Carnets de voyage
Juillet-août 2007 Le
Dossier Pouchkine
Entrainement par Jean-François Pré Kremer a l’habitude des
journalistes. C’est un charmeur.
Son sourire ensorcelle mais son regard me glace le sang. Br-r-r-r-r-r ! Vassili Pouchkine, lui, doit avoir peu ou prou le même âge que moi. Comme le poète russe du XIXème, c’est un métis. Existe-t-il un lien de parenté ? Nul ne le sait et, de toute façon, ce ne sont pas là des questions que se pose la presse sportive. Ses parents sont russes, de Saint- Pétersbourg, mais sa mère est née à La Havane. Cela figure dans tous les dossiers de presse. Une Cubaine certainement très foncée qui a dû quitter le lider maximo pour suivre papa Pouchkine, après la chute du mur de Berlin. Cela ne figure pas dans le dossier de presse. Vassili Pouchkine est au football ce que le pur-sang est à l’espèce équine. C’est peut-être la raison de leur attirance mutuelle. Le métis danse avec la balle plus qu’il ne la touche, la caresse plus qu’il ne la frappe, la subtilise, invente des ellipses d’un pied à l’autre, d’avant en arrière, jongle de la tête et du poitrail, s’enroule autour du caoutchouc tel un reptile étouffeur… pour mieux comprimer puis faire gicler le ballon. Mais Pouchkine n’est pas qu’un prestidigitateur. Athlète gracile aux muscles ciselés, il tire son unicité – pour ne pas dire son invincibilité – de ses démarrages fulgurants. En trois secondes, le métis passe de la vitesse zéro à celle d’un sprinter ayant atteint son plein régime. Implacable ! S’il n’avait explosé dans le foot, Pouchkine aurait été recordman du cent mètres, aucun doute là-dessus ! A ce jeu-là, ses opposants doivent se mettre à plusieurs pour trouver une parade, essayant d’anticiper ses déplacements. Cela fragilise la défense adverse qui devient perméable aux offensives des coéquipiers du prodige. Voilà donc ce miracle de la génétique. Là, juste quelques mètres devant moi. Un sur dix milliards ! Et pourtant, il est fait de chair et de sang, comme moi, comme vous… L’entraînement tire à sa fin mais Pouchkine se meut avec une telle légèreté que la notion de repos semble irréelle. Une libellule se repose-t-elle ? Non, elle virevolte comme les doigts d’un pianiste et lorsqu’elle s’arrête, c’est pour mourir. Voilà, c’est fini. Pouchkine enfile son survêtement et Kremer le prend par les épaules. A côté du colosse, le métis dégage une certaine fragilité. Dans sa façon de marcher, peut-être. Ses chaussures cloutées ne ressemblent pourtant pas à des ballerines et ses protège-tibias ne portent pas d’ailerons en guise de franges. Allons Fléance, tu n’es pas là pour faire de la poésie ! On t’a juste demandé de pondre un papier sur le footballeur du siècle et son amour pour les chevaux. Eh bien justement, nous y voici. Pour la suite du programme, j’ai un tuyau. Le Russe va retourner se changer au Mont Royal, complexe hôtelier haut de gamme qui surplombe la Chapelle-en-Serval. Cela ne vaut pas la peine d’essayer d’y pénétrer ; même avec une carte de presse. Réquisitionné par l’équipe de Russie, le Mont Royal est ceinturé de flics en civil. Les bois alentours en sont également truffés. Seuls peuvent entrer les joueurs et leur entraîneur. Ainsi que Maximilian Kremer, bien entendu ! Il existe peu d’endroits où Kremer est persona non grata. Le Mont Royal vit en autarcie depuis le début de la Coupe du Monde. En revanche, je sais que Pouchkine et Kremer vont ressortir en catimini pour se rendre chez Prospère Barrois. Vous savez, celui qui entraîne les chevaux de Kremer… Le mieux est d’y aller tout de suite. Jean-François Pré Le dossier Pouchkine Editions Publibook, Paris 2007 Copyright Jean-François Pré 2007 pour ConsultingNewsLine Extraits du Dossier Pouchkine : Courtoisie de l'auteur et des Editions Publibook All rights reserved Reproduction interdite |
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