La Chronique de Frédéric Doche Janvier 2008 Consolidation chez les éditeurs de logiciels La consolidation que l'on observe chez les éditeurs de logiciel s'accentue chaque jour un peu plus, tout particulièrement dans le domaine du décisionnel. Permettra t’elle de mieux répondre aux attentes du marché? Après les grandes maneuvres que l'on a pu observer ces dernières années dans les ERP, JD Edwards racheté par PeopleSoft puis ce dernier par Oracle, force est de constater que le très actif secteur du "Décisionnel" fait lui aussi l'objet d'une intense consolidation. Ce phénomène mérite que l'on s'y attarde pour en bien comprendre les tenants et les aboutissants... car cette concentration, qui n'est pas indépendante de la première, si elle n'apportait pas quelques avantages aux utilisateurs pourrait bien relancer l'apparition de nouveaux acteurs... Quelles opérations de consolidation en 2007 ? Les débuts d’année sont toujours l’occasion de dresser un bilan : En 2007, de nombreuses opérations de rapprochements ont eu lieu dans le domaine de l’édition de logiciel, et une consolidation particulièrement forte a eu lieu dans le secteur de la Business Intelligence ou du décisionnel. Après le rachat de TM1 et Frango par Cognos, puis celui d’Hyperion, éditeur de logiciel de reporting et consolidation par Oracle en Mars 2007, SAP a fait l’acquisition d’Outlooksoft. Puis c’est au tour de Business Objects de racheter Cartesis, spécialisé dans le domaine du BPM (Business Performance Management) en avril 2007. Business Objects s’est lui-même laissé séduire par SAP quelques mois plus tard en octobre 2007. On aurait pu penser que cette opération serait la dernière opération de l’année. Non, puisqu’elle a été rapidement suivie du rachat en novembre 2007de Cognos, dernier grand éditeur de Business Intelligence mondial, par IBM. L’ensemble de ces opérations se sont réalisées pour des montants de valorisation dont le total dépasse fortemant les 11 Milliards d’euros, sur des multiples de valorisation rapportés au chiffre d’affaires souvent particulièrement élevés (entre 2 et 4), voire peu raisonnable(5 fois le CA). La question peut donc se poser de la viabilité de ces opérations. Le propos de cet article n’étant pas d’être une analyse financière de ces opérations, je propose de nous focaliser sur l’un des critères d’évaluation de ces opérations de rapprochement : Cette consolidation permettra t’elle de répondre aux vrais besoins du marché et de créer la valeur nécessaire à la viabilité de ces opérations ? Un réel besoin d’intégration des outils L’une des demandes très fortes du marché du décisionnel dans les quelques années précédentes a toujours été une meilleure intégration des environnements de pilotage, notamment de reporting, de consolidation statutaire, d’élaboration budgétaire. Le manque d’intégration de ces domaines a généré dans de nombreuses entreprises des tâches significatives de rapprochement et de justification de données sans valeur ajoutée. La capacité à mieux intégrer les outils et à leur faire partager les mêmes référentiels (plan de compte, référentiel tiers …) est donc un besoin très clair depuis déjà de nombreuses années. Les éditeurs se sont attachés à y répondre, avec plus ou moins de succès, malheureusement trop souvent des succès plus marketing que réels. La consolidation des éditeurs de BI qui a eu lieu ouvre grand la porte à une intégration facilitée des différents outils. La capacité pour les outils BO ou Cartesis à partager les référentiels amont de SAP sera nécessairement plus importante, tout comme celle d’Hypérion à s’appuyer sur les référentiels des ERP d’Oracle. Dans ce sens, la consolidation devrait permettre de répondre à une vraie attente du marché dans la mesure où les éditeurs s’attachent à clarifier très rapidement leur offre produit (exemple : l’existence de 3 solutions de consolidation statutaire pour SAP (une existante et deux issues des 2 acquisitions) ne paraît pas viable dans la durée et devra être rapidement clarifiée. La crainte d’une spécialisation des outils décisionnels par ERP Une autre demande forte du marché du décisionnel est une ouverture (inter opérabilité) vers les environnements des autres éditeurs. De nombreuses « passerelles » avaient ainsi été développées par les éditeurs de BI pour s’interfacer avec les ERP du marché. L’un des risques fort dans la consolidation en cours est une régression de cette ouverture. De nombreux grands clients nous remontent leur crainte d’une spécialisation des environnements décisionnels où chaque environnement décisionnel communiquerait principalement avec l’ERP (BO avec SAP, Hypérion avec Oracle) mais beaucoup plus difficilement avec le reste du monde. La capacité des éditeurs à garder et intensifier cette interopérabilité est donc, à mon avis, un critère essentiel de réponse aux attentes du marché. Une vraie réponse aux besoins fonctionnels des clients L’une des conditions de satisfaction des clients vis-à-vis des éditeurs de logiciel est la capacité des éditeurs à prendre en compte leurs demandes d’évolution fonctionnelles à court, moyen et long terme. Les éditeurs décisionnels ont ainsi fait évoluer leurs outils en fonction d’une écoute du marché menée par des équipes spécialisées. La consolidation des éditeurs fait nécessairement courir le risque d’une perte de compétence dans ces équipes, les opérations de rapprochement étant l’occasion, particulièrement dans le monde de l’édition de logiciel, de grands mouvements d’équipes. La consolidation fait également courir le risque d’une écoute moindre des besoins des clients par dilution dans une plus grande structure. Le champ des clients internes d’une grande structure qui acquièrt un plus petit acteur du décisionnel ouvre en effet tant de nouvelles opportunités que l’écoute des clients externes risque d’en être perturbée pendant un moment. La rapidité d’intégration des équipes sans perte majeure de compétences, et la capacité à garder le focus sur les besoins de ses clients est donc un critère essentiel de succès. Un mode d’intégration respectant l’intégrité des acteurs On a pu voir par le passé un certain nombre d’opérations d’acquisition qui ont totalement intégré les produits de la société acquise dans l’offre de l’acquéreur, au point de les faire disparaître non seulement d‘un point de vue de la marque, mais aussi d’un point de vue fonctionnel. La résultante de l’opération était certes au final la disparition d’un concurrent, mais très peu accompagnée d’amélioration fonctionnelle. Dans le cadre des opérations en cours, il est à mon avis essentiel de préserver l’intégrité des acteurs, non pas au sens indépendance ou autonomie, mais au sens capacité d’écoute du marché, capacité de conception et d’innovation, capacité d’ouverture, et capacité de marketing et communication sur leur offre spécifique. Le mode d’organisation et de management des entités nouvellement acquises qui sera choisie, la marge de manœuvre qui leur sera laissée en termes de communication, sera un indicateur important à ce sujet. En effet, à mon sens, la présence marketing des éditeurs ne doit pas être l’essentiel de leur activité mais est un élément indispensable de leur existence. Or on voit souvent une absence de marketing et communication des sociétés nouvellement acquises durant au moins les 6 mois de l’opération. De la même façon, la capacité de conception fonctionnelle et d’innovation est essentielle sur des domaines tels que le décisionnel. La crainte d’un nombre d’acteurs trop limité, conduisant à des situations de monopoles ou de duopoles La consolidation 2007 dans le domaine qui nous intéresse a tout de même fait passer le nombre d’acteurs de 7 à 3 en moins de xx mois. L’autre crainte forte qui nous est remontée par nos clients est la limitation trop importante du nombre d’acteurs. Les grands groupes mondiaux sont les premiers à souhaiter diminuer le nombre de leurs prestataires dans le domaine informatique. Néanmoins la concentration sur un trop petit nombre d’acteurs inverse dans certains cas le rapport de force et vient déséquilibrer le rapport gagnant-gagnant que peut avoir ce type de relation. La récente augmentation des tarifs de Business Objects en est-elle un signe ? Quelles évolutions du marché peut-on imaginer ? J’essaierai ici de tracer quelques pistes d’évolution, sans toutefois être doté, pas plus que vous, d’une boule de cristal. Le mouvement de consolidation actuel dans le décisionnel devrait marquer une pause, principalement faute de combattants ! Les acteurs importants restant sur le marché, tels que SAS ou MicroStrategy, ne semblent pas particulièrement ouverts à une cession, SAS y ayant toujours été franchement opposé. SAP et Oracle se doivent de stabiliser leurs acquisitions récentes aant toute chose. A côté de ces grands acteurs, quel sera le rôle des plus petits et de l’open source ? Si la consolidation du secteur décisionnel réduit le nombre des grands acteurs, la concurrence devrait rester vive. Les grands acteurs sont en effet en diminution, mais les petits éditeurs restent nombreux et spécialisent leurs solutions pour se différencier sur des offres appelées parfois «ouvertes» en regard de l’interopérabilité. Les nouveautés technologiques viendront peut être de ces petits acteurs parfois plus réactifs tel que : Qlik Tech, Exentive, Prelytis, Spotfire, Synaxe, Friend, Report One ou encore Bristol Décision… Ces acteurs plus petits et donc plus agiles ont un rôle à jouer en termes d’innovation. Ils se doivent, pour se développer et survivre, de se différencier de leurs grands concurrents, et de proposer des solutions novatrices, ne serait-ce que parce que leur moyen marketing limité ne leur permet de se différencier que par le contenu et pas par le packaging. Si la concentration du marché n’apportait pas suffisamment de valeur pour les clients, il y aurait émergence d’offres alternatives, que ce soit par la croissance d’un actuel acteur secondaire ou bien par la montée en puissance de solutions en open source, ce qui n’a pas encore vraiment eu lieu. Frédéric Doche Président et fondateur du cabinet Décision Performance Conseil Président de Centrale Consultants Pour Info: www.conseil-dpc.com Retour: La Chronique de Frédéric Doche Les Chroniques de ConsultingNewsLine: retour Copyright Frédéric
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