Carnets de voyage
Juillet-août 2008
André Dheyve
L'Affaire Courtenoy



Je fais un effort de mémoire pour me remémorer le scénario
des événements qui ont conduit l’accusé devant la cour. Sans
consulter mes notes. En me fiant à ce que j’ai retenu des débats.
Je remonte le temps. Sept mois et demi se sont écoulés depuis
les faits.
Le lundi 16 mai 2005, lundi de Pentecôte, Richard Courtenoy
éprouve le besoin de se rendre dans ses bureaux. Il
racontera aux enquêteurs qu’il devait récupérer certains documents
dont il avait besoin le lendemain. Pour un rendez-vous à
l’extérieur, chez un des plus importants clients du cabinet Paszyk
& Courtenoy, experts comptables, fiscaux et consultants
réputés.
Arrivé sur les lieux, il est intrigué par diverses anomalies : le
courant est coupé, la vidéosurveillance, pourtant raccordée à
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une alimentation électrique de secours, ne fonctionne pas, une
porte à l’arrière, donnant accès au sous-sol, est entrebâillée.
Il entre malgré tout. Il se croit seul en ce jour férié.
Quelle n’est pas sa surprise de découvrir le bureau de son associé
Andréas Paszyk ouvert alors que l’accès en est protégé par
un code.
Il pénètre dans le local et y trouve le corps sans vie de son
ami, celui avec qui il a créé la société voici une quinzaine
d’années.
Tout laisse supposer un suicide. Andréas Paszyk est affalé
sur son bureau, un revolver à la main. Il s’est tiré une balle dans
la bouche. La mort remonte au samedi 14 mai.
C’est presque une enquête de routine qui est confiée au juge
Rannebecq.
Il va toutefois falloir compter avec lui. Un homme qui ne lâche
rien. Qui s’émeut du moindre détail insolite. Qui veut une
explication logique à tout.
Le juge d’instruction commence par relever une empreinte
partielle de Richard Courtenoy sur l’arme. Ce dernier prétendra
avoir touché l’arme dans l’affolement qui a suivi la découverte
du cadavre. Comme il donne l’impression d’être quelqu’un de
particulièrement maître dans l’art de dominer ses émotions,
Rannebecq le prend dans son collimateur.
L’alibi que Courtenoy invoque pour le samedi est démenti
par son épouse.
Partant du principe qu’un mensonge a toujours une bonne
raison d’exister, le juge pousse plus avant. Il ne trouve à Courtenoy
ni maîtresse, ni passe-temps inavouable justifiant un
emploi du temps fictif.
Mieux, il établit que Courtenoy est passé au bureau le samedi.
La vidéosurveillance fonctionnait encore et son arrivée fut
enregistrée. Pas sa sortie, car à ce moment la panne était effective.
Il prouve ainsi que son suspect s’est trouvé sur les lieux à
un moment où Andréas Paszyk vivait toujours. Il n’a par contre
aucun moyen de savoir si c’était encore le cas quand Courtenoy
s’en est allé.
Il recherche un mobile. L’étude approfondie de la comptabilité
lui en fournit un. Il découvre un important ordre d’achat
boursier, au nom personnel de Courtenoy, visant les actions
d’une société pharmaceutique sur laquelle un des clients du
cabinet se prépare à lancer une OPA. Et un courriel de Paszyk
demandant des explications à ce sujet.
Mise sous pression, la femme de Courtenoy admet qu’il lui
avait rapporté une conversation orageuse avec Paszyk, à propos
de problèmes comptables. A la longue, la conversation orageuse
se serait muée en véritable altercation.
Dernier élément à charge : les empreintes de Courtenoy sont
relevées sur les fusibles automatiques et sur la centrale de la
vidéosurveillance. Les examens de cette dernière amènent la
preuve d’un essai de manipulation des données. A moitié réussi
seulement. La bande-vidéo enregistrant l’entrée de Courtenoy
dans les locaux était effacée, mais il en subsistait des images
dans une mémoire tampon de sécurité.
L’épouse de Courtenoy devient le principal témoin à charge.
L’hypothèse d’un suicide s’évanouit au profit de celle d’un
crime camouflé en suicide.


>>>>>  extrait n°4


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Extraits de l'Affaire Courtenoy :
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