Carnets de voyage
Juillet-août 2008
André Dheyve
L'Affaire Courtenoy




Comment en revient-on aujourd’hui à la certitude d’une
mort auto infligée ? Car c’est bien de certitude qu’il s’agit, à
écouter le clan Radenot.
Je me dis que le mieux informé, à l’exception du Président,
de ses assistants, de l’avocat général et de la défense doit être le
juge Nicolas Rannebecq. Je me mets à sa recherche et le trouve
dans son bureau.
Miracle ! Personne n’a encore eu la même idée que moi. Je
frappe et le juge vient m’ouvrir en personne. Nous nous
connaissons à peine, mais nous avons eu l’occasion de nous
apprécier lors d’une affaire récente. Il m’invite à entrer.
— Quelle affaire, me dit-il, visiblement ébranlé ! Je n’ai pas
mérité cela.
— Si vous m’en racontiez un peu plus, lui suggéré-je.
— Tout démontrait un meurtre camouflé, les indices, les
constatations, les témoignages. Et maintenant, on excipe une
lettre.
— Une lettre ?
— Oui. Un message d’adieu rédigé et signé de la main de la
victime. Il y justifie son geste et implore le pardon. C’est inouï.
— Attendez ! Que me dites-vous là ? Une lettre qui vous aurait
échappé ?

— Et pour cause. Elle a été adressée au neveu du mort. Ce
parent est le seul que Paszyk avait encore. Le fils d’une soeur,
mère célibataire décédée il y a huit ou neuf ans.
— O.K. Voilà qui explique pourquoi elle n’était pas sur les
lieux. Mais sept ou huit mois de retard pour réapparaître
soudainement ?
— Je ne suis pas encore au courant de toute l’histoire. Il y
aura bien une explication. Le problème actuel est d’en vérifier
l’authenticité. C’est pour cela que Hautecourt est si ennuyé. Il
faut procéder d’urgence à une expertise. Et l’avocat général en
exigera une autre.
— Donc, il reste la possibilité que ce soit un faux.
— Bien sûr. Mais je n’irais pas faire des paris là-dessus. Je
vais prendre des coups.
— Pas dans mon journal en tout cas. Je peux vous assurer
que mes articles ne mettront en doute ni votre professionnalisme,
ni votre intégrité. C’est un concours de circonstances.
— Sans doute. Tous vos confrères n’auront pas les mêmes
scrupules.
Je prends congé du juge. Je suis quand même inquiet de le
trouver si abattu.
Je rappelle le Vieux.
Des fois qu’il changerait d’avis, suite à ma nouvelle information.
Mais non, il s’en tient à sa première décision. Il n’a sans
doute pas tort. C’est un vieux briscard qui connaît le monde de
la presse mieux que quiconque.
— Laissez aller, Dheyve. Rédigez votre papier pour l’édition
de demain matin. Evoquez cette lettre mystérieuse dans le titre.
Si à ce moment nous sommes encore les seuls journalistes à
savoir, nous aurons un beau coup à jouer. Je mets tout en place
pour doubler le tirage en cas de besoin. Mais je n’ordonne encore
rien dans ce sens. Je jugerai sur pièces.
— Bien Monsieur. Je rentre préparer mon article.
— Vous osez quitter le tribunal ?
— D’après ce que j’ai appris du juge, il va falloir un jour ou
deux, voire plus, pour authentifier la lettre. Je ne risque pas de
louper grand-chose en m’éclipsant.

— Vous avez raison. Et ma bénédiction. Vous pensez me
soumettre votre papier pour quelle heure ?
— Dix-sept heures trente, par là. Ça vous convient ?
— On sera dans les temps. C’est le contenu de votre article,
ou plutôt son titre, qui comptera. Ficelez-moi ça convenablement.
Je vous fais confiance.



>>>>>  extrait n°5


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Extraits de l'Affaire Courtenoy :
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