajoutent à un vitesse encore plus folle, due aux éléments exogènes, le « harcèlement » possible des médias, la réactions des clients, des fournisseurs, voire des concurrents… Et on le voit bien dans la crise qu’a connue le Grand Prix d’Indianapolis, le nombre de  Stakeholders en présence est très important, équipementiers, écuries, organisateur de la course, législateur (en effet, les règlements et lois qui régissent ce type d’événement sont très importantes et ont un effet pouvant aller bien au-delà de ce week-end de crise), mais aussi, un grand oublié, le spectateur qui, ainsi que nous le rappelle Bertrand Villeret dans son article, n’a pas été averti et à subi en direct, les effets de la non entente des acteurs sus cités. Toutefois, au-delà des acteurs proches de la crise, il y a aussi tous ceux qui, non présents, ont un impact non négligeable dans la prise de décision. Les clients tout d’abord, un impact négatif sur le GP peut se ressentir dans les ventes, les actionnaires aussi, (petits et grands) qui acceptent, comprennent ou non, soutiennent ou non les décisions du management, les salariés enfin, qui travaillent au sein de chacune des entreprises et qui, à défaut d’être toujours derrière leur marque, sont derrière leur petit écran à rechercher au-delà du spectacle, un élément de fierté supplémentaire, de reconnaissance car, à l’instar des grands sports et grands événements, en F1, la victoire d’un homme est avant tout la victoire d’une équipe toute entière. Toutes ces parties prenantes et bien d’autres éléments encore, mais qui, pour des raisons de confidentialité ne sont pas en notre possession, sont à prendre en compte pour prendre ou essayer de prendre la bonne décision dans un contexte de crise, qui, par définition est toujours un contexte d’urgence. En effet, tout amène ici le dirigeant à se trouver dans une situation dans laquelle il reçoit «mille informations, de mille sources et à mille à l’heure» avec une nécessité de comprendre puis d’arbitrer en fonction des priorités et enfin de décider en quelques minutes.

Dès lors, et pour simplifier la situation d'Indianapolis, 4 grandes stratégies de communication de crise s’offrent à lui :

- Le silence et la non communication : ce qui, eu égard à la sur-médiatisation des grandes entreprises et de leur dirigeant est vraisemblablement une stratégie à éviter car des plus risquées. Il ne faut pas oublier que ne pas communiquer, c’est laisser les autres le faire à sa place. Ce qui n’est pas sans risque de rumeur et en tous les cas de non maîtrise de ce qui ce dit sur vous ou votre entreprise.

- La certitude de tout maîtriser : faire penser que l’on maîtrise tout. Stratégie hautement risquée en cas de crise, car comme nous venons de le voir, la quantité d’information et d’intervenants mais aussi de paramètres endo ou exogènes est importante. Cette certitude improbable et dangereuse peut avoir des impacts graves sur l’image de l’entreprise, surtout à ce niveau dit, d’expertise.

- Le « two-step flow » : cette stratégie mise en évidence par Paul Lazarsfeld en 1948, consiste à utiliser une tierce personne pour influencer sa cible, est efficace si et seulement si la tierce personne en question a réellement un caractère, une compétence ou une personnalité qui peut influencer les cibles en question… souvent des experts, des gourous, des personnalités, des universitaires… pour commenter et informer le ou les publics de la situation. Dans le cas d’un crise, eu égard à la quantité d’intervenants, ce n’est pas, une fois encore, une tierce personne qu'il faudra trouver, mais x tierces personnes, ce qui rend l’exercice difficile, d’autant plus, rappelons de nouveau le caractère d’urgence de ce type de situation.

- La transparence : l’entreprise essaie de s'en tenir aux faits, le plus souvent les siens ou tels que définis par elle-même et les communique très largement à l’ensemble des parties prenantes.


Une transparence à l'avantage de Michelin
De plus en plus, les marchés réclament plus de transparence dans les comptes, mais aussi lors de situations de crise, ce qui n’est pas toujours facile eu égard, une fois encore, à la complexité et à la vitesse de la prise de décision. Ce qu’on peut noter dans le cas présent, c’est le choix de Michelin de garder sa ligne de conduite et de communication sur un de ses axes majeurs qui est la «sécurité». Et ainsi, que le rappelait Bertrand Villeret dans son article, la sécurité, tant d’un point de vue légal, que commercial ou encore d’image qui est très important sur le marché des pneumatiques, non seulement aux Etats-Unis, mais aussi dans le monde. Adosser ses réflexions et décisions à cet axe là (et une fois encore sans aucun jugement de valeur ni prétention à dire qui à tord ou qui a raison) permet à Michelin, d’afficher non seulement une transparence dans sa communication, mais surtout d’être parfaitement en cohérence avec son positionnement … et en communication, le manque de cohérence est souvent mal perçu par les marchés et les collaborateurs, car synonyme de manque d’assurance, de crédibilité et surtout de sincérité. Elle permet aussi aux parties adverses de casser l’argumentation en un rien de temps.

Donc pour le cas présent c'est le choix de la transparence et de la cohérence qui a été fait, à l'avantage de Michelin.  Seul le temps nous permettra de voir quels arguments ont prévalus et si l’année prochaine, des changements de réglementations, de chicanes, de pneumatiques ou de participations seront intervenus comme une suite logique à cette crise du Grand Prix d’Indianapolis.

Olivier Chaduteau
Associé, fondateur du cabinet DayOne


Pour plus d'info sur la communication, le marketing et le management: Cf:  La Chronique d'Olivier Chaduteau


Pour Info:
http://www.dayone.fr

www.michelinsport.com/




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BV

OC



















TK
Tom Kristensen remporte pour la 7ème fois les 24 Heures du Mans sur une Audi équipée de pneumatiques Michelin. En 2005 le manufacturier Clermontois rafle la victoire dans 3 des 4 catégories de la classique mancelle et porte à 14 le nombre de
ses victoires sur le circuit de la Sarthe.En 1923 pour la première édition de la course Michelin équipait déjà la Chenard & Walker victorieuse




 















































Pneu
Pneu d'endurance  Slick
(sol sec)



Pneu
Pneu d'endurance  Mixte
(sol humide)


Pneu
Pneu d'endurance  Pluie
(piste inondée)



Commissaires
pendant les 24 Heures du Mans 2005 une explosion de pneu survient sur la
 WR n° 24 comme on peut le voir sur l'écran de ce moniteur



Commissaires
Le pneu en cause sur la WR n° 24 (roue arrière gauche)  a sa bande de roulement désolidarisée des flancs. L'ensemble des techniciens représentant la marque dans les divers stands sont immédiatement prévenus de l'événement

Commissaires
Un technicien de Pirelli emmène le pneu pour examen. La Direction de course est  informée en cas de problème majeur et le
 manufacturier peut
  prendre des
  dispositions


Pneu
Pneu de F1
(Modèle unique,
étroit et rainuré
 pour limiter
 les vitesses
  en virage)





























































































































































































































































































Crédit photo reporting:
B. Villeret
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