Loïk Le Floch-Prigent ,
Consultant dans le secteur énergétique et minier
Auteur du " Mouton Noir " (Pygmalion)
Propos recueillis par Bertrand
Villeret
Ingénieur de formation, Loïk
Le Floch–Prigent a passé 10 ans à la DGRST (Direction
Générale de la Recherche Scientifique et Technique)
à l’époque de Pierre Aigrain, Bernard Gregory et Hubert
Curien, ce qui le conduira à devenir Directeur du Cabinet de
Pierre Dreyfus, alors Ministre de l’Industrie, lequel le nommera en
1982 à la direction de Rhône Poulenc, entreprise qui fait
des pertes et qu’il redressera en un temps record (-1 à +4) ce
qui lui vaudra d’être nommé en 1991 par François
Mitterrand à la tête du groupe pétrolier Elf qu’il
développera, notamment par de clairvoyants investissements
technologiques comme le forage profond. Il sera par la suite
nommé à la tête de Gaz de France puis de la SNCF,
entreprises qu’il contribuera là aussi à redresser en des
temps très courts… On le sait moins, aujourd’hui Loïk Le
Floch-Prigent prête conseil aux entreprises, et c’est sous cet
angle qu’il répond à nos questions lors de la 25 Heure du
Livre où il est venu présenter son dernier ouvrage
« Le Mouton Noir », édité chez Pygmalion,
dont le titre fait référence au sobriquet que
François Mitterrand
lui avait attribué. Le livre s’ouvre sur les dernières
aventures dont il a bien failli ne pas réchapper, puis
résume en quelques centaines de pages une carrière
industrielle déjà bien remplie et les 40 ans
passés dans les coulisses de la
République.
Interrogé
par nos soins sur le panorama industriel actuel, Loïk Le
Floch-Prigent se fait précis et observe « l’absence
d’entreprise minière française digne de ce nom »
alors même que le BRGM (Bureau de Recherches géologiques
et Minière) est peut-être l’organisme de recherche le plus
reconnu au monde : « Nous n’avons jamais voulu industrialiser les
connaissances » et « investir » ! Pour ce qui est
d’Alstom, sujet brûlant il observe « une absence de
stratégie » et dénonce « la vente de
tout un acquis à une société
étrangère pour une bouchée de pain » ! Et de
développer de manière plus générale sur la
difficulté de l’Etat comme de l’épargne française
à s’engager dans des investissements à risque, de par un
manque de goût du risque et un manque total de goût
industriel. Pour lui, les dirigeants d’entreprise seraient plus
enclins à gérer leurs carrières qu’à
développer leurs entreprises et les industriels quand ils sont
bons seraient affligés par une pression et des
«contrôles fiscaux» qui font que leurs entreprises
sont obligées de partir à l’étranger, alors
même que « 10% des 4000 milliards de l’épargne
française » seraient largement suffisants pour les
capitaliser. D’où le recours à des pratiques qu’il
condamne comme s’adosser au Qatar et à l’Arabie Saoudite, qui
ont selon lui, « gangréné le marché
».
Si
l'on devait, en conclusion de notre entretien, partir des remarques de
Loïk Le Floch-Prigent et générer les questions qui
les appellent, on arriverait synthétiquement au triptyque
suivant :
Que
devrait faire l’Etat pour réindustrialiser la France ? «
Qu’il redevienne un Etat » !
Quelles
qualités devraient afficher les chefs d’entreprise ? «
Avoir le goût du risque et la connaissance du terrain » ! Que
devrait-on attendre du monde des consultants ?
« Que les groupes de conseil se concentrent sur les chefs
d’entreprise qui
veulent développer leurs entreprises, qui
pensent à la France » !
On le
voit, ce solide Breton qui se reconnaît avoir toujours et encore
« le goût du risque, de la recherche, de l’industrie et de
l’énergie », après avoir redressé 4 des plus
grands groupes français, ne s’en laisse pas compter par les
événements, et garde toute sa passion pour l’action et le
terrain. Et comme il nous le rappelle en dédicace de son livre,
au-delà de son activité de conseil en Afrique et au Moyen
Orient, il souhaiterait bien «encore une fois, participer au
redressement industriel de la France». Dans la tourmante qui est
celle du temps présent, gageons que son message pourrait bien
être entendu, à gauche comme à droite … BV
Pour
accéder au "Mouton Noir" dans notre rubrique Livres : Le Mouton Noir
Loïk Le Floch-Prigent à la
25ème Heure du Livre dans la lumière chatoyante des
vitrages teintés du nouveau théâtre de la
Ville du Mans
Images : B. Villeret, Quantorg
2014
Travail des couleurs : Claude Dézille 2014