Après ces débuts chaotiques et quelques séances d’inscriptions diverses, le partage en groupes de langue, de sport, de travaux pratiques, et autres visites médicales, toutes démarches qui ne faisaient qu’accentuer l’impression qu’avait Candide de passer dans un mixer, soudain ce fut le premier cours.

Dans un silence enfin retrouvé, un professeur monta sur l’estrade le plus naturellement du monde, et commença à écrire au tableau des formules mathématiques comme si rien ne s’était passé depuis la taupe. C’était les mêmes formules, les mêmes théorèmes ; au fond il n’y avait pas de raisons qu’elles changent, ces mathématiques. Candide en fut tout rassuré. Finalement il ne fallait pas s’en faire, tout continuait comme avant !

Oui, cette première année, tout continua un peu comme avant. Simplement Candide comprit que tout était moins risqué, si une matière n’intéressait pas, on pouvait laisser tomber, il suffisait de surveiller sa moyenne et de compenser ailleurs, en particulier en s’associant habilement chaque fois qu’il y avait une notation par « binôme » ou par groupe. Candide n’en profita pas outre mesure. Une confiance, un respect pour le système éducatif étaient ancrés en lui, si bien qu’il ne changea pas ses habitudes, et fit partie de la moitié d’élèves assidus, ne manquant pas sans raison, et n’ayant pas trop à manœuvrer pour apparaître dans le premier quart du classement. Et c’est plutôt à lui que certains élèves peu assidus cherchaient à s’associer pour se faire remorquer, car il n’était pas regardant sur son volume de travail. Il en tirait le bénéfice d’être plutôt apprécié de ses camarades ; d’ailleurs la tradition entre élèves était plutôt de laisser chacun libre de « fayotter » ou de « pomper », l’essentiel étant surtout de respecter la liberté de chacun.

Jean Noël Contensou
Candide, jeune ingénieur, fait de la résistance
Editions Publibook, Paris 2005