Carnets de voyage
Juillet-août 2007 Le
Dossier Pouchkine
Auteuil - Longchamp par Jean-François Pré J’opinai du bonnet en souriant
intérieurement. Il y a
longtemps que ce genre de presse n’existe plus, mais Prospère évolue dans un milieu très passéiste. On a beau faire et beau dire, le monde des courses regarde toujours dans le rétroviseur. Même avec des jockeys robots, tels qu’on les voit apparaître au Japon de nos jours. Et en compétition, s’il vous plaît ! — Je te présenterai comme un ami, rajouta Prospère. Surtout, ne vas pas leur raconter que tu es journaliste ! — Pas besoin d’être docteur en psycho pour ça… Prospère avait levé les yeux au ciel. — Oh, avec vous autres… je me méfie ! Au lycée, Prospère et moi étions considérés comme de vrais cancres parce que nous étions des littéraires. Que faire de littéraires aujourd’hui ? Les lettres françaises, le latin, le grec ancien et la philosophie ne servent plus ! Nous avons dû tomber sur les deux seuls métiers qui n’exigent aucune formation scientifique… et même aucune formation tout court. Des métiers d’autodidacte, de marginal… presque des métiers d’artiste. Que serions nous devenus sans les courses ? Cette vocation – le cheval – nous l’avons embrassée ensemble et par hasard. Quand notre prof de maths nous a emmenés sur un hippodrome. Le pauvre… désespérant de nous communiquer son savoir, il nous a refilé son virus ! Nous étions ses deux vilains petits canards mais – allez savoir pourquoi ! – il nous avait à la bonne. Toujours est-il que ça a fait tilt. Et comment !… Cela se passait à Auteuil-Longchamp, il y a une petite dizaine d’années. Super complexe de loisirs que cet Auteuil- Longchamp… sis en pleine zone. Hélas ! Ceinturé de barbelés et de patrouilles de maîtres-chiens. Vu de l’extérieur, on se croirait au goulag. Vous savez… oui évidemment, vous savez. Bref, quand je lis de vieux bouquins qui vous racontent qu’au siècle dernier il y avait un bois, entouré de quartiers chics, où les Parisiens venaient flâner le dimanche… j’ai peine à le croire. A Auteuil-Longchamp, on trouve un casino, deux piscines, un centre équestre, une carrière olympique, des courts de tennis saupoudrés comme des confettis, un parcours de golf (dix-huit trous, s’il vous plaît !), un clubhouse de rêve et bien sûr, une piste d’obstacle et de plat pour les courses. Fichtre, les courses… elles étaient quand même là avant tout le monde, non ? D’ailleurs, il n’y a pas si longtemps, il existait un hippodrome rien que pour l’obstacle à la Porte d’Auteuil. J’y reviendrai. Vous imaginez bien que, devant cet étalage d’activités sportives qui auraient fait tourner la tête à n’importe quel adolescent, Prospère et moi n’avions d’yeux que pour le cheval. Le cheval de course. Je crois qu’à la même minute, la même seconde peut-être, nous avons décidé – sans nous l’avouer – de lui consacrer notre vie. D’un niveau social légèrement supérieur, les parents de Prospère comptaient quelques propriétaires parmi leurs relations. Davantage "intello-rive gauche", les miens étaient plutôt introduits dans les milieux de la presse. Cela fit toute la différence, mais Prospère et moi sommes restés à jamais estampillés par ce coup de foudre. Jean-François Pré Le dossier Pouchkine Editions Publibook, Paris 2007 Copyright Jean-François Pré 2007 pour ConsultingNewsLine Extraits du Dossier Pouchkine : Courtoisie de l'auteur et des Editions Publibook All rights reserved Reproduction interdite |
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